Dictionnaire amoureux des fourmis  -  Nouveautés juin 2023 

Mis à jour le 03-Jul-2023

Divers : Une belle fourmi dans le massif des Bauges - Conférence "Le monde des fourmis" - Construction du nid chez les termites - Le problème des insecticides - Concert Rock - Les fourmis aiment-elles le plastique ?  -

Personnes : Ne pas oublier de regarder AntWiki qui cite tous les myrmécologues du monde avec certaines de leurs publications (ce n'est pas à jour) - Benoit Guénard - Marie Bourel - Jacques Pasteels -

Espèces : Camponotus herculeanus - Lasius emarginatus - Fourmis invasives - Cataglyphis - Abeilles - Dorylus - Lasius - Ooceraea - Temnothorax - Reticulitermes - Les effets de l'infection par le champignon Rickia wasmannii -

Livres, textes : Fourmidables fourmis (2023) - Les petites fourmis (2020) - Les fourmis savent-elles nager ? (2023 - suite) - Le monde des fourmis (Chauvin 2003) - L'Odysée des fourmis réédition 2023 -


Les effets de l'infection par le champignon Rickia wasmannii sur la reconnaissance coloniale chez Myrmica scabrinodis. Les larves du papillon Maculinea (Phengaris) ont plus de chances d'être adoptées par la colonie hôte si celle-ci est infectée. L'infection se traduit par des modifications des hydrocarbures cuticulaires (Csata et al 2017). Cela pourrait s'expliquer par une diminution globale de l'agressivité (Csata et al 2023). Voir Champignons parasites
- Csata, E., N. Timus, M. Witek, L. P. Casacci, C. Lucas, A.-G. Bagnères, A. Sztencel-Jablonka, F. Barbero, S. Bonelli, L. Rákosy, et al. (2017). Lock-picks: fungal infection facilitates the intrusion of strangers into ant colonies. Scientific Reports 7: 46323. 10.1038/srep46323.
- Csata, E., L. P. Casacci, J. Ruther, A. Bernadou, J. Heinze and B. Marko (2023). Non-lethal fungal infection could reduce aggression towards strangers in ants. Communications Biology 6. 10.1038/s42003-023-04541-7

Le rôle des protéines cuticulaires volatiles dans les contacts "body shaking" chez les termites Reticulitermes flavipes. Les reproducteurs ont plus de protéines différentes que les ouvriers et une composition spécifique. Ces résultats préliminaires montrent que la communication n'est pas limitée aux hydrocarbures (Ruhland et al 2023). Interesting.
- Ruhland, F., G. Gabant, T. Toussaint, M. Nemcic, M. Cadène and C. Lucas (2023). Reproductives signature revealed by protein profiling and behavioral bioassays in termite. Scientific Reports 13(1): 7070. 10.1038/s41598-023-33252-6

L'espérance de vie des fourmis Temnothorax parasitées par le ténia est triplée (Hartke et al 2023, Henry 2023 - merci Max Huber).
- Hartke, J., A. Ceron-Noriega, M. Stoldt, T. Sistermans, M. Kever, J. Fuchs, F. Butter and S. Foitzik (2023). Long live the host! Proteomic analysis reveals possible strategies for parasitic manipulation of its social host. bioRxiv: 2022.2012.2023.521666. 10.1101/2022.12.23.521666
- Henry, L. (2023) Un parasite défie le temps en triplant la durée de vie des fourmis infectées. trustmyscience, 13 juin 2023, https://trustmyscience.com/fourmis-parasite-triple-esperance-vie/.
Voir texte Voir Fourmis et ténia

               


L'odorat chez les fourmis Ooceraea (article publié en préprint en 2022 : Hart et al 2022, puis Hart et al 2023, Herzberg 2023). Toujours dans le labo de David Kronauer à New-York. Ils ont généré des fourmis transgéniques pour un indicateur du calcium GCaMP dans les neurones olfactifs. Tout sur les lobes antennaires olfactifs de cette fourmi thélytoque qui n'en finit pas de nous surprendre. Il y a 500 lobes (glomérules) chez les fourmis en général. Et surprise, seulement 6 glomérules sont activés en présence de phéromone d'alarme qui déclenche la panique et l'évacuation du nid (4-me-3-heptanone, 4-me-3-heptanol).
- Herzberg, N. (2023). Comment les fourmis perçoivent l’odeur du danger. Le Monde Science et Médecine 21 juin 2023. p. 8. Avec interview de Patrizia d'Ettorre. Pdf
- Hart, T., D. D. Frank, L. E. Lopes, L. Olivos-Cisneros, K. D. Lacy, W. Trible, A. Ritger, S. Valdés-Rodríguez and D. J. C. Kronauer (2023). Sparse and stereotyped encoding implicates a core glomerulus for ant alarm behavior. Cell. https://doi.org/10.1016/j.cell.2023.05.025

- Hart, T., D. Frank, L. E. Lopes, L. Olivos-Cisneros, K. D. Lacy, W. Trible, A. Ritger, S. Valdés-Rodríguez and D. J. C. Kronauer (2022). Sparse and stereotyped encoding implicates a core glomerulus for ant alarm behavior. bioRxiv: 2022.2012.2029.522224. 10.1101/2022.12.29.522224
Taxonomie des Lasius, avec notre ami Xavier Espadaler. Lasius niger est une "pest species" en Europe selon les auteurs, ce qui n'est pas évident selon moi, et est introduite en Amérique du Nord. Les analyses génétiques et morphométriques portent sur de nombreuses espèces paléarctiques et néarctiques. Elles montrent qu'il y a une autre espèce L. ponderosae sp. nov.
- Schär, S., G. Talavera, J. Rana, X. Espadaler, S. Cover, S. Shattuck and R. Vila (2022). Integrative taxonomy reveals cryptic diversity in North American Lasius ants, and an overlooked introduced species. Scientific Reports 12: 5970. 10.1038/s41598-022-10047-9

Les abeilles : douées pour les maths ? Une superbe synthèse dans Espèces, par Martin Giurfa de Toulouse. A lire absolument si vous voulez savoir tout sur les capacités des abeilles pour le calcul. Elles sont capables d'intégrer la notion de "zéro", d'additionner et soustraire +1 et -1, etc.. Cette revue est dispo dans les kiosques et vous pouvez vous abonner.
- Giurfa, M. (2023). Les capacités numériques des abeilles. Espèces 48: 14-21.

Juste pour vous donner envie d'acheter le n° :


Fourmis collectrices de virus. Suite à l'article sur les virus des fourmis magnans au Gabon Dorylus, prédateurs et charognards (Fritz et al 2023). Voir Virus
- Dabonneville, C., J. Grangier and H. Rabillé (2023). Fourmis collectrices de virus. Espèces 48: 8.


Jacques Pasteels nous raconte un peu sa vie professionnelle (mail du 12 juin 2023) :

"J'ai eu une carrière à mon goût fascinante et diversifiée quoi que régie par une certaine logique. J'ai eu une vie de chercheur excitante et je ne regrette rien.
Mes recherches m'ont conduit à travers le monde, des tropiques, Panama, Nouvelle Guinée, Gabon, de la Laponie à la région méditerranéenne, jusqu'à des régions alpines en Europe et au Kazakhstan en Altai.
Mes recherches n'ont pas suivi un long fleuve tranquille, linéaire. J'ai commencé par les termites et termitophiles, puis les fourmis, sans abandonner les termites, reprise en Nouvelle Guinée et puis, me passionner sur la défense chimique des insectes, pour faire plaisir aux chimistes organiciens à la recherche de molécules compliquées, sans quitter mon intérêt pour les insectes sociaux, termites et les fourmis, entre autres, pour finir sur les chrysomèles et leur fascinante dépendance ou non de leur plantes hôte. Tout en ayant ce passionnant interlude sur l'autoorganisation avec Jean-Louis Deneubourg.
Pourquoi un tel parcourt?
L'intitulé d'un exposé invité sur mon parcourt ( limité à l'écologie chimique bien sûr) lors d'un symposium de l'ISCE à Washington était "Wonderful encounters and unique opportunities". Cela résume bien mon parcourt " hazard et opportunités". Tout compte fait une évolution darwinienne...
Ce qui caractérise mon parcourt ce sont les longues collaborations établies avec des experts possédant des techniques que je ne possédais pas, chimistes organiciens de l'ULB, biochimistes de Braunschweig, Hartmann, et du Max Planck à Jena, y compris la biomol. Boland et ses chercheurs,
Collaborations win win, très amicales, sans jamais une discussion sur l'ordre des auteurs. Et aussi bien sûr Deneubourg.
Et bien sûr, mes thésards, Roisin, Aron, de Biseau, Detrain, Quinet, Bouvé, Leponce ... qui ont pu développer leur recherche en toute indépendance même s'ils restaient dans mon service."


Une nouvelle espèce de Cataglyphis du groupe cursor en Espagne ? Elle a été trouvée au Nord-ouest de Madrid (Salobralejo et Castrillo). Les deux populations sont génétiquement isolées des deux autres espèces connues C. piliscapa et C. cursor (mtDNA et microsateilites). Elle est moins polyandre et les reines font moins de thélytoquie.
- Doums, C., P. Chiet-Belle, T. Lenormand, R. Boulay and I. Villalta (2023). A putatively new ant species from the Cataglyphis cursor group displays low levels of polyandry with standard sexual reproduction. Research Square Preprint. https://doi.org/10.21203/rs.3.rs-3013514/v1

Les fourmis aiment-elles le plastique ? En Chine, des Pheidole ont été vues transportant des microplastiques. Un article très court. Voir Plastiques.
- Zhu, Y., L. Zhang, X. Liu and J. Wang (2023). Ants actively carry microplastics. Frontiers in Ecology and the Environment 21(5): 219-219. https://doi.org/10.1002/fee.2642. Pdf


L'Odysée des fourmis, d'Audrey Dussutour et Antoine Wystrach, préface Mathieu Vidard, déjà réédité en livre de poche (J'ai Lu, 10 juin 2023, 9€). Un indice du grand succès de ce livre. Il y a quelques jours j'ai rencontré une lycéenne de 1ère, passionnée d'insectes, qui m'a dit avoir acheté le livre et trouvé super intéressant.


Concert Rock "Des fourmis dans les mains", à Villefranche-sur-Saône le 14 juin 2023 (Lien). Voir Spectacles


Le problème des insecticides. L'émission Cash Investigation du 6 juin 2023 alerte sur les insecticides du bio comme le spinosad. Oui, le spinosad est mortel pour les abeilles, logique comme insecticide puissant, mais aussi perturbateur endocrinien pour l'homme (femmes enceintes et thyroïde). Hélas l'émission n'est qu'à charge et oublie de parler des bienfaits du bio..
"Le grand brouillard apparaît quelquefois dehors. La plupart de ceux qu'il prend meurent misérablement. Les chanceux comme toi deviennent fous ou aveugles. Ou les deux. Ce grand brouillard ressemblait fort à l'insecticide dont je m'étais plus d'une fois servie - en vain - pour chasser les fourmis de notre terrasse." Kim Lange dans Maudit Karma (David Safier 2008).
Fourmis invasives toujours dans l'actualité

- Tapinoma magnum. Le réchauffement pousse des fourmis invasives vers le nord de l'Europe, par Jeremy Wilks, 19 juin 2023, euronews.
" Des fourmis invasives prolifèrent plus au nord du fait de la hausse des températures.
Avec le réchauffement, des espèces invasives de fourmis de Méditerranée sont aujourd'hui, capables de survivre plus au nord alors qu'en Europe, les hivers sont de plus en plus doux et les longues périodes de gel se raréfient.
De nouvelles colonies ont fait leur apparition dans l'ouest du continent, notamment dans la ville française de Lyon, comme nous le constatons dans un centre dédié aux arts et à la culture, situé sur un ancien site industriel. Nous rencontrons deux scientifiques de l'Université Claude Bernard Lyon 1 mandatés par les autorités locales pour les traquer.
Très vite, nous découvrons d'innombrables spécimens de l'espèce de fourmis appelée
Tapinoma Magnum autour d'arbres importés. Néo Boinon, étudiant en écologie, explique que les plantes exotiques font partie des principaux moyens par lesquels les fourmis invasives atteignent de nouvelles villes. "Ce sont des arbres dans lesquels suffisamment de reines sont présentes et une fois qu'ils sont arrivés à un autre endroit, forcément, les reines sont bien, sont établies et elles dispersent leurs ouvrières partout," indique-t-il."
La chasse aux fourmis se poursuit dans un bâtiment où nous rencontrons un artiste manga qui a été le témoin d'une invasion de fourmis cet hiver.
Les fourmis ont commencé à venir sous l'évier et à longer le mur jusqu'à arriver dans notre atelier," nous montre-t-il. Les fourmis étaient probablement attirées par la nourriture et la chaleur. "Du fait qu'il y en avait des milliers comme cela, j'en avais parfois sur moi quand je travaillais au sol," se souvient-il, avec dégoût.
La
Tapinoma Magnum est native du bassin méditerranéen et a aujourd'hui colonisé des zones urbaines en France, Belgique, Allemagne et aux Pays-Bas. Elle ne provoque pas de piqûres douloureuses, mais elle représente une nuisance pour les habitants et elle éradique les populations de fourmis indigènes."

" Selon le scientifique Bernard Kaufmann, professeur associé d'écologie à l'Université Claude Bernard Lyon 1, l'Europe doit se préparer à accueillir davantage d'espèces invasives comme la fourmi électrique originaire d'Amérique du Sud, à mesure que la planète se réchauffe.
"On a entre 100 et 200 espèces de fourmis qui sont déjà des espèces que la globalisation a apportées partout dans le monde," fait-il remarquer. "Le changement climatique va bien sûr accélérer ce processus et favoriser l'installation d'espèces de plus en plus thermophiles - qui aiment la chaleur -, même dans nos latitudes tempérées," prévient-il."

Néo Boinon est étudiant en master d'écologie à Lyon.

- Mail d'une maraîchère près d'Avignon : "Je suis agricultrice sur Pujaut dans le Gard à coté d'Avignon. J'ai un sol très très sableux (70% de sable, 15% de limon et 8% d'argile). C'est le paradis des fourmillières. C'est ma première vraie saison maraichère à temps plein. Et cette année j'ai des fourmilières absolument partout sur mon terrain, dans les passe-pieds et sur mes planches de cultures. Pas de pucerons, mais ces fourmis mangent littéralement mes aubergines." (7 juin 2023). Sans doute des magnum, mais à vérifier.

    

- Tapinoma magnum signalée à Lescar près de Pau. Infestation qui aurait débuté il y a 4 ou 5 ans et qui s'étend sur tout un quartier (9 juin 2023). Pour le moment elles ne semblent pas trop importuner les habitants, mais j'ai vu des pistes spectaculaires le long des trotoirs et de grandes quantités dans les jardins sous les pierres, elles ne sont pas agressives entre les zones du quartier, ce qui confirme la notion de super-colonie. Par contre, elles s'agressent avec celles de Sauvagnon, donc ce sont deux origines différentes, à confirmer.


Construction du nid chez les termites. Un bel article sur la construction des nids de Coptotermes formosanus, avec la participation de David Sillam-Dussès de Villetaneuse. Voir Construction.

- Facchini, G., A. Rathery, S. Douady, D. Sillam-Dussès and A. Perna (2023). Substrate evaporation drives collective construction in termites. https://doi.org/10.7554/eLife.86843.1. Libre accès.
- Pour construire leur nid, les termites ont le sens de la géométrie, Le Monde Sc Méd 7 juin 2023. Pdf


Marie Bourel, thésarde au Cirad à La Réunion, direction Philippe Tixier et Dominique Carval (Supagro Montpellier, 2022-2025) : Interactions cochenilles-fourmis dans les systèmes de culture d’ananas à la Réunion.

Interview (mail 19 juin 23) :
" En ce qui concerne mon itinéraire vers les fourmis, j'ai fait mes études (licence + master Ecologie Evolutive et Comportementale) à l'université de Tours, avec mes professeurs membres de l'Irbi. Je me suis donc très naturellement spécialisée dans les modèles insectes. A la fin de mon master, j'ai souhaité poursuivre dans la discipline qui me passionne le plus, c'est-à-dire l'écologie comportementale. Dans cette discipline, les fourmis sont sûrement parmi les organismes les plus fascinants, de part leur diversité et la complexité de leurs interactions.

Du côté de ma thèse, je travaille sur l'interaction mutualiste fourmis-cochenilles dans les systèmes de culture d'ananas à la Réunion. La culture d'ananas est l'une des plus importantes à la Réunion, mais elle se trouve confrontée à de nombreuses problématiques, notamment la présence de cochenilles. Ces insectes sont des piqueurs suceurs qui peuvent transmettre aux plants un complexe de virus de Wilt et ainsi induire jusqu'à 80% de pertes pour les producteurs. D'autres espèces telles que les fourmis sont aussi impliquées dans ce pathosystème : elles nourrissent et protègent généralement les cochenilles des prédateurs, tandis que ces dernières fournissent du miellat aux fourmis. Ce mutualisme complique grandement la régulation des cochenilles par la lutte biologique : les fourmis peuvent attaquer ou empêcher les prédateurs de se nourrir de cochenilles et même réduire l'efficacité d'éventuels parasitoïdes.

A La Réunion, les espèces de fourmis impliquées dans ce mutualisme n'ont pas encore été décrites. Nous menons donc en ce moment même une étude sur parcelles d'ananas, où nous utilisons une approche d'imagerie combinant des captures d'images sur le terrain et un algorithme de vision par ordinateur pour faciliter la détection et la détermination des espèces en jeu. En parallèle on essaye dès que l'on peut de faire des sorties à différents endroits de l'île pour inventorier les espèces présentes à la Réunion.

Dans un second temps, je vais bientôt mener des expériences comportementales en laboratoire pour étudier ces interactions et essayer d'induire une disruption du mutualisme cochenilles-fourmis, en utilisant notamment des ressources alternatives au miellat pour les fourmis."

          

  

Solenopsis geminata major :


Conférence "Le monde des fourmis" par Ewan, à Dampierre-sur-Salon (Hte-Saône) le 10 juin 2023 (Lien)
"Passionné de fourmis, Ewan les étudie et en pratique l'élevage, cultive les plantes à graines qui servent de nourriture aux colonies, élève les insectes dont se nourrissent d'autres fourmis. Ewan fait partie de l'Association Paléontologique et Minéralogique du Dampierrois. "  Voir Conférences fourmis

Lasius emarginatus est signalée de plus en plus souvent dans des appartement en ville, comme par exemple à Pau (mai 2023), ou sur une table dans un restaurant près de Rouen fin mai 2023. Les clients étaient un peu surpris et gênés.. (voir fourmis dans les maisons).
Rencontre avec Benoit Guénard, l’homme-fourmi de Hong Kong, lepetitjournal.com de Hong Kong, par Didier Pujol, 4 juin 2023.

"Surnommé affectueusement par ses amis "ant-man", Benoit Guénard, est chercheur et enseignant français à Hong Kong, spécialiste de la biodiversité et expert du monde des fourmis. Il est à l’origine du premier musée de la biodiversité à Hong Kong. Nous l’avons rencontré. Très jeune, je m'intéressais aux insectes

Quel est votre parcours ?
Depuis très jeune, j’ai eu la chance d’être exposé à la biologie, par mon père d’abord qui lui-même est agronome et phytopathologiste et également dans le reste du cadre familial où j’avais la permission de garder toute sorte d’animaux à la maison. Très vite, je m’intéressais aux insectes. J’ai donc fait mes études supérieures en biologie naturellement. À 21 ans, je suis parti pour Montréal au Québec, et c’est par 6 semaines de cours de terrain dans la forêt laurentienne que j’ai commencé une nouvelle vie. Rapidement, j’ai eu l’opportunité de faire un premier projet de recherche sur les fourmis dans l’un des laboratoires de l’université en collaboration avec le Biodôme de Montréal. C’est de là qu’est née ma passion pour les fourmis que j’étudie depuis plus de deux décennies maintenant. En 2014, j'ai eu l'opportunité de monter mon propre laboratoire, the Insect Biodiversity and Biogeography Laboratory, au sein de l’Université de Hong Kong comme professeur assistant. Je suis ensuite devenu professeur associé titulaire en 2020.

Qu’est-ce qui créé cette passion pour les insectes ?
Enfant, je passais alors des heures à observer autour de moi, et puis il faut bien l’avouer à expérimenter un peu, pas toujours de la façon la plus rigoureuse, ni délicate. Dans ce terrain de jeu, les animaux que je rencontrais le plus souvent étaient les insectes et j’ai donc progressivement commencé à me questionner sur ce qu’ils étaient, ce qu’ils faisaient, combien il y en avait… Et puis dans un livre j’ai lu un jour qu’ils y en avaient plus d’un million d’espèces, alors que nous, les mammifères, ne comptons qu'à peine 6000 espèces. Au début des années 90, alors que le terme biodiversité commençait à se populariser, je me suis dit que je devrais étudier ce groupe qui représente près de 60% de toute la vie sur terre. Ce fut les fourmis, petit groupe d’insectes avec 16,000 espèces connues, qui m’ont d’abord émerveillé par leur comportement au semblant si proche de nos sociétés, puis ensuite leur écologie et leurs rôles et importance dans la plupart des écosystèmes terrestres.

Vous êtes à l’origine du premier musée de la biodiversité de Hong Kong. Comment vous est venue cette idée ?
Lorsque je suis arrivé à l’Université d’Hong Kong (HKU) en 2014, le technicien en chef de l’époque m’a gentiment fait faire le tour des installations. Dans le fond d’un couloir, il me montra une pièce dans laquelle se trouvait un certain nombre de spécimens incluant des mammifères, des oiseaux, batraciens, reptiles, insectes, coraux, mollusques et autres… Ça ressemblait alors plus à un petit entrepôt avec des spécimens entassés qu’à une collection biologique bien ordonnée. Dans mon temps libre, je commençai donc à organiser la collection, ajouter de nouveaux spécimens, beaucoup étant éparpillés dans le département, voire carrément amassés dans des cartons ou sous clef dans des placards depuis une vingtaine d’années. Progressivement l’idée de de partager nos connaissances sur l’incroyable diversité des espèces que l’on peut trouver ici, en Asie et ailleurs a fait son chemin. C’est en novembre 2020, grâce à une bourse du gouvernement Hongkongais (Environment and Conservation Fund) que j’ai pu embaucher notre première curatrice. Le 22 Mai 2021 (jour de la biodiversité), le musée fut ouvert officiellement au public, et depuis c’est près de 20,000 visiteurs qui l’ont visité et gratuitement !

Quel message aimeriez vous faire passer aux jeunes (et moins jeunes) concernant la nature ?
S’intéresser à la nature, c’est s’intéresser à la vie, qui au cours de centaines de millions d’années d’évolution a pris bien des chemins pour survivre, s'adapter et se multiplier. La nature est un théâtre d’épanouissements permanent. Au Hong Kong Biodiversity Museum, nous incitons les gens à changer de points de vue et à s’émerveiller. C’est avec des connaissances que l’on gagne le respect pour la nature, et à partir de là que l’on souhaite la protéger.

Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez aujourd’hui?
Au quotidien, j’ai deux jobs. Comme enseignant-chercheur d’abord, où mon laboratoire étudie des problématiques liées aux invasions biologiques, changements des communautés d’espèces en réponse à un nombre de perturbations écologiques, descriptions de nouvelles espèces, rôles et importances des insectes au sein des écosystèmes mais aussi dans nos sociétés… J’ai plusieurs projets de recherches traitant de ces questions à Hong Kong, en Chine et en Asie.
De l’autre côté, la direction du Hong Kong Biodiversity Museum est une toute autre aventure, également très enrichissante. Nous avons plusieurs projets en cours afin de maintenir l’intérêt du public et pour s’adresser à un public toujours plus large soit en ligne ou en personne ; incluant le développement d’expositions dans différents quartiers de Hong Kong. En ce moment, nous travaillons sur la digitalisation de la collection pour rendre la collection accessible en ligne... "

    


Sculptures. Une belle fourmi dans le massif des Bauges (merci Muriel Tulasne 5 juin 2023)


Des nouvelles de Gérard Renaud (mai 2023).

- Le monde des fourmis, de Rémy Chauvin, réédition, éd du Rocher, 2003 : "un livre qui m'a appris beaucoup de choses sur les fourmis" (voir plus sur le livre):

- Camponotus herculeanus en vidéo


Les fourmis savent-elles nager ? Livre de Claude Lebas paru le 2 juin 2023, Rappel

Selon Claude Lebas : "Ma prétention : que chacun puisse apprendre quelque chose, qui que ce soit. Car ma devise est devenue : il y a toujours à apprendre des fourmis !" (mail du 3 juin 2023).

Le livre comporte "60 questions pour tout connaître de cet insecte fascinant".
J'avais déjà fait une page "questions sur les fourmis". Alors je lance un appel pour trouver d'autres questions qui ne sont pas dans le livre. L'auteur de la question la plus originale aura un exemplaire du livre. S'il l'a déjà il pourra l'offrir.
- ma question (A. Lenoir). Elle m'a été posée récemment "pourquoi on écrit fourmi et pas fourmie puisque fourmi est un mot féminin ?"
Selon Wikipedia (9juin23) : "Le substantif féminin « fourmi » est issu, par l'intermédiaire du latin vulgaire formicus, du latin classique formica, de même sens, mot résultant probablement d'une dissimilation de mormi-, attesté par le grec murmêx (d'où les vocables myrmécologie, myrmécophilie), lui-même apparenté à plusieurs formes indoeuropéennes basées sur la racine °morwi." Ce n'est pas la réponse...
Selon Orthodidacte (9juin23) "Aujourd’hui, pour le mot fourmi, il n’existe plus qu’une seule orthographe valable, et le genre féminin s’est stabilisé. Attention donc à ne pas écrire une fourmie ni un fourmi."  "Mais cela n’a pas toujours été le cas ! Jusqu’au XVIIe siècle, fourmi était un nom masculin. Il a basculé vers le genre féminin à la fin du XVIIe siècle. D’ailleurs, il a existé brièvement au cours du XVIIIe siècle une orthographe spécifique pour le féminin, une fourmie, mais cette orthographe n’est plus valable aujourd’hui. De plus, l’orthographe de ce mot est encore un peu différente dans les fables de La Fontaine, puisqu’on y trouve écrit « La Cigale & la Fourmy ».
- une autre question :
Les fourmis aiment-elles le plastique ? (voir plus haut)

Des commentaires sur le livre.
- Une maman à qui j'avais acheté le livre pour ses enfants "Il est vraiment chouette et ludique pour les enfants. Merci beaucoup." (9 juin23).
- L'auteur parle de soldats (question 18, p.35).. Je préfère "soldates" mais c'est personnel, et ma petite-fille aussi. Voir Soldates.
- Les photos de trophallaxies sont le plus souvent avec deux fourmis qui régurgitent en même temps, c'est plus facile à photographier, mais il y a aussi souvent une donneuse (mandibules écartées) et une receveuse (mandibules fermées). Voir Trophallaxie.
- Dessiner un cercle autour de la fourmi (Expérience 20, p.105). Cela rappelle le livre de Flora Ghebali "Le syndrome de la fourmi"

Une seule erreur. Contrairement à ce qui est écrit (question 26, p.48 et question 33, p.61) l'acide formique ne se trouve que chez les Formicinae. Les Messor, Crematogaster n'en produisent pas. J'en ai eu la confirmaton par Abraham Hefetz et Jacques Pasteels. L'acide formique est signalé chez ces espèces par erreur dans d'anciennes publications, d'où l'erreur qui est maintenue, mais que seuls les spécialistes verront. Selon Cl. Lebas "Initialement c'est ce que j'avais écrit. Derrière il y a un ou des relecteurs qui ont modifié mes propos parfois. J'ai dû batailler... sur une relecture de papier une personne me soutenait qu'il y avait Messor sancta en France avec de l'acide... La correction sur ce sujet m'aura échappé ou j'ai laissé filer." (mail du 14 juin 2023). Voir Acide formique.


Fourmidables fourmis, de Fleur Daugey, illustrations Émilie Vanvolsem, éditions du ricochet, ISBN 9782352633952, 40 pages, dès 6 ans (mars 2023). Avec les remerciements à Serge Aron "pour ses observations précieuses, ses retours alertes et avisés tout au long de la réalisation de notre album." Livre intéressant mais hélas les dessins des fourmis sont très approximatifs, par exemple la Formica selysi (pas de n° de page..) n'est pas du tout réaliste..

"Elles sont sur Terre depuis 140 millions d'années, et pourtant, elles n'ont pas fini de nous surprendre. Oh il ne faut pas se fier à leur petite taille, les fourmis sont dotées d'extraordinaires capacités : elles sont très rapides et peuvent porter jusqu'à 50 fois leur propre poids.
Mais ça ne s'arrête pas là ! Elles sont également très intelligentes. Dans la fourmilière, chacun a sa place et son rôle à jouer.
La reine pond tous les œufs de la colonie qui deviendront des larves, puis des nymphes enfermées dans des cocons avant de devenir des fourmis. Les ouvrières sont divisées en plusieurs castes : les soldates, les nourrices, les fourrageuses, les gardiennes. Pour ce qui est des mâles, leur rôle est de procréer.
Pour communiquer, elles utilisent les odeurs appelées phéromones. Un intrus ? Un danger ? Une source de nourriture à proximité ? Le message passe très vite et tout le monde est courant !"

     

Les P'tites fourmis, de Fleur Daugey, illustrations Chloé du Colombier, éditions du ricochet, ISBN 9782352633006, 32 pages, dès 3 ans (mars 2020). C'est sur les fourmis rousses des bois, dessins très approximatifs. Feuilleter.

"Dans la fourmilière, la vie ne s’arrête jamais ! Naissances, transformations, récoltes, nettoyages... Chaque fourmi a son rôle à jouer et celui-ci évolue : les ouvrières-nourrices deviennent des bâtisseuses, des éleveuses de pucerons ou des guerrières face aux prédateurs... La reine reproductrice fonde un nouveau nid ! Toute une organisation pour le bien de la colonie entière..."