Combattre, Sauver, Soigner - Une Histoire De Fourmis

Alain Lenoir Mis à jour 02-Oct-2020

d'Erik Frank, CNRS éditions, ISBN 978-2-271-12513-2, sortie le 24 septembre 2020 (17€).

Erik Frank a fait sa thèse sur les fourmis matabele (Megaponera analis) en Côte d'Ivoire sous la direction du Prof Linsenmair à Wurzburg. Il est actuellement postdoc à Lausanne chez Laurent Keller

Voir "Un livre qui dévoile l’homme derrière les fourmis", communiqué de l'UNIL (24 septembr 2020)

Mon analyse
Ce livre est l'histoire d'Erik Frank qui raconte sa vie dans le parc de la Comoé en Côte d'Ivoire. Il a fait sa thèse dans ce parc sur les fourmis matabele. En fait on n'apprend pas grand chose sur les matabele, le livre parle surtout de la station perdue dans la savane au nord de la Côte d'Ivoire (10-12 heures de route depuis Abidjan - 5heures depuis Bondoukou, la ville la plus proche) avec les saisons sèches où résiste la grenouille des roseaux (p.57), de ses employés. C'est le professeur Linsenmair qui a créé cette station qui est restée fermée longtemps pendant la guerre civile en Côte d'Ivoire, de 2002 à 2012. La station a finalement réouverte avec toutes possibilités technologiques actuelles et grande fierté, elle a été retirée du patrimoine mondial en péril en 2017. E. Frank raconte son itinéraire d'étudiant admiratif de Linsenmair, jusqu'à son doctorat et enfin directeur de la station. Il raconte ses crises de paludisme, ses pertes dans la savane, comment obtenir un financement pour le doctorat, comment il a peiné pour sa première publication et comment cela lui a changé la vie quand elle est sortie puisque on en a parlé partout (p.156). Il est actuellement dans le laboratoire de Laurent Keller à Lausanne car il n'y a pas de financement pour son poste de directeur de la station et il retourne bientôt à Wurzburg sur un poste qui lui permettra de financer son travail de directeur ((mail du 1er octobre 2020).

"In fact the idea of the book was really more meant as an introduction to a broad audience on what it's like to work in the tropics and to young people potentially interested to study biology and myrmecology (and especially to show that scientists are also just “normal human beings”)". (mail du 1er octobre 2020).

Sur les fourmis matabele, fourmi à biologie unique puisqu'elle ne se nourrit que de termites. Voir Secours
- il commence par raconter ses premières observations des raids des fourmis sur les nids de termites : une colonne de 800 fourmis et 500 à 1000 morts ramassés en moins d'une heure (p.16-17).
- la division du travail chez les fourmis est pour lui expliquée par 3 causes : la taille, l'âge et le seuil de réponse (p.27-28). C'est intéressant cette notion, c'est une manière de parler de la variabilité individuelle, que l'on qualifie actuellement de personnalité.
- les cimetières qui existent aussi chez ces fourmis : "les fourmis mortes étaient transportées beaucoup plus loin que les boulettes de terre ou autres déchets." (p.35). Voir Cimetières
- sauver les blessées (p.43-44). Les blessées ont été marquées avec des taches de couleur en code individuel et cela a bien confirmé qu'elles étaient ramenées au nid.
- blesser une fourmi (p.45-46). "Il n'est jamais agréable de devoir blesser ou tuer un animal au nom de la science, même si ce n'est "qu'une fourmi" . "J'ai coupé deux membres d'une fourmi en bonne santé  et  l'ai présenté à la colonne : dans ce cas, la fourmi blessée était très rapidement approchée par ses camarades. Elle s'allongeait avec ses pattes repliées contre son corps et restait immobile afin que les secouristes puissent la prendre et la ramener au nid."
- les fourmis trop blessées sont abandonnées : "les fourmis gravement blessées ayant perdu plus de deux membres n'étaient jamais sauvées" (p.53)

- le GPS des éclaireuses qui trouvent les nids (p.140).
- la recherche des signaux vibratoires qui en fait ne sont pas importants pour l'appel à l'aide (p.106)
- les signaux chimiques au contraire sont fondamentaux (avec Thomas Schmitt de Wurzburg). Ce sont des phéromones de type sulfures de la glande mandibulaire à odeur très forte (DMDS et DMTS, d'où l'ancien nom de la fourmi M. foetens.
- Il a même mis des fourmis blessées en chambre stérile et elles ne meurent pas, ce qui montre bien qu'il y a eu infection (p.107-109).

Il remercie Christian Peeters qui l'a conseillé pour son livre "He helped me a lot with the translation of certain technical terms into french and was always very quick and motivated to help me (not just for the book but in general). I am very grateful to have met him during the Ant Course in Mozambique and later again in France. It saddens me a lot that he passed away so suddenly, he was a great person." (mail du 1er octobre 2020).