La fourmi matabele Megaponera analis (= M. foetens)

Alain Lenoir mis à jour 04-Fév-2024

Megaponera analis (fourmi matabele, anciennement M. foetens) est une ponérine spécialiste de prédation exclusive de termites qu'elles récoltent lors de raids spectaculaires. Après un raid les ouvrières ramènent au nid leurs soeurs blessées qui vont ainsi survivre (voir Comportement de secours chez les fourmis).

Erik Frank a fait sa thèse sur ces fourmis et en a écrit un livre où l'on trouve les points suivants :
- raids des fourmis sur les nids de termites : une colonne de 800 fourmis et 500 à 1000 morts ramassés en moins d'une heure (p.16-17).
- les cimetières qui existent aussi chez ces fourmis : "les fourmis mortes étaient transportées beaucoup plus loin que les boulettes de terre ou autres déchets." (p.35). Voir Cimetières
- sauver les blessées (p.43-44). Les blessées ont été marquées avec des taches de couleur en code individuel et cela a bien confirmé qu'elles étaient ramenées au nid.
- blesser une fourmi (p.45-46). "Il n'est jamais agréable de devoir blesser ou tuer un animal au nom de la science, même si ce n'est "qu'une fourmi" . "J'ai coupé deux membres d'une fourmi en bonne santé  et  l'ai présenté à la colonne : dans ce cas, la fourmi blessée était très rapidement approchée par ses camarades. Elle s'allongeait avec ses pattes repliées contre son corps et restait immobile afin que les secouristes puissent la prendre et la ramener au nid."
- les fourmis trop blessées sont abandonnées : "les fourmis gravement blessées ayant perdu plus de deux membres n'étaient jamais sauvées" (p.53)

- le GPS des éclaireuses qui trouvent les nids (p.140).
- la recherche des signaux vibratoires qui en fait ne sont pas importants pour l'appel à l'aide (p.106)
- les signaux chimiques au contraire sont fondamentaux (avec Thomas Schmitt de Wurzburg). Ce sont des phéromones de type sulfures de la glande mandibulaire à odeur très forte (
DMDS = dimethyl disulfide; DMTS = dimethyl trisulfide d'où l'ancien nom de la fourmi M. foetens) (p.107-109).
- des fourmis blessées ont été mises en chambre stérile et elles ne meurent pas, ce qui montre bien qu'il y a eu infection (p.107-109).

Voir ausssi France Inter du 30 décembre 2020.

Documentaire : Terre, la vie cachée d'une planète, de Pierre-François Gaudry (2022) sur France 5, 15 septembre 2022. Une partie sur les termites de la savane africaine, bons jardiniers avec un rôle positif dans la décomposition de la terre, dans la croissance des arbres. On voit aussi les fourmis M foetens, prédatrices de temites.

         

Infections chez les fourmis metabele.
Des antimicrobiens de la glande métapleurale protègent contre les infections les fourmis metabele (Megaponera analis) blessées après une attaque d'un nid de termites. Les fourmis blessées infectées sont reconnaissables à leur profil d'hydrocarbures cuticulaires modifié, en partie par des alkadiènes (Frank et al 2023, labo Laurent Keller).

Infections chez les fourmis metabele. Des antimicrobiens de la glande métapleurale protègent contre les infections les fourmis metabele (Megaponera analis) blessées après une attaque d'un nid de termites. Les fourmis blessées infectées sont reconnaissables à leur profil d'hydrocarbures cuticulaires modifié, en partie par des alkadiènes (Frank et al 2023, labo Laurent Keller). Voir Secours
- Frank, E. T., L. Kesner, J. Liberti, Q. Helleu, A. C. LeBoeuf, A. Dascalu, D. B. Sponsler, F. Azuma, E. P. Economo, P. Waridel, et al., L. Keller (2023). Targeted treatment of injured nestmates with antimicrobial compounds in an ant society. Nature Communications 14(1): 8446. 10.1038/s41467-023-43885-w.
"Infected wounds pose a major mortality risk in animals. Injuries are common in the ant Megaponera analis, which raids pugnacious prey. Here we show that M. analis can determine when wounds are infected and treat them accordingly. By applying a variety of antimicrobial compounds and proteins secreted from the metapleural gland to infected wounds, workers reduce the mortality of infected individuals by 90%. Chemical analyses showed that wound infection is associated with specific changes in the cuticular hydrocarbon profile, thereby likely allowing nestmates to diagnose the infection state of injured individuals and apply the appropriate antimicrobial treatment.
This study demonstrates that M. analis ant societies use antimicrobial compounds produced in the metapleural glands to treat infected wounds and reduce nestmate mortality."

Ce travail a envahi les sites internet avec à peu près partout le même texte, et une vidéo Youtube. Par exemple : Les fourmis produisent des antibiotiques salvateurs aux propriétés désinfectantes, selon une étude. Joséphine de Rubercy, geo du 4 janvier 2024 :
" Selon une nouvelle étude, les fourmis Matabele peuvent soigner les blessures de leurs congénères grâce aux substances chimiques qu'elles produisent. Pourraient-elle aussi sauver l'Homme ?
Les fourmis pourraient-elles nous sauver la vie ? On sait depuis un certain temps maintenant que les substances chimiques produites par certaines fourmis ont des propriétés antibiotiques. Mais pour la première fois, une espèce de fourmis a été observée en train d'utiliser ces produits chimiques pour traiter des blessures infectées sur d'autres fourmis de la même espèce.
Selon New Atlas, l’espèce en question, la fourmi Matabele (Megaponera analis), se trouve dans diverses régions d'Afrique, au sud du désert du Sahara. Elle se nourrit exclusivement de termites, ce qui signifie que des groupes de fourmis doivent régulièrement effectuer des raids sur les colonies de termites avoisinantes. Mais les termites soldats de ces colonies ne se laissent pas faire : ils infligent de nombreuses et graves blessures à leurs envahisseurs. Si ces blessures s'infectent, les fourmis touchées peuvent mourir.
Une substance antibiotique bientôt testée sur l'Homme ?
Une équipe internationale de chercheurs a découvert que, lorsque ces blessures s'infectent, le profil d'hydrocarbures de la cuticule de la fourmi (son exosquelette dur) change d'une manière qui peut être détectée par les autres fourmis de la colonie. Celles-ci réagissent alors en prélevant une sécrétion antibiotique dans l'une de leurs glandes métapleurales (situées sur les côtés du thorax) et en l'appliquant sur la plaie à l'aide de leurs mandibules. Comme on peut le lire dans leur étude publiée dans la revue Nature Communications, des tests en laboratoire ont montré que l'application du liquide antibiotique réduisait le taux de mortalité des fourmis infectées d'environ 90 %.
Il est important de noter qu'un type de bactérie fréquemment responsable des infections, à savoir la
Pseudomonas aeruginosa
, est aussi souvent à l'origine d'infections résistantes aux antibiotiques chez l'homme. Les scientifiques tentent donc d'identifier tous les antibiotiques spécifiques produits par les fourmis, en vue d'une éventuelle utilisation chez l’homme.
"À l'exception de l'homme, je ne connais aucune autre créature vivante capable d'effectuer des traitements médicaux aussi sophistiqués des plaies", a conclu le chercheur Erik Frank, de l'université allemande Julius-Maximilians-Universität Würzburg, qui a dirigé les recherches avec le professeur Laurent Keller, de l'université suisse de Lausanne."

Voir aussi
- Les fourmis fabriquent leur propre antibiotique pour traiter les plaies infectées, crumpe.com (janvier 2024)
- Herzberg, N. (2024). Comment des fourmis détectent et traitent les infections de leurs congénères. Le Monde 21 janvier 2024 (réservé abonnés).
- Les fourmis blessées dans la guerre des termites sont soignées aux antibiotiques, Podcast, France Inter, Lundi 22 janvier 2024
- Toujours les matabele dans l'actualité : Les fourmis sont capables de produire des antibiotiques, podcast dans Le billet sciences du week-end (France Info du 4 février 2024, 2min)

Livingstone dans ses voyages découvre la fourmi cadavre : "Il remarque une grosse fourmi noire, qui répand une odeur désagréable et pénétrante provenant d'un fluide aussi volatile que l'éther" (p. 49-50). Près du Zambèze, il découvre les raids de fourmis cadavres contre les termitières : "Un matin, dit Livingstone, je vis sortir une colonne de fourmis noires qui me paraissaient aller au combat, et je me mis à les suivre." "L'un des capitaines du régiment noir les ayant enfin aperçus (les termites), se précipita sur eux, les rendit insensible, grâce à un liquide particulier que secrète son aiguillon, et les livra aux soldats qui les emportèrent immédiatement. Ayant sauvé quelques-uns des captifs, je ne pus les faire sortir de l'état d'insensibilité où les avait plongé la piqûre de leur ennemi." (p. 96)

Selon La guerre des fourmis :

Voir
- Frank, E. T. (2020). Combattre, sauver, soigner. Une histoire de fourmis, CNRS éditions.
- Marsat, A. (2019). Les fourmis peuvent-elles se battre ? MAG Ouest France Novembre 2019. Pdf