Alain Lenoir mis à jour 05-Déc-2023
Les fourmis rousses du groupe Formica rufa sont très importantes dans nos forêts. D'autres comme Formica lugubris (ou F. paralugubris) en Suisse forment d'immenses supercolonies (voir Supercolonies)
Torossian (et Humbert 1982) avaient fait un état de leur rôle en montagne pyrénéenne et alerté du danger de leur diminution, voir par exemple un bel article "Les fourmis rousses des bois" (Pdf complet avec de belles photos). 30 ans plus tard Marage (et al 2017) ont repris ce bilan sur le même site et constaté une forte chute de la densité des nids, en moyenne de 20 à 10 nids / hectare. Cependant le volume des nids a augmenté. C'est lié au développement des pistes de ski et à la nature des peuplements forestiers. Pourtant dans les forêts du nord de la Grèce on a réussi apparemment à concilier tourisme et aménagement pour maintenir et même développer une population de Formica lugubris (Tsikas et al 2016). Par ailleurs le biotope peut se reconstituer très vite comme cela a été observé dans les Pyrénées Orientales (Torossian et Roques 1982). L'état d'une forêt peut être estimé par la coloration des fourmis : dans les forêts boréales, les gynes de Formica aquilonia sont plus pigmentées (mélanisées) en zones perturbées. Il y a deux explications : la mélanisation est plus forte en zone plus chaude déforestée et une réponse immmutaire au stress du changement d'environnement (Skaldina et Sorvari 2017). On avait déjà montré la relation entre mélanisation et stress chez les fourmis Camponotus fellah traitées avec un antibiotique (De Souza et al 2011). Bernard Lorber s'est intéressé aux fourmis rousses en Alsace et dans les Vosges. Il y a eu un autre n° de BT sur les fourmis rousses avec des dessins dans "Les fourmis rousses et la forêt", de Jean-Pierre Jaubert (1984) avec la collaboration de Claude Torossian.
Les fourmis rousses en Bretagne selon Clément Gouraud (2021) Pdf
Elles sont protégées en Allemagne et si l'on doit construire une autoroute on va les déplacer (voir Expulsion et relogement). En Allemagne "Le constructeur automobile doit déplacer les nids d'espèces habitant le site de la future usine afin de préserver la faune. L'ouverture de l'usine, prévue en 2021, risque d'être retardée. Le géant américain est désormais entré dans une course contre la montre car ses obligations de préserver des espèces locales en danger, notamment des fourmis, oiseaux et chauves-souris en hibernation, risquent de prendre du temps. Mais, selon la Süddeutsche Zeitung, le constructeur automobile doit désormais déterrer de nombreuses colonies de fourmis à l'aide de «pelles et de petits excavateurs» pour les relocaliser plus loin." De quelle espèce de fourmis s'agit-il ? Sans doute des Formica du groupe rufa qui sont protégées dans de nombreux pays (Le Figaro 2020). En Suisse elles sont aussi protégées, on doit les déplacer pour faire passer une autoroute (Le Matin, 15 oct 1987)
Un conte de Noël (Bull Intérieur SF-UIEIS 1989) :
et oui, les ennemis des fourmis rousses sont surtout les hommes :
Dans les forêts allemandes, selon Peter Wohlleben (2017) elles sont nouvelles venues arrivée dans le sillage des épicéas et des pins. Elles ne peuvent pas avoir été présentes dans les forêts de feuillus originelles (Pdf). Elles sont de grandes consommatrices de miellat de pucerons (Pdf) et pour cela dans son dernier livre (Le réseau secret de la nature) il est très critique sur leur bilan en particulier dans les hétraies (Pdf). Selon La Hulotte sur la cocinelle à 7 points (n°108, 2019) il existe une autre espèce de coccinelle, la coccinelle magnifique qui vit au voisinage des fourmis rousses et qui n'est pas attaquée par les fourmis. on ne connait pas très bien pourquoi.. Répulsif chimique très toxique ? Je propose qu'il s'agit d'un mimétisme chimique.. A suivre.
En Suisse elles sont protégées dans le canton de Vaud : affiche de 1977.
Formica polyctena fait des colonies composées de plusieurs dômes, 20 à 130 nids connectés (Ceusters 1980). Certaines espèces de fourmis rousses peuvent former des supercolonies géantes où la fidélité des pistes est très forte à la sortie d'hivernation, elle est de 70 à 95% (Cherix et Rosengren 1980). Le dôme des fourmis rousses est un véritable écosystème où prolifèrent de très nombreux organismes, myrmécophiles mais aussi simples hôtes ou parasites (Parmentier et al 2014). On y trouve aussi des mycorhizes des racines des arbres voisins. Les nids de fourmis rousses Formica polyctena en Allemagne semblent en réalité plutôt défavorables à la prolifération des mycorhizes racinaires, mais si le nid meurt ou est abandonné c'est au contraire un terrain favorable (Jilkova et al 2017). Par contre la composition des morphotypes de mycorhizes ne change pas selon le type de nid, ce qui est favorable si le nid est abandonné (Jilkova et al 2019). En forêt de Compiègne Formica polyctena disperse diverses graines plus ou moins rapidement, ce sont les graines de chélidoine et de mélique à fleur qui le sont le plus rapidement. Carex pilulifera, Hyacinthoides non-scripta, Allium ursinum, Anemone nemorosa et Colchicum autumnale sont moins rapidement collectées. Les graines de Paris quadrifolia sont les seules à ne pas être transportées (Delatte et Chabrerie 2007).
Chez la fourmi rousse Formica pratensis il existe deux types de colonies, monocaliques (un seul dôme) ou polycaliques. Les colonies monocaliques sont très agressives envers tous les autre nids alors que chez les polycaliques la réponse dépend de la distance et la parenté génétique (Aksoy et Camlitepe 2018).
Les fourmis peuvent aider à la bonne santé des plantes. En effet elles secrètent des antibiotiques qui soignent au moins 14 maladies des plantes. On a par exemple transplanté des fourmis rousses dans une plantation de pommiers, cela réduit l'apparition de deux maladies (Offenberg et Damgaard 2019; voir Claudet 2019). Voir les glandes des fourmis, Plantes et fourmis
Rémy Chauvin a beaucoup étudié la construction du dôme chez les fourmis rousses. Par exemple : "Sur le dôme elles ont horreur de tout ce qui est creux, et elles n'ont de cesse que le trou soit comblé" (1988, voir Horreur des creux). Il a aussi simulé sur ordinateur la construction du nid et déjà compris qu'il suffisait de trois règles simples et que les fourmis n'ont pas besoin de communiquer.. (Voir Le hasard fait bien les choses). Voir aussi Le tunnel que personne n'a creusé où il explique que le travail d'équipe n'en est pas un, et que le travail semble être du gaspillage Eloge du gaspillage. Il a été surpris et émerveillé par sa découverte de la colonie géante de fourmis rousses dans le Jura avec Daniel Cherix (p. 243) et il signale que Claude Torossian en aurait découvert une autre plus grande dans les Pyrénées (à vérifier !)
Quelques photos de dômes de fourmis rousses et des vidéos de Nicolas Monmarché (En 2018 et 2020).
Les fourmis rousses dans la vallée du Giffre (74), voir aussi en Suisse près d'Oex un sentier des fourmis, qui ne semble plus exister et dans l'Ain.
Selon Claude Torossian (1992 et 2012) :
Les fourmis rousses selon Stéphanie Ledu :
Les fourmis rousses des bois dans Ramène pas ta fraise :
Les fourmis rousses Formica polyctena dans un bunker en Pologne (Czechowski et al 2016 - Voir Epingles 1105) : les fourmis seraient cannibales (Rutkowski et al 2019). Voir Epingle1194, Blavignat (2019), le même article est repris un peu partout dans les sites d'infos et Science et Avenir janvier 2020.
Thomas Parmentier et les myrmécophiles. Il a découvert que de nombreux myrmécophiles associés aux fourmis rousses en dehors des nids sont complètement dépendants de leur hôte. Il y a des prédateurs de fourmis, des détritivores, et des mangeurs de cadavres. Ils forment une méta-communauté avec les fourmis. Ils vont se déplacer avec les migrations de colonies, mais sont aussi capables de coloniser de nouvelles colonies (Parmentier et al 2021).
Les fourmis rousses selon Le journal de Carrefour (n°63-mai2000 : Les insectes sociaux). Pdf
Les fourmis rousses selon Fred et Jami (C'est pas sorcier - Les fourmis)
Deux beaux
livres sur les fourmis rousses :
- Fourmis. Vie et intelligence collective d'une colonie. Armin SCHIEB,
éditions Ulmer, 2020. Avec de nombreux dessins sur toute la vie de ces
fourmis.
- Les
fourmis des bois, de Bruno Corbara et Patrice Olivier, Lelièvre Edition
2019
Les aventures d'une fourmi ouvrière. Livret établi par une classe de CM2 à l'école Marcel Rouchette à Blois en avril-juin 1985. Cela se passe en Sologne sur les bords d'un étang. Il s'agit d'une colonie de fourmis rousses. On suit un groupe commandé par Roussina et ses meilleures copines. Le dôme est inondé, alors elles décident de déménager avec un radeau (feuille de nénuphar) pour aller sur une île qui n'est jamais inondée. Mais, Sanguinéa, la reine des fourmis magnans, décide d'attaquer la colonie avec 94 soldats. La bataille fait rage. Il y a de nombreux blessés de rousses qui sont transportées à l'infirmerie, et les mortes au cimetière. L'attaque est repoussée. Roussina décide de se faire aider par une amie Myrmica Rubra pour renforcer l'accès au nid. Et enfin, elles décident d'attaquer les magnans et de les exterminer. C'est la fête. Voir les photos
Une vidéo de Formica pratensis à Saint Martin de Peille (700m) le 19 février 2021. Vidéo
Voir dans le film Les Superpouvoirs des animaux, De Francis Welch, 2014, Les fourmis des bois en Suisse et leurs pucerons.
Les fourmis rousses selon Annick Dénarié (1956) :
Parfois certaines personnes ont un comportement scandaleux. C'est ainsi qu'à Chambray-les-Tours, en juillet 2020, on a déposé un anti-fourmis sur un nid de Formica polyctena.. (N. Monmarché)
Une bonne nouvelle, la colonie se développe. "des nouvelles des polyctena du bois de Chambray : gros développement en 2021 : 3 nouveaux monticules découverts dont 2 à 3 metres de distance l'un de l'autre en lisière de forêt (en bordure d'un champ bio, évidemment !) (mail Nicolas Monmarché 5 janvier 2022).
Seifert (2021) a revu la systématique des fourmis du groupe Formica rufa. Il trouve seulement 13 espèces en 4 complexes avec 2 espèces nouvelles : Formica rufa complexe (F. rufa et F. polyctena), F. lugubris complexe (F. lugubris, F. helvetica sp.n., F. ussuriensis sp.n., F. aquilonia et F. paralugubris), F. pratensis complexe (F. pratensis et F. kupyanskayae), F. truncorum complexe (F. truncorum, F. dusmeti, F. frontalis et F. sinensis). F. rufa et F. polyctena s'hybrident. Pourtant, en Angleterre, 95% des fourmis de ce groupe sont des hybrides.
Les fourmis rousses sont préservées en Italie et Suisse, et dans une conférence Francis Bernard en 1971 raconte en avoir fait transpoirter de Gnes à Alger. On en sait pas ce que c'est devenu..
Un beau dessin dans la fourmi ailée, de Dominique Grisoni (1989) :
De beaux dessins dans La fourmi, de Gunilla Ingves (1976)
Un cahier sur les fourmis rousses dans Les insectes en bande dessinée Tome 3 : voir la page
Les fourmis rousses et le feu selon Soljenitsyne.
Voir
- Aksoy, V. and Y. Camlitepe (2018). Effects of genetic relatedness, spatial
distance, and context on intraspecific aggression in the red wood ant Formica
pratensis (Hymenoptera: Formicidae). Turk J Zool 42. doi:10.3906/zoo-1708-17
-
Blavignat, Y. (2019) Coincée dans un bunker soviétique, une colonie
de fourmis se convertit au cannibalisme pour survivre. Lefigaro.fr, 5 novembre
2019, https://www.lefigaro.fr/sciences/coincee-dans-un-bunker-sovietique-une-colonie-de-fourmis-se-converti-au-cannibalisme-pour-survivre-20191105
Pdf
-
Ceusters, R. (1980). Données démographiques de diverses colonies
polycaliques de Formica polyctena Foerts. C.R. UIEIS sct française -
Lausanne, 7-8 sept. 1979: 31-60. Pdf
- Chauvin Rémy (1988) Dieu
des fourmis Dieu des étoiles. Le Pré aux Clercs,
250 pages.
- Cherix, D. and R. Rosengren (1980). Estmation de la fidélité
sur pistes et de l'âge des fourrageuses chez Formica lugubris Zett. dans
le Jura suisse, par la méthode de coloration au spray. C.R. UIEIS sct
française - Lausanne, 7-8 sept. 1979: 61-69. Pdf
- Claudet,
J. (2010) Selon une nouvelle étude, les fourmis soignent les maladies
des plantes. Trustmyscience, 17 octobre 2019, p. https://trustmyscience.com/etude-montre-que-fourmis-soignent-maladies-plantes/
Pdf
- Czechowski,
W., T. Rutkowski, W. Stephan and K. Vepsäläinen (2016). Living beyond
the limits of survival: wood ants trapped in a gigantic pitfall. Journal of
Hymenoptera Research 51: 227-239.
- de Souza, D. J., S. Devers and A. Lenoir (2011). Blochmannia endosymbionts
and their host, the ant Camponotus fellah: Cuticular hydrocarbons and melanization.
Comptes Rendus Biologie 334: 737-741. Pdf
- Delatte, E. and O. Chabrerie (2007). Dispersion des graines par une espèce
de fourmi rousse des bois (Formica polyctena Foerst.) : approche expérimentale
en forêt de Compiègne (Picardie, France). Symbioses, NS 20: 65-71.
Pdf
-
Gouraud, C. (2021). Les fourmis rousses des bois (Formica rufa Linnaeus, 1761
& Formica polyctena Foertster, 1850 : Hymenoptera Formicidae). Ecologie
et enjeux de conservation en Bretagne. Penn Ar Bed 241-242, mars 2021: 47-58.
Pdf
- Jaubert, J.-P. (1984). Les fourmis rousses et la forêt. BT, Bibliothèque
de Travail 954, juin 1984: 9-32.
- Jílková, V., M.
Vohnik, J. Dauber, A. Marten, H. Simackova and J. Frouz (2017). Low root biomass
and occurrence of ectomycorrhizal exploration types in inhabited wood ant (Formica
polyctena) nests in a temperate spruce forest. European Journal of Soil Biology
79: 57-62.
- Jílková, V., M. Vohník,
O. Mudrák, H. Šimácková and J. Frouz (2019). No difference
in ectomycorrhizal morphotype composition between abandoned and inhabited nests
of wood ants (Formica polyctena) in a central European spruce forest. Geoderma
334: 55-62. doi: https://doi.org/10.1016/j.geoderma.2018.07.040.
-
Le Figaro (2020) Tesla : la construction de l'usine allemande contrariée
par des fourmis. lefigaro.fr, 14 février 2020
- Marage, D., G. Lempérière and C. Voreux (2017). Trente ans plus
tard... Les fourmis rousses des bois, toujours un bon indicateur de l'état
de conservation des forêts de montagne ? Revue Forestière de France
114: 111-120. Pdf
- Offenberg,
J. and C. Damgaard (2019). Ants suppressing plant pathogens: a review. Oikos
in press(0). 10.1111/oik.06744
- Parmentier, T., W. Dekoninck and T. Wenseleers (2014). A highly diverse microcosm
in a hostile world: a review on the associates of red wood ants (Formica rufa
group). Insectes Sociaux 61(3): 229-237. 10.1007/s00040-014-0357-3
- Parmentier, T., R. Claus, F. De Laender and D. Bonte (2021). Moving apart
together: co-movement of a symbiont community and their ant host, and its importance
for community assembly. Movement Ecology 9(1): 25. doi: 10.1186/s40462-021-00259-5.
- Rutkowski,
T., I. Maák, K. Vepsäläinen, G. Trigos-Peral, W. Stephan, G.
Wojtaszyn and W. Czechowski (2019). Ants trapped for years in an old bunker;
survival by cannibalism and eventual escape. Journal of Hymenoptera Research
72: 177-184.
- Seifert, B. (2021). A taxonomic revision of the Palaearctic members of the
Formica rufa group (Hymenoptera: Formicidae) – the famous mound-building
red wood ants. Myrmecological News 31: 133-179.
- Skaldina, O. and J. Sorvari (2017). Wood ant colouration as an ecological
indicator for the level of disturbance in managed coniferous forests. Ecological
Indicators 72: 444-451. http://dx.doi.org/10.1016/j.ecolind.2016.08.039
- Torossian, C. and P. Humbert (1982). Les fourmis rousses des bois et leur
rôle dans l'écosystème forestier. Revue Forestière
de France 24: 32-41. Pdf
- Torossian, C. and L. Roques (1982). Etude de la dynamique du processus de
reconstitution du milieu forestier montagnard par les fourmis du groupe Formica
rufa (Forêt d'Osséja, bois des Couronnes, Pyrénées
Orientales). Communication dans les sociétés d'insectes, Barcelone:
157-166. Pdf
- Torossian, C., L. Roques and J. S. Gion (1980). Les fourmis du groupe Formica
rufa des Hautes-Alpes. C.R. UIEIS Sct française - Lausanne, 7-8 sept
1979: 87-99. Pdf
- Tsikas, A., P. Karanikola and A. C. Papageorgiou (2016). Distribution and
physical traits of red wood ant mounds in a managed Rhodope mountains forest.
Environmental Monitoring and Assessment 188(7): 436. 10.1007/s10661-016-5398-9
-
Waintrop, M., Les
fourmis à la conquête de la terre.
Terre Sauvage. Juin 2000 : p.46-60. Pdf
- Wohllenben, P. (2017). La vie secrète des arbres, Les Arènes.
268p.