La sélection de parentèle a-t-elle vécu ?
Mis à jour le 27-Oct-2022
La
sélection de parentèle et l'altruisme
Les
animaux qualifiés d’eusociaux comme les fourmis, abeilles et termites
présentent la particularité de vivre en groupe où l’on
observe une répartition des rôles reproducteurs avec des individus
altruistes qui sacrifient leur reproduction au bénéfice de congénères,
ou même qui se sacrifient au bénéfice de la colonie. Le
fait que ces individus ne transmettent pas leurs gènes a troublé
Darwin qui a alors émis l’hypothèse que l’unité
de sélection était la colonie que l’on a comparé
à un superorganisme (Hölldober and Wilson 2009, voir Chapuisat
et Keller 1997). La théorie de la sélection de parentèle
(Kin selection) a apporté
une réponse possible au paradoxe de l’altruisme reproductif : la
sélection de parentèle est basée sur l’idée
que les individus stériles aident leurs apparentés et transmettent
ainsi de manière indirecte leurs gènes (Inclusive
fitness theory). C’est Haldane qui en 1955 a présenté
cette idée, formalisée ensuite par William Donald Hamilton (Hamilton
1964, voir Chai 2019). Les hyménoptères sociaux (abeilles et fourmis)
sont le modèle idéal pour cette théorie en raison de leur
haplo-diploïdie (les œufs fécondés donnent des femelles
et les non fécondés des mâles) qui a pour conséquence
que les ouvrières sont apparentées entre elles à 75% alors
qu’elles sont apparentées seulement à 50% avec leur mère,
la reine et leurs descendants potentiels. Elles vont alors sacrifier leur propre
reproduction au bénéfice de leurs sœurs. Dans ces conditions
d’asymétrie de parentèle forte, avec une seule reine fécondée
une seule fois (monoandre), les groupes d’individus altruistes vont être
sélectionnés plus facilement et évoluer vers l’eusocialité.
C’est Wilson qui a vulgarisé avec le succès que l’on
sait ces idées qui ont fondé la sociobiologie (Wilson 1971; Wilson
1975). À dater des années 70, la sélection de parentèle
a régné sans partage sur les recherches portant sur les insectes
sociaux et la vie en groupe en général. Même si elle est
devenue un dogme, elle a permis de très fructueuses découvertes
(voir Exemples).
Les critiques
Dès la parution du livre de Wilson la sélection de parentèle
a fait l'objet de controverses, voir l'interview dans L'Express
(1993) et l'interview
de P. Jaisson par Catherine Mallaval dans Libération (1994).
Dans un article du 26 août 2010 Edward O. Wilson et deux mathématiciens
d’Harvard présentent un article intitulé simplement «
L’évolution de la socialité » (« The evolution
of eusociality ») (Nowak et al. 2010). En réalité cet article
est très important car il pose le problème de la sélection
de parentèle dont il pourrait peut-être sonner le glas. Pourtant,
très vite on s’est aperçu que cela ne pouvait pas tout expliquer.
L’eusocialité existe dans au moins trois systèmes sexuels
:
1) clonal comme des pucerons de galles (Aoki 1977), des guêpes parasitoïdes
(Cruz 1981) et une anémone de mer (Ayre and Grosberg 1996), plus récemment
des vers trématodes parasites avec des « soldats » altruistes
(Anonymous 2010; Hechinger et al. 2010) ;
2) haplodiploïde des fourmis, abeilles, guêpes et de thrips (Crespi
1992) ;
3) diploïde comme les termites, des crevettes de corail (Duffy 1996), et
même des vertébrés comme le rat-taupe nu (Jarvis 1981).
Par ailleurs, le nombre d’espèces eusociales parmi les insectes
haplo-diploïdes est très faible. Il en est de même pour les
espèces clonales qui ne pratiquent presque jamais l’eusocialité
(sauf quelques-unes, voir plus haut), mais Hamilton explique que ces sociétés
sont très fragiles car trop susceptibles d’être parasitées.
Toutes ces espèces ont en commun un nid (« fortress-defence model
») bien délimité, facile à défendre, ce qui
souligne l’importance des facteurs écologiques dans l’évolution
de la socialité. Enfin, de nombreuses pressions vont à l’encontre
de la théorie, comme par exemple la polyandrie (reine fécondée
par plusieurs mâles) pour diminuer la relation de parentèle entre
les individus d’un groupe. C’est ainsi que la diversité génétique
augmente la résistance aux infections. Cependant, la monogamie avec monoandrie
représente la très grande majorité des cas chez les insectes
sociaux (sur 267 espèces), indiquant son statut ancestral avec donc une
relation de parentèle très forte de 75%, ce qui tend à
conforter la théorie de l’inclusive fitness (Hughes et al. 2008).
Ces idées critiques ont déjà été présentées par Wilson en 2008, mais cet article est passé presque inaperçu (Wilson 2008). Wilson s’est alors adressé à des collègues mathématiciens qui ont construit un modèle de la théorie de sélection de parentèle avec deux comportements, défection (abandon du nid) et coopération. Ils ont découvert que le modèle ne marchait que dans un nombre de cas très limité et qu’alors la sélection naturelle classique peut simplement s’appliquer. Ensuite, dans un second modèle, ils ont montré que l’eusocialité pouvait évoluer par la sélection naturelle. Cette évolution est difficile mais très stable ensuite. Le premier pas vers l’eusocialité est la formation de groupes qui coopèrent, par exemple autour d’un nid commun. La deuxième étape est la sélection de traits pré-adaptatifs à certains comportements sociaux comme la division du travail. Ensuite, des allèles eusociaux évoluent par mutation ou recombinaison. Cela permet le maintien du groupe, par exemple en empêchant la dispersion. Il suffit de rendre silencieux un gène comme celui du développement des ailes pour avoir des ouvrières aptères qui restent au nid (Abouheif and Wray 2002). Des variantes du gène Gp-9 chez la fameuse fourmi de feu Solenopsis invicta modifient l’aptitude à reconnaître les individus étrangers et les reines fertiles (Ross and Keller 1998). La 4ème phase est l’impact des facteurs environnementaux sur cette évolution, aspect très négligé dans les recherches actuelles. La défense du nid contre les ennemis (parasites, prédateurs et autres colonies) est considérée comme fondamentale. La 5ème et phase finale met en jeu la sélection entre colonies pour arriver à des systèmes sociaux très élaborés. Des données intéressantes montrant l’importance des conditions écologiques sur l’apparition de la socialité viennent des Halictus rubicundus. Ces abeilles sont un joli modèle car on trouve des espèces sociales ou d’autres solitaires en Angleterre selon les régions en fonction des conditions environnementales. Cela correspond à une plasticité phénotypique qui a été perdue en Amérique du Nord (Field et al. 2010).
Évidemment cet article a fait l’objet de controverses (Gilbert 2010). Par exemple, Stuart West (Oxford) dit dans l’interview à Gilbert que l’analyse est incorrecte car la route vers l’eusocialité part des descendants qui aident leurs parents et non pas des femelles qui s’associent comme le suggère Wilson. Celui-ci répond que les associations de femelles pondeuses sont le départ, ainsi la relation de parentèle dans les colonies est la conséquence de l’eusocialité, et non l’origine. Nowak et l’éditeur du New Scientist Roger Highfield viennent de publier un livre reprenant ces idées « Supercooperators » (Nowak and Highfield 2011) : le concept de coopération est fondamental et suffisant pour expliquer l’évolution sociale et mérite d’être élevé comme principe de base comme la mutation, la compétition et la sélection (voir l’analyse du livre (Krakauer 2011 )).
Cet article signe peut-être la fin d’une longue collaboration entre Bert Hölldobler et Edward O. Wilson, deux chercheurs mondialement connus qui ont entre autre publiés « The ants », la bible des myrmécologues (Hölldobler and Wilson 1990). La discussion avait débuté depuis quelque temps. En 2005, ils ont écrit un article présentant deux hypothèses sur l’origine de l’eusocialité. La sélection de parentèle peut être le facteur primaire de l’évolution, mais elle peut être aussi venir en second si la sélection de groupe est forte (Wilson and Hölldobler 2005). Le désaccord s’est ensuite amplifié et il leur a fallu 5 ans pour écrire leur livre sur le superorganisme car ils n’étaient pas d’accord sur le chapitre « Génétique et évolution de l’eusocialité » qui finalement évite d’aborder ces questions (Hölldobler and Wilson 2009). C’est ainsi qu’en 2009 la revue Science a organisé un débat entre les deux chercheurs, et la revue l’a intitulé « Agreeing to disagree » (Pennisi 2010). Pour Hölldobler la sélection de parentèle reste fondamentale et elle est équivalente à la sélection de groupe. Au contraire, pour Wilson « Kinship plays a minor role in social evolution, and this has been why kinship theory has produced so little over four decades in important predictions. In fact, it has made virtually none. E.O. Wilson (pers. comm.) » (Foster 2009). Pourtant, les deux auteurs viennent de publier un livre de vulgarisation sur les fourmis champignonnistes (Hölldober and Wilson 2010), traduit en français (Hölldobler and Wilson 2012).
Dans la littérature on voyait aussi apparaître des articles où les auteurs se posaient des questions. C’est ainsi que Francis Ratnieks, ardent prosélyte de la sélection de parentèle écrit en 2009 à propos des abeilles « Phylogenetic analyses show that high relatedness was almost certainly necessary for the origin of eusociality. However, even the highest family levels of kinship are insufficient to cause the extreme inequality seen in e.g. honeybees via ‘voluntary altruism’. ‘Enforced altruism’ is needed, i.e. social pressures that deter individuals from attempting to reproduce. ». Il fait appel à des notions comme l’altruisme “volontaire” ou encore forcé et subi (Ratnieks and Helanterä 2009). Dans un autre article, Kevin Foster prend la défense de la sociobiologie tout en soulignant le rôle de la sélection de groupe « one finds clear evidence for the role of kin selection and relatedness in both the origin of eusociality and its maintenance. Data from other systems including the social vertebrates, microorganisms, and even plants also support the role of relatedness and particularly family life in the evolution of cooperation and altruism. These data, however, in no way invalidate the claim that group selection is also a central process in social evolution and I discuss the empirical evidence for group selection. » (Foster 2009). Stuart West et Andy Gardner écrivent en mars 2010 dans la revue Science que la théorie de Hamilton reste la meilleure explication : « Here, we show how recent work has resolved three key debates, helping clarify how Hamilton’s theoretical overview links to real-world examples, in organisms ranging from bacteria to humans. ». Ils expliquent que l’altruisme entre non apparentés peut évoluer s’ils partagent un gène « barbe verte » (« Greenbeard ») pour l’altruisme. Ils citent l’exemple du gène Gp-9 de la fourmi de feu cité plus haut comme barbe verte qui induit la malveillance (« spite »). D’autres exemples de barbe verte sont cités comme le gène csa des amibes Dictyostelium qui permet de se trouver en haut de la fructification pour devenir une spore alors que les non porteurs vont mourir dans le pied (West and Gardner 2010).
La sélection
de parentèle a-t-elle vécu ?
Si l’on consulte la base de données ISI Web of knowledge avec «
kin selection » comme mot-clé dans le sujet des articles, on trouve,
le 5 octobre 2010, 2250 références et 910 pour les 5 dernières
années. Une seule référence est citée de 1964, celle
de Wynne-Edwards (d’ailleurs avec une erreur) (Wynne-Edwards 1964) qui
discute un autre article de Maynard Smith (Maynard Smith 1964) sur les relations
entre sélection de parentèle et sélection de groupe à
la suite de la publications de Hamilton (Hamilton 1963). Paradoxalement, les
deux articles de Hamilton (Hamilton 1964) ne sortent pas dans cette recherche,
pourtant ils sont bien présents dans la base de données. Et cela
n’est pas surprenant car « kin selection » n’y figure
pas ! Hamilton parle de génétique pour l’évolution
de la socialité et invente le terme « inclusive fitness
». C’est en effet Maynard-Smith qui a inventé en 1964 le
terme de « kin selection », d’ailleurs sans l’approbation
de Hamilton et une controverse s’en est suivie entre les deux hommes (Foster
2009). Si on fait la recherche sur les titres des articles seulement on trouve
265 entrées pour « kin selection » : 1 en 1964 (citée
plus haut), un grand trou jusqu’en 1971, 4 dans les années 1971-1974,
31 pour 1975-1979, un gros boom dans les années 80 (60 en 1980-84), ensuite
entre 20 et 30 par 5 ans jusqu’en 2004, et un retour plus récent
(54 pour 2005-2009). Cela témoigne bien de l’actualité du
débat. Il est intéressant de regarder le volume des résumés
du congrès de l’union internationale pour l’étude
des insectes sociaux (IUSSI) qui s’est tenu à Copenhague (août
2010 avec plus de 750 participants) : on ne trouve « kin selection »
que 20 fois, et jamais dans les titres des communications. Hamilton ne sort
que 7 fois… La seule communication épousant complètement
les idées de la sélection de parentèle est venue de Kevin
Foster à propos des bactéries (Aron 2010). Par contre le débat
est très présent ; le mot « eusociality » sort 45
fois dont 7 fois dans le titre d’un résumé. Cela pourrait
signifier que pour les chercheurs, l’évolution de l’eusocialité
ne s’explique pas forcément par la sélection de parentèle
? En tous cas, cette théorie ne semble plus être un dogme obligatoire.
Le congrès 2014 de l’IUSSI à Cairns en Australie marque
la même évolution : sur plus de 600 résumés de communications
et posters on ne trouve « Kin selection » que 19 fois dont 2 dans
le titre, « inclusive fitness » 27 fois dont 1 en titre, «
eusociality » 48 fois dont 5 en titre.
Les données montrant une véritable reconnaissance de kinship chez les insectes sociaux sont rares ou controversées (voir (Boomsma and d'Ettorre 2013)). Cependant, la sélection de parentèle a encore de beaux jours devant elle. C’est ainsi que les gynes d’Aphaenogaster senilis se battent pour devenir la reine de la colonie. Les duels peuvent conduire à la mort de l’un des participants ou même des deux ("desperado effect"), mais si les opposantes sont parentes, elles peuvent préférer laisser la place à leur rivale pour assurer leur fitness indirecte (Cronin and Monnin 2010). Cette expérience a cependant été réalisée sur des gynes non fécondées, cela reste à vérifier sur des gynes fécondées. Chez des insectes non sociaux on la retrouve par exemple chez le ver de farine (Tenebrio molitor) qui évite de cannibaliser des congénères apparentés (Parsons et al. 2013) ou chez des parasitoïdes (Mathiron et al 2019). Il faut citer le cas des fourmis clonales par parthénogénèse comme Cerapachys biroi (appelée maintenant Ooceraea boroi), qui a perdu la reproduction sexuée, à tel point que la spermathèque a disparue. Les colonies sont toujours monoclonales, avec une relatedness de 0,99 (Kronauer et al. 2012) mais la nestmate recognition existe encore (Kronauer et al 2013). On connait une autre fourmi clonale, Pristomyrmex punctatus où les ouvrières s’assemblent selon leur clone, ce qui donc une indication de reconnaissance basée sur le génotype (Nishide et al. 2013). Le cas des fondations de guêpes est intéressant, en effet elles peuvent fonder une colonie en s’associant tout en n’étant pas apparentées, ce qui donnait du grain à moudre pour les défenseurs de la coopération. Jeremy Field vient de s’en mêler et il a montré avec l’équipe de Stefano Turillazzi que dans ces associations la parentèle explique bien les variations de comportement, donc qu’il y a une discrimination intra-nid de la parentèle. Le mécanisme reste à trouver car les hydrocarbures ne semblent pas pouvoir expliquer cette discrimination (Leadbeater et al. 2013). Un article récent de l’équipe de Heikki Helanterä à Helsinki aborde le problème du côté des larves, en effet elles peuvent cannibaliser des œufs. En comparant 8 espèces de Formica, ils ont montré que le taux de cannibalisme diminue avec un degré de parenté plus fort, ce qui évidemment va dans le sens de la théorie de la sélection de parentèle (Schultner et al. 2014).
La sélection de parentèle dans les autres groupes animaux
Les anthropologues
s’intéressent aussi beaucoup à la sélection de parentèle
pour expliquer l’évolution des groupes sociaux humains. Un article
récent présente les données recueillies sur 32 groupes
de chasseurs cueilleurs ; il montre que les individus ne sont pas majoritairement
apparentés dans ces groupes. Ce sont plutôt des phénomènes
culturels qui expliquent l’évolution sociale (Hill et al. 2011).
Chez les chimpanzés en Ouganda, les cris d'alarme sont adressés
plus spécifiquement aux proches parents (voir Chai 2019).
L’altruisme génétique existe aussi chez les grands dauphins
Tursiops truncatus où les meneurs lors des déplacement
apprennent plutôt à ceux qui sont proches génétiquement
(Lewis et al. 2013; Rosier 2013). Le pétrel Hydrobates pelagicus
préfère en situation de choix l’odeur (rare chez oiseaux)
d’un non apparenté, ce qui pourrait éviter l’inbreeding
chez ces oiseaux sédentaires (Bonadonna and Sanz-Aguilar 2012). Au contraire,
chez l’ani des palétuviers (coucou noir) qui fait des nids communs
il n’y a pas de discrimination de parentèle envers les jeunes (Riehl
and Strong 2015). Chez les primates, la réciprocité et la coopération
sont la base de la socialité, et non les relations de parentèle
(Rosier 2013). Chez les suricates l’odeur anale due aux bactéries,
permet la discrimination mais pas entre apparentés, plutôt entre
groupes (Leclaire et al. 2014). De même une étude génétique
sur de nombreuses troupes dans le désert du Kalahari montre qu'elles
ne sont pas soudées selon des liens génétiques.. (Herzberg
2019). Encore un accroc à la sélection de parentèle ?
Chez les forficules, les soins maternels envers les oeufs n’impliquent pas de discrimination de parentèle (thèse Sophie Van Meyel 2020).
Paradoxalement, la sélection de parentèle revient indirectement à l’ordre du jour avec les logiciels de gestion de la voiture autonome : une voiture en situation d’accident inévitable devra-t-elle percuter des piétons ou sacrifier son passager ? (Debroise 2016). 90% des cobayes agissent de façon à minimiser le nombre de morts … sauf si l’occupant est lui-même !
Les microbes
apportent une quantité impressionnante de découvertes sur la coopération
et la socialité.
Chez les bactéries, on vient de découvrir des phénomènes
d’altruisme extraordinaires. On connaît depuis longtemps la résistance
aux antibiotiques et les problèmes que cela pose, par exemple avec les
maladies nosocomiales. En réalité, chez le colibacille, la protection
vient de quelques bactéries super-résistantes peu nombreuses (1%)
qui protègent les autres en fabriquant une molécule (l’indole)
qui les rend insensibles à l’antibiotique. Si on isole ces bactéries,
elles meurent sous l’effet de l’antibiotique. Les super-résistantes
paient leur production et se reproduisent moins vite que les autres ; elles
sont donc altruistes envers les individus du même clone (Lee et al. 2010)
(voir aussi Corniou 2011). C’est un joli exemple de sélection de
parentèle. Les Bacillus thuringiensis tuent leurs papillons
hôtes avec une toxine « cristal » dont la production est coopérative
et liée à la parentèle. Cette coopération est stable
malgré la présence de cheaters (ne produisant pas la toxine) (Raymond
et al. 2012).
Chez les levures Saccharomyces cerevisiae les cellules exprimant un
gène appelé FLO1 qui déclenche la floculation (protection
contre les stress comme les antibiotiques ou l’alcool) s’agrègent
préférentiellement indépendamment du reste du génome.
On parle d’effet « barbe verte » (Smukalla et al. 2008).
Les amibes acrasiales
Dictyostelium discoideum sont aussi sociales en période de disette
alimentaire et se reconnaissent grâce à un gène barbe verte
csA (Queller et al. 2003). C’est John Tyler Bonner qui a découvert
la socialité de deux espèces Dictyostelium mucoroides et
Polysphondylium violaceum (Bonner 1983).
Le milieu marin semblerait être un domaine où de nombreuses possibilités de coopération liée au kinship pourrait apparaitre, par exemple chez les éponges, les cnidaires ou les bryozoaires (Kamel and Grosberg 2013). Mais pour l’instant, le seul vrai cas documenté est celui des crevettes dans le corail, donc un milieu très particulier (Duffy 1996). Chez l’anémone de mer Actinidia equina la place est comptée pour les emplacements et cela se traduit par des combats. Chez cette espèce l’agression est plus forte envers les apparentés, ce qui est l’inverse de ce que l’on attendait (Foster and Briffa 2014).
Chez les plantes la sélection de parentèle semble exister aussi dans quelques rares cas comme la roquette de mer de la côte est du Canada (Cakile edentula, Brassicacées) (Dudley and File 2007, voir (Pelt 2012). Suite au livre de Peter Wohlleben La vie secrète des arbres, de nombreux articles reprennent l'idée de communication entre les arbres qui sont intelligents, altruistes... La forêt est formée d'arbres mères qui reconnaissent et privilégient leur progéniture. Quelques citations : "Les plantes ont de l'intelligence... La preuve que nous ayons de l'existence d'une conscience de soi chez les plantes - - est la reconnaissance de la parenté. Les vieux arbres reconnaissent les jeunes plants qui sont issus de leurs graines. Nous ne comprenons pas bien comment... Les vieux arbres peuvent changer de comportement pour avantager les membres de leur famille". "Ils sont connectés par cet "Internet des forêts" et peuvent aussi envoyer des signaux d'alerte". (Keim 2019)
Faut-il réviser
les manuels ?
Si l’on regarde le meilleur et plus récent manuel sur les fourmis,
celui de Luc Passera et Serge Aron (Passera and Aron 2005), la théorie
de la sélection de parentèle est bien présentée
dans le chapitre sur l’origine de la socialité chez les fourmis,
mais avec des critiques. Pourtant « Aucune des critiques formulées
ci-dessus n’est fatale à la théorie de la sélection
de parentèle » (p. 32). Sont ensuite présentées
des hypothèses alternatives mais peu convaincantes. Par contre tout le
chapitre « Conflits et alliances chez les fourmis » a comme
toile de fond la sélection de parentèle qui s’est révélée
extraordinairement féconde. Pour Passera « Bien sûr que
l'on peut expliquer l'eusocialité par simple intervention de la sélection
naturelle. Il suffit qu'elle sélectionne un gène de l'altruisme
… apparu sous la pression de l'environnement : en particulier la présence
d'un nid agrégeant des individus. Il n'empêche que cette sélection
naturelle opérera bien plus facilement en présence d'une haplodiploïdie.
Tous les tenants de la sélection de parentèle ont toujours admis
qu'elle ne suffisait pas à elle seule à expliquer l'émergence
de l'eusocialité ; tous ont en tête l'existence des termites, des
rats-mole et autres crevettes. Et tous (en particulier Jaisson) insistent sur
des pré-requis comme l'existence d'un nid. Mais Wilson doit se souvenir
que sur 13 taxons eusociaux (le nombre doit être à présent
plus grand), 12 appartiennent aux hyménoptères et leur haplodiploïdie.
Ce ne peut être le fruit du hasard. » (L Passera, com. perso,
11 octobre 2010). Il en est de même pour le livre de Pierre Jaisson (Jaisson
2000) entièrement basé sur la sélection de parentèle.
Les apports de la théorie sont incontestables. Pourtant, si les symétries
de parentèle sont la conséquence de la socialité, cela
remet en cause tout le contexte théorique sur l’évolution
de la socialité. Jaisson insiste beaucoup sur le fait que dans des cas
de plus en plus nombreux, l’apparentement entre individus dans les nids
n’est pas très élevé (polygynie, polyandrie). Mieux
: tout individu dans le nid est accepté et considéré comme
congénère envers lequel on pourra être altruiste. C’est
ainsi que tout individu (adulte ou larve) introduit dans le nid sera intégré.
Il en est de même pour les parasites et commensaux qui réussissent
à franchir la barrière de l’odeur coloniale. C’est
ce que Jaisson appelle « fellowship (Jaisson 1991) traduit dans son livre
comme « la confiance absolue ». On a appelé ce fait aussi
« nestmateship » par référence à la reconnaissance
des congénères du nid ou encore NR « nestmate recognition
» (Lenoir et al. 1999). Si la NR est banale et a été observée
partout chez les insectes sociaux (voir récemment les travaux sur le
comportement de secours chez les Cataglyphis : Nowbahari et al. 2009),
il en est différemment de la « kin recognition » qui fait
l’objet de publications controversées (voir d'Ettorre and Lenoir
2010). Récemment, pour la première fois, on a en partie découvert
les bases chimiques de ce phénomène : si les fourmis ont une odeur
coloniale spécifique (voir par exemple (Dahbi et al. 1998)) et rejettent
tout étranger, à l’intérieur du nid les parois des
chambres ont l’odeur de l’espèce mais non coloniale. Ceci
doit rendre la discrimination dans le nid beaucoup plus difficile et permettre
aux intrus de se fondre dans le nid (Lenoir et al. 2009). On peut donc imaginer
facilement que les asymétries de parentèle ne sont pas à
l’origine de l’eusocialité. Mais le débat est sans
doute loin d’être clos… Un colloque s’est tenu à
Amsterdam en été 2010, réunissant 30 chercheurs de renommée
internationale sur ce sujet controversé (Okasha 2010). Un numéro
spécial de Biology Letters a été organisé en l’honneur
de « 50 years on : the legacy of William Donald Hamilton » organisé
par Joan Herbers et Neil Tsutsui (Herbers 2013). Tous les articles sont en faveur
de la théorie d’Hamilton ! On y trouve en particulier un article
sur les gènes qui permettent l’altruisme chez les insectes sociaux
et l’homme ! On croit rêver…il existerait des gènes
pour le jeu du dictateur…, en particulier ceux de l’ocytocine (Israel
et al. 2009). Cela me rappelle les années 1970 où l’on débattait
des gènes qui commandent les comportements.
Tatiana Giraud dans sa leçon inaugurale au Collège de France le 17 février 2022 parle de l'altruisme des fourmis a beaucoup gêné Darwin (p.32), et de la sélection de parentèle (p.36-37) (Giraud 2022).
Voir aussi Anne Teyssèdre (1990). Objections à la théorie d'Hamilton. Science et Vie. 879, décembre 1990. Pdf
Références
-
Chai,
N. (2018). Sagesse animale, Stock. 270p. Extrait
- Chapuisat, M. and L. Keller (1997). De l'avantage
d'avoir des frères et des soeurs quand on est stérile. Les
fourmis sont-elles encore en froid avec Darwin ? . La Recherche 296, mars 1997.
-
d'Ettorre, P. and A. Lenoir (2010). Nestmate recognition in ants. Ant Ecology.
L. Lach, C. Parr and K. Abbott. Oxford, Oxford University Press: 194-209. Pdf
- Dahbi, A., P. Jaisson, A. Lenoir and A. Hefetz (1998). Comment les fourmis
partagent leur odeur. La Recherche. Novembre, 314, 32-34.
- Giraud, T. (2022). Dynamique
et évolution de la biodiversité et des écosystèmes,
Collège de France, fayard, 88p.
-
Lenoir, A., S. Depickère, S. Devers, J.-P. Christidès and C. Detrain
(2009). Hydrocarbons in the ant Lasius niger: From the cuticle to the nest and
home range marking. Journal of Chemical Ecology. 35: 913-921. Pdf
- Lenoir, A., D. Fresneau, C. Errard and A. Hefetz (1999). The individuality
and the colonial identity in ants: the emergence of the social representation
concept. Information Processing in Social Insects. C. Detrain, J. L. Deneubourg
and J. Pasteels. Basel, Birkhäuser Verlag: 219-237. Pdf
- Abouheif,
E. and G. A. Wray (2002). Evolution of the gene network underlying wing polyphenism
in ants. Science. 297: 249-252.
- Anonymous (2010). Cooperative flatworms. Nature. 476: 371.
- Aoki, S. (1977). Colophina clematis (Homoptera, Pemphigida), an aphid species
with "soldiers". Kontyu. 45: 276-282.
- Aron, S. (2010). The little mermaid hosts the 2010 IUSSI World Congress on
social interactions. Insectes Sociaux. 57: 367-370.
- Ayre, D. J. and R. K. Grosberg (1996). Effects of social organization on inter-clonal
dominance relationships in the sea anemone Anthopleura elegantissima. Animal
Behaviour. 51: 1233-1245.
- Bonadonna, F. and A. Sanz-Aguilar (2012). Kin recognition and inbreeding avoidance
in wild birds: the first evidence for individual kin-related odour recognition.
Animal Behaviour. 84: 509-513. http://dx.doi.org/10.1016/j.anbehav.2012.06.014
- Bonner, J. T. (1983). Les signaux chimiques des amibes sociales. Pour la Science.
Juin, 60-67.
- Boomsma, J. and P. d'Ettorre (2013). Nice to kin and nasty to non-kin: revisiting
Hamilton's early insights on eusociality. Biology Letters. 9: 20130444.
- Corniou, M. (2011). Bactéries. L'altruisme est leur arme secrète.
Science et Vie. 1121, Février, 82-86.
- Crespi, B. J. (1992). Eusociality in Australian gall thrips. Nature. 359:
724-726.
- Cronin, A. L. and T. Monnin (2010). Self-sacrifice in 'desperado' contests
between relatives. Frontiers in Zoology. 7: 27.
- Cruz, Y. P. (1981). A sterile defender morph in a polyembryonic hymenopterous
parasite. Nature. 294: 446-447.
- Dudley, S. A. and A. L. File (2007). Kin reproduction in an annual plant.
Biology letters. in press.
- Duffy, J. E. (1996). Eusociality in a coral-reef shrimp. Nature. 381: 512-514.
- Field, J., R. J. Paxton, A. Soro and C. Bridge (2010). Cryptic plasticity
underlies a major evolutionary transition. Current Biology. 20: 1-4.
- Foster, K. R. (2009). A defense of sociobiology. Cold Spring Harb Symp Quant
Biol. 74.
- Foster, N. L. and M. Briffa (2014). Familial strife on the seashore: Aggression
increases with relatedness in the sea anemone Actinia equina. Behavioural Processes.
103: 243-245. http://dx.doi.org/10.1016/j.beproc.2014.01.009
- Gilbert, N. (2010). Altruism can be explained by natural selection. Nature
News. online: doi:10.1038/news.2010.1427.
- Goulson, D. (2019 ). Ma fabuleuse aventure avec les bourdons, Gaïa (édition
originale 2013).
- Hamilton, W. D. (1963). Evolution of altruistic behavior. American Naturalist.
97: 354-.
- Hamilton, W. D. (1964). The genetical evolution of social behaviour. I - II.
Journal of Theoretical Biology. 7: 1-52.
- Harrois-Monin, F. and C. Gilbert (1993) Pierre
Jaisson: ne tirez pas sur la sociobiologie. lexpress.fr, 1 juillet 1993.
- Hechinger, R. F., A. C. Wood and A. M. Kuris (2010). Social organization in
a flatworm: trematode parasites form soldier and reproductive castes. Proceedings
of the Royal Society B: Biological Sciences.
- Herbers, J. M. (2013). 50 years on: the legacy of William Donald Hamilton.
Biology Letters. 9: 20130792.
- Herzberg, N. (2019). La danse de guerre des suricates. Le Monde Science et
Médecine 26 décembre 2019. p. 8.
- Hill, K. R., R. S. Walker, M. Bozecevic, J. Eder, T. Headland, B. Hewlett,
A. M. Hurtado, F. Marlowe, P. Wiessner and B. Wood (2011). Co-Residence Patterns
in Hunter-Gatherer Societies Show Unique Human Social Structure . 10.1126/science.1199071.
Science. 331: 1286-1289.
- Hölldober, B. and E. O. Wilson (2009). The superorganism. The beauty,
elegance, and strangeness of insect societies. New York, London, Norton &
Co, 522 p.
- Hölldober, B. and E. O. Wilson (2010). The leaf-cutting ants. Civilization
by instinct, Norton, 160 p.
- Hölldobler, B. and E. O. Wilson (1990). The Ants, The Belknap Press,
Cambridge, 782 p.
- Hölldobler, B. and E. O. Wilson (2009). The superorganism. The beauty,
elegance, and strangeness of insect societies. New York, London, Norton, p.
- Hölldobler, B. and E. O. Wilson (2012). L'incroyable instinct des fourmis,
Flammarion, 204 p.
- Hughes, W. O. H., B. P. Oldroyd, M. Beekman and F. L. W. Ratnieks (2008).
Ancestral monogamy shows kin selection is key to the evolution of eusociality.
Science. 320: 1213-1216.
- Israel, S., E. Lerer, I. Shalev, F. Uzefovsky, M. Riebold, E. Laiba, R. Bachner-Melman,
A. Maril, G. Bornstein, A. Knafo, et al. (2009). The Oxytocin Receptor Contributes
to Prosocial Fund Allocations in the Dictator Game and the Social Value Orientations
Task. PLoS ONE. 4: e5535. 10.1371/journal.pone.0005535
- Jaisson, P. (1991). Kinship and fellowship in ants and social wasps. Kin recognition.
P. G. Hepper. Cambridge, Cambridge University Press: 60-93.
- Jaisson, P. (2000). La fourmi et le sociobiologiste. Paris, Odile Jacob
- Jarvis, J. U. M. (1981). Eusociality in a mammal. Cooperative breeding in
naked mole-rat colonies. Science. 212: 571-573.
- Kamel, S. J. and R. K. Grosberg (2013). Kinship and the evolution of social
behaviours in the sea. Biology Letters.
- Keim, B. (2019). Comment ils [les
arbres ] communiquent entre eux. Courrier International 1520, 19déc2019-8janv2020:
p. 33-35.
Interview de Suzanne Simard (Canada).
- Krakauer, D. (2011 ). Laws of Cooperation . 10.1126/science.1205650 Science
332 538-539
- Kronauer, D. J. C., N. E. Pierce and L. Keller (2012). Asexual reproduction
in introduced and native populations of the ant Cerapachys biroi. Molecular
Ecology. 21: 787-794.
- Leadbeater, E., L. Dapporto, S. Turillazzi and J. Field (2013). Available
kin recognition cues may explain why wasp behavior reflects relatedness to nest
mates. Behavioral Ecology. 10.1093/beheco/art113
- Leclaire, S., J. F. Nielsen and C. M. Drea (2014). Bacterial communities in
meerkat anal scent secretions vary with host sex, age, and group membership.
Behavioral Ecology. 10.1093/beheco/aru074
- Lee, H. H., M. N. Molla, C. R. Cantor and J. J. Collins (2010). Bacterial
charity work leads to population-wide resistance. Nature. 467: 82-85.
- Lewis, J. S., D. Wartzok, M. Heithaus and M. Krützen (2013). Could Relatedness
Help Explain Why Individuals Lead in Bottlenose Dolphin Groups? PLoS ONE. 8:
e58162. 10.1371/journal.pone.0058162
- Mathiron, A. G. E., P. Pottier and M. Goubault (2019). Keep calm, we know
each other: kin recognition affects aggressiveness and conflict resolution in
a solitary parasitoid. Animal Behaviour 151: 103-111. https://doi.org/10.1016/j.anbehav.2019.03.012
- Maynard Smith, J. (1964). Group Selection and Kin Selection. 201: 1145-1147.
- Nishide, Y., T. Satoh, C. Thomas and K. Iwabuchi (2013). Genotype-Based Recognition
Among Individuals of the Social Insect Pristomyrmex Punctatus (Japanese Queenless
Ant) from Geographically Divergent Populations. Journal of Insect Behavior.
1-10. 10.1007/s10905-013-9416-2
- Nowak, M. A. and R. Highfield (2011). SuperCooperators. Altruism, evolution,and
why we need each other to succeed/evolution. Altruism and human behavior or
why we need each other to succeed. New York, Free Press, 352 p.
- Nowak, M. A., C. E. Tarnita and E. O. Wilson (2010). The evolution of eusociality.
Nature. 466: 1057-1062.
- Nowbahari, E., A. Scohier, J. L. Durand and K. L. Hollis (2009). Ants, Cataglyphis
cursor, use precisely directed rescue behavior to free entrapped relatives.
PLos One. 4: doi:10.1371/journal.pone.0006573.
- Okasha, S. (2010). Altruism researchers must cooperate. Nature. 467: 653-655.
- Parsons, W., W. Zhong and V. H. W. Rudolf (2013). Mating status and kin recognition
influence the strength of cannibalism. Animal Behaviour. 85: 365-369. http://dx.doi.org/10.1016/j.anbehav.2012.11.006
- Passera, L. and S. Aron (2005). Les fourmis. Comportement, organisation sociale
et évolution. Ottawa, Presses scientifiques du CNRC, 480pp. p.
- Pelt, J.-M. (2012). Cessons de tuer la terre pour nourrir l'homme ! Pour en
finir avec les pesticides, Fayard, 205 p.
- Pennisi, E. (2010). Agreeing to disagree. Science. 323: 706-708.
- Queller, D. C., E. Ponte, S. Bozzaro and J. E. Strassmann (2003). Single-Gene
Greenbeard Effects in the Social Amoeba Dictyostelium discoideum. Science. 299:
105-106. 10.1126/science.1077742
- Ratnieks, F., K. Foster and T. Wenseleers (2011). Darwin's special difficulty:
the evolution of neuter insects and current theory. Behavioral Ecology and Sociobiology,
Springer Berlin / Heidelberg. 65: 481-492. http://dx.doi.org/10.1007/s00265-010-1124-8
DO - 10.1007/s00265-010-1124-8
- Ratnieks, F. L. W. and H. Helanterä (2009). The evolution of extreme
altruism and inequality in insect societies. Philosophical Transactions of the
Royal Society B: Biological Sciences. 364: 3169-3179.
- Raymond, B., S. A. West, A. S. Griffin and M. B. Bonsall (2012). The Dynamics
of Cooperative Bacterial Virulence in the Field. Science. 337: 85-88. 10.1126/science.1218196
- Riehl, C. and M. Strong (2015). Social living without kin discrimination:
experimental evidence from a communally breeding bird. Behavioral Ecology and
Sociobiology. 69: 1293-1299. 10.1007/s00265-015-1942-9
- Rosier, F. (2013). L'altruisme éclairé par un séisme.
Le Monde Science & Techno. 9 février, p.3.
- Rosier, F. (2013). La générosité, aventure évolutive.
Le Monde Science & Médecine. 11 septembre, p.3.
- Rosier, F. (2013). Le dauphin meneur a le sens de la famille. Le Monde. 16
mars, p.7.
- Ross, K. G. and L. Keller (1998). Genetic control of social organization in
an ant. Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A. 95: 14232-14237.
- Schultner, E., A. Gardner, M. Karhunen and H. Helanterä (2014). Ant Larvae
as Players in Social Conflict: Relatedness and Individual Identity Mediate Cannibalism
Intensity. The American Naturalist. 184: E161-E174. 10.1086/678459
- Smukalla, S., M. Caldara, N. Pochet, A. Beauvais, S. Guadagnini, C. Yan, M.
D. Vinces, A. Jansen, M. C. Prevost, J.-P. Latgé, et al. (2008). FLO1
Is a Variable Green Beard Gene that Drives Biofilm-like Cooperation in Budding
Yeast. Cell. 135: 726-737.
- West, S. A. and A. Gardner (2010). Altruism, Spite, and Greenbeards. Science.
327: 1341-1344.
- Wilson, E. O. (1971). The Insect Societies. Cambridge, MA, Harvard University
Press, 548pp. p.
- Wilson, E. O. (1975). Sociobiology. The new synthesis. Cambridge, Ma, Belknap
Press Harvard University, 697pp. p.
- Wilson, E. O. (2008). One giant leap: how insects achieved altruism and colonial
life. BioScience. 58: 17-25.
- Wilson, E. O. and B. Hölldobler (2005). Eusociality: origin and consequences.
Proceeding of the National Academy of Science of USA. 102: 13367-13371.
- Wynne-Edwards, V. C. (1964). Group Selection and Kin Selection. Nature. 201:
1147.