L'altruisme chez les animaux et les fourmis  

Mis à jour le 23-Jul-2022

Altruisme : c'est un terme à la mode, surtout en ces périodes difficiles. Les fourmis sont-elles altruistes ? En éthologie, il s'agit d'un comportement d'aide à autrui, sans rien attendre au retour mais aux dépens de l'individu qui l'exprime, qui a donc un coût. Les fourmis comme tous les insectes sociaux sont évidemment altruistes puisqu'elles sont stériles et sacrifient leur propre reproduction au bénéfice de leur mère et donc de la colonie. Cela avait beaucoup intrigué Darwin. Pierre Jaisson dans son livre "La fourmi et le sociobiologiste" parle beaucoup de l'altruisme, voir l'interview dans L'Express (1993) et l'interview par Catherine Mallaval dans Libération (1994). Sortir du nid pour aller chercher de la nourriture et affronter les risques de prédation est bien sûr altruiste. Il en est de même pour la défense de la colonie où l'on risque sa vie. Dans certaines espèces, les fourmis minor peuvent sacrifier leur vie en s'explosant sur un adversaire (Colobopsis explodens). Sylvia Cremer, spécialiste à Vienne de l'immunité sociale chez les insectes sociaux, n'hésite même pas à parler de suicide (Herzberg 2018). Cette forme de suicide est plus fréquente chez les termites.

Un documentaire d'Arte "Vers un monde altruiste ?" de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade du 26 février 2016 affirme que l'homme a une tendance naturelle à l'altruisme et la coopération par empathie envers les autres. Selon le moine boudhiste Matthieu Ricard l'altruisme est une tendance naturelle des humains et on peut le développer par la méditation. Pour Olivier Postel-Vinay (2016) l'altruisme aurait des origines innées et peut s'exercer envers des individus non apparentés.


L'altruisme existe aussi chez les animaux doués d'empathie (voir Fourmis et Empathie). Les chimpanzés aident les humains sans récompense (Franz de Vaals), les rats vont secourir un congénère en difficulté (Decety). L'altruisme est souvent réciproque comme chez les primates, mais aussi chez les rats (SC-Av-HS218). Les bonobos sont aussi bien sûr altruistes, mais chez les oiseaux seuls seraient
altruistes les pies bleues (Grenèche 2017, J.L.2016). On dit même en ce moment que les arbres sont altruistes ! (voir La vie secrète des arbres, Mulot et Chauveau 2019, Keim 2019)

Bien sûr, les insectes sociaux comme les fourmis sont altruistes mais pour la propagation des gènes : "Chez certaines espèces de fourmis, seuls quelques mâles et la reine ont le droit de se reproduire, et des soldats sont appelés à se sacrifier pour le bien-être de la collectivité. Le paradoxe s'explique par le fait que ces comportements d'apparence altruiste favorisent en réalité la perpétuation des gènes de la colonie... Ce qui est beaucoup plus compliqué à expliquer, c'est l'altruisme à l'égard d'individus non apparentés." (Postel-Vinay 2016).

L'altruisme selon Tatiana Giraud et Guillaume Lecointre
- Giraud, T. and G. Lecointre (2022). L'altruisme a longtemps posé un problème évolutif. Sciences et Avenir N°spécial janvier/mars2022. 6-11. Pdf

Quelques citations
- "Si l'intelligence, l'empathie et l'atruisme existent chez l'homme, comment auraient-ils pu surgir de nulle part ? S'ils représentent l'aboutissement de millions d'années d'évolution graduelle, on s'attend à observer chez les animaux les signes précurseurs de toutes les émotions humaines. " (Ricard 2016 p. 233).
- une citation de Jacques Dubochet, nouveau Prix Nobel de chimie à Lausanne (5 octobre 2017) : "L’altruisme est quelque chose de moral chez l’être humain, mais en biologie c’est une façon de fonctionner. Les fourmis ouvrières sont totalement altruistes car elles travaillent pour la reine, c’est le système qui le veut. En tant qu’êtres sociaux, nous vivons ensemble: nous occuper les uns des autres, ce n’est pas de la bonté, c’est simplement ne pas être stupide, c’est vital pour notre bien commun. Ce n’est pas une valeur morale, c’est une notion d’intelligence: la gauche, c’est l’intelligence, et la droite, c’est l’égoïsme. Ce que je dis va faire quelques vagues mais tant pis, je n’ai pas changé d’avis à ce propos." Le site de la télévision suisse (5 octobre 2017).

Voir
- Baudet, M.-B. (2015). L'altruisme. Le Monde Samedi 8 août. p.7. Pdf
- Belpois, M. (2016). Vers un monde altruiste ? Télérama 3449, 17 février 2016 : p. 135. Pdf
- Dubochet: «Même les fourmis sont altruistes». https://www.tdg.ch/suisse/dubochet-fourmis-altruistes/story/23351003 (5 oct 2017)
- Grenèche, J. (2017). Le bonobo, altruiste envers les étrangers. Le Monde Sciences & Médecine 15 novembre 2017.
- Harrois-Monin, F. and C. Gilbert (1993) Pierre Jaisson: ne tirez pas sur la sociobiologie. L'Express, 1 juillet 1993.
- Herzberg, N. (2018). L'arme fatale de la fourmi explosive. le Monde Science et Médecine 1 mai 2018. p. 8.
- Keim, B. (2019). Comment ils [les arbres ] communiquent entre eux. Courrier International 1520, 19déc2019-8janv2020: p. 33-35.
Interview de Suzanne Simard (Canada).
- L., J. (2016). Les pies bleues seraient altruistes. Sciences et Avenir 838, décembre 2016. Pdf
- Mallaval, C. - Faut-il brûler la sociobiologie ? L'altruisme ou la mort. Libération. 26 janvier 1994.
- Mulot, R. and L. Chauveau (2019). L'intelligence des plantes. Sciences et Avenir 868, juin 2019: p. 32-43. Pdf sur l'altruisme des plantes
- Postel-Vinay, O. (2016). La part de la nature. Le goût des autres 1/6. Le Monde 16 juillet 2016. Pdf
- Ricard, M. (2014). Plaidoyer pour l'altruisme, Pocket 2014 édition revue par l'auteur, Nil 2013. 1022 p.
- Rosier, F. (2013). La générosité, aventure évolutive. Le Monde Science & Médecine 11 septembre. p. 3. Pdf
- Rousseau, C. (2016). Cultiver l'altruisme par la méditation. Le Monde Vendredi 26 février 2016: p. 16. Pdf
- Science et Avenir (2018). Coopération. le rat... ne l'est pas tant que ça! Sciences et Avenir Hors-Série Octobre-novembre 2018: p. 13. Pdf