Robots-fourmis

Alain Lenoir mis à jour 16-Jan-2023

La fourmi est particulièrement appréciée des chercheurs pour sa capacité à collaborer dans la réalisation d’une tâche. Elle inspire les travaux de robotique depuis le début de cette science. Ainsi, la fourmi du désert utilise la lumière polarisée pour revenir en ligne droite à son nid après avoir cherché de la nourriture selon une trajectoire sinueuse. On construit des robots selon ce principe (Jean-Arcady Meyer, "Travailler sur les robots permet de mieux comprendre les êtres vivants", Le Monde 16 mars 1999). Pour les nombreux travaux de robotique voir Passera & Wild (2016). Des robots danseurs avaient déjà été fabriqués pour communiquer avec les abeilles (Michelsen 1998). En intelligence artificielle on simule avec des algorithmes des fourmis à quatre pattes qui doivent avancer (Larousserie 2019). Des robots fourmis avancent en interaction avec des phéromones virtuelles. La stigmergie permet la coordination dans l'exploration collective (Hunt et al 2019). Dès les années 2000, Eric Bonabeau et Guy Théraulaz 2000a, 2000b) travaillent sur l'intelligence en essaim avec des robots.

Un robot aide à révéler comment les fourmis transmettent les connaissances, 10 août 2022. Temnothorax albipennis déménage selon une course en tandem où la fourmi qui est devant apprend le tracé à la suiveuse. Cela a été vérifié avec un robot qui montre le chemin (Franks et al 2022). Voir Course en tandem.
"Les chercheurs ont construit une grande arène afin qu’il y ait une distance appréciable entre l’ancien nid de fourmis, volontairement de mauvaise qualité, et un nouveau bien meilleur où les fourmis pourraient être conduites par un robot. Un portique a été placé au sommet de l’arène pour se déplacer d’avant en arrière avec un petit robot coulissant attaché à celui-ci, afin que les scientifiques puissent diriger le robot pour qu’il se déplace le long de routes droites ou ondulées. Des glandes olfactives attrayantes, provenant d’une fourmi ouvrière, ont été attachées au robot pour lui donner les phéromones d’une fourmi enseignante.
Le professeur Franks a expliqué : « Nous avons attendu qu’une fourmi quitte l’ancien nid et avons placé la broche du robot, ornée de phéromones attrayantes, directement devant elle. La tête d’épingle a été programmée pour se déplacer vers le nouveau nid soit sur un chemin droit, soit sur un magnifique Nous avons dû permettre au robot d’être interrompu dans son voyage, par nous, afin que nous puissions attendre que la fourmi suivante nous rattrape après qu’elle ait regardé autour d’elle pour apprendre des points de repère.
« Lorsque la fourmi suiveuse a été conduite par le robot vers le nouveau nid, nous lui avons permis d’examiner le nouveau nid, puis, à son rythme, de commencer son voyage de retour. Nous avons ensuite utilisé le portique pour suivre automatiquement le chemin du retour. fourmi. »
L’équipe a découvert que le robot avait en effet enseigné l’itinéraire avec succès à l’apprentie fourmi. Les fourmis connaissaient le chemin du retour vers l’ancien nid, qu’elles aient pris un chemin sinueux ou droit.
Le professeur Franks a expliqué: « Un chemin droit pourrait être plus rapide, mais un chemin sinueux donnerait plus de temps à la fourmi suivante pour mieux apprendre les points de repère afin qu’elle puisse retrouver son chemin aussi efficacement que si elle avait été sur un chemin droit.
« Fondamentalement, nous avons pu comparer les performances des fourmis que le robot avait enseignées avec celles que nous avons transportées sur le site du nouveau nid et qui n’avaient pas eu l’occasion d’apprendre l’itinéraire. Les fourmis apprises ont retrouvé leur chemin beaucoup plus rapidement. et avec succès. »
"

Des robots en essaim (Trustmyscience 21 octobre 2021).
"En s’inspirant des fourmis, la professeure Yasemin Ozkan-Aydin de l’université de Notre-Dame (États-Unis) et son équipe ont mis au point un ensemble de robots quadrupèdes imprimés en 3D capables de travailler ensemble pour surmonter ces difficultés. On appelle cette branche de la robotique la « robotique en essaim ». Chaque spécimen mesure entre 15 et 20 cm de long et intègre une batterie au lithium-polymère, un microprocesseur, un capteur de lumière monté à l’avant ainsi que deux capteurs tactiles magnétiques — à l’avant et à l’arrière. Les quatre pattes, très flexibles, permettent de réduire le nombre de capteurs et de pièces supplémentaires et confèrent aux robots un niveau d’intelligence mécanique, ce qui les aide à interagir avec des terrains accidentés ou irréguliers. Les détails ont été publiés dans la revue Science Robotics. Dans une expérience visant à tester leur capacité à surmonter les obstacles en essaim, les chercheurs ont placé des blocs de bois collés sur des panneaux de particules entre un robot et le point d’arrivée (l’objectif) puis ont observé comment il se comportait. Confronté à l’obstacle, le robot a comme prévu transmis un signal aux autres unités situées à proximité, qui l’ont aussitôt rejoint.
Ainsi, les robots ont formé un véritable pont qui a permis à l’ensemble d’atteindre l’objectif. Ils peuvent également se servir de cette capacité pour transporter des objets trop grands ou trop lourds pour leur taille et poids."

- Des essaims autonomes de fourmis robots pourraient aider à explorer d'autres planètes selon un chercheur de Californie (Video Fox News Flash 9 juin 2020).

- Polytech à Tours fabrique des petits robots : A propos de Raphaël Boulay : "En première année d'ingénieur (bac+1) on fait fabriquer des robots aux 120 étudiants qui arrivent. Comme cela ils sont initiés à l'électronique, la mécanique et l'informatique. Ils sont même sensibilisés à l'environnement car le robot est construit pour faire des mesures environnementales et pour construire ensuite une carte avec ces données. Potentiellement on fabrique 60 robots tous les ans ! On avait imaginé avec Raphaël utiliser cette grosse colonie pour illustrer des mécanismes de régulation dans lesquels la "personnalité" introduirait de la variabilité de comportement. On n'était pas sûr du pouvoir observer quelque chose mais cela aurait été amusant d'impliquer des étudiants dans ces idées ! (Nicolas Monmarché, mail du 31 janvier 2020). Il faut signaler que des roboticiens de Tours avaient déjà envisagé de faire un robot qui s'inspire des mécanismes d'orientation visuelle des fourmis (Françoise et al 2000).

- Antbot, un robot qui s'oriente sans GPS comme les Cataglyphis du désert. Pour cela, ses créateurs, des chercheurs du CNRS et de l’université d’Aix-Marseille, l’ont doté d’une boussole solaire qui capte la polarisation de la lumière solaire. A cette technique s’ajoute celle de l’observation du défilement du paysage et du comptage des pas. Contrairement aux autres fourmis, celles-ci, qui vivent dans le désert, ne peuvent pas se repérer en utilisant leur odorat, à cause de la chaleur. Elles ont donc développé cette technique de la boussole solaire, très fiable, qui leur permet de retrouver leur nid. AntBot est un bel exemple de biomimétisme, la discipline dans laquelle la science s’inspire de la nature. Cela devrait permettre d’aider d’autres robots autonomes comme les voitures sans chauffeur. Le prix spécial de la recherche des Bouches-du-Rhône a été attribué le 15 février 2021 à Julien Serres, de l'Institut des sciences du mouvement à Marseille, qui travaille sur la navigation autonome et un robot s'appuyant sur le biomimétisme et l'observation des fourmis du désert (Lien).

   

Voir vidéo du Monde et Le Monde du 20 février 2019

- Des mini-robots qui collaborent avec des fourmis
Des scientifiques du projet européen CyBioSys ont en effet créé deux mini-robots (des Mobots) qui ont été introduits puis acceptés dans la société très organisée des fourmis. Dès lors qu’une colonie de fourmis se met en marche vers de nouveaux butins (des débris et de la nourriture le plus souvent), nos deux robots sont avertis à distance, suivent la petite troupe de fourmis et transportent ensuite les morceaux les plus gros pour les rapporter à la fourmilière. Non seulement les fourmis « acceptent » sans effort les deux androïdes, mais elle finissent même par profiter des capacités de « portage » des robots afin d’effectuer un plus grand nombre de raids de nourriture dans une même journée. In fine, les fourmis se comportent comme si elles « aidaient » les robots à trouver la nourriture, et les robots à leur tour « aident » les fourmis à transporter la nourriture; c’est ce que l’on appelle une synergie. Les chercheurs du projet CyBioSys estiment que ces recherches originales peuvent impacter les travaux sur l’IA et même le comportement de robots « exploratoires » lorsque ces derniers se retrouvent dans des environnements hostiles; s’ils le disent…(Frederic 2017)

- des fourmis bioniques : Avec ses BionicANTs, Festo a non seulement réussi à reproduire en version robotisée l’anatomie des fourmis mais également leur comportement de coopération grâce à des algorithmes complexes. Telles les formicidés naturels, les BionicANTs de la marque allemande Festo communiquent entre eux et coordonnent leurs actions et déplacements les uns par rapport aux autres. Ces fourmis artificielles démontrent encore une fois comment de simples unités isolées peuvent accomplir des tâches complexes par le simple fait d’une coopération globale intelligente. C’est ce que l’on appelle l’intelligence collective. Grâce à ce comportement d’essaimage, les robots fourmis travaillent ensemble en suivant des règles individuelles simples. L’université de Harvard étudie également ces comportements en coordonnant 1 024 robots entre eux. L’Université de Pennsylvanie a imaginé un système de robots sauveteurs s’assemblant entre eux de manière autonome.

    

- On vient de comprendre comment les fourmis de feu s'organisent pour construire des tours. Cela permettra peut-être de faire des petits robots autonomes (agissant en essaims) qui grimpent les uns sur les autres pour franchir une marche.

- Un travail présenté à la Société de Biology Intégrative et Comparative par des biologistes et des biomécaniciens part de l'observation que seulement un petit nombre de fourmis de feu creusent les galeries. Ils ont programmé des robots à creuser. Quand peu de robots travaillent le rendement est supérieur de 35%. Cela pourrait expliquer le mystère des fourmis inactives (Pennisi 2016). Voir La fourmi travailleuse

- Un robot-fourmi à Stanford (USA) a réussi à tracter 2 000 fois son poids (Science et Vie 2016). Les chercheurs se sont inspirés des forces qui permettent l'adhésion des pattes des fourmis au sol et du travail en équipe des fourmis qui multiplie la force.

- Grawer et al ont fait un modèle de distribution par trophallaxie de la nourriture dans la colonie avec des agents, modèle qui pourrait servir à des colonies de robots pour échanger de l’énergie (Grawer et al. 2016).

- Cataglyphis avait déjà inspiré les roboticiens qui ont mis au point Sahabot2 : "Miss bombycina, conçue pour la survie en enfer (ça m'Intéresse septembre 2001 - Pdf) avec interview de Rüdiger Wehner (Université de Zurich) par Jean-Pierre Vrignaud.

- Dans un dossier intitulé « Biomimétisme : Les cinq animaux préférés des innovateurs », Industrie & Technologies revient sur le travail collaboratif de la fourmi.
"Ce n'est pas sa petite taille ou sa façon de se déplacer qui intéresse les chercheurs, mais sa façon de travailler ! Et de communiquer... Festo s’est inspiré à la fois des caractéristiques physiques de la fourmi comme de sa manière de travailler en collaboration pour développer ses robots. C’est notamment le cas de Bionicants, des fourmis de 13,5 centimètres de long imprimées en 3D. Equipées de capteurs optiques, elles peuvent s’orienter dans l’espace, mais également travailler en collaboration et de manière autonome. Toujours dans le collaboratif, des chercheurs de l’université de Californie ont mis au point des prototypes de robots capables de s’épauler pour surmonter un obstacle. Ces concepts ressemblent également à leurs homologues vivants mais se basent surtout sur des algorithmes pour la collaboration."

- Une fourmi géante existe aussi à Nantes dans la galerie des machines

- Les robots tondeuses existent depuis longtemps :

Emmanuelle Pouydebat (2019 présente une revue sur le biomimétisme et tous les projets qui foisonnent en ce moment. Par exemple le robot-abeille Bee-Rotor (p.22-23).

Un robot, origine ? années 1980 :

Polo robot fourmi.
Loaëc, R. (1988). Quand la Polo devient Fourmi. Chasseur d'images 99, 2 pages. Pdf

Voir
- Bonabeau, E. and G. Théraulaz (2000). Swarm smarts. Scientific american. March 2000. 54-61.
- Bonabeau, E. and G. Théraulaz (2000). L'intelligence en essaim. Pour la Science. 271. 66-73. Pdf
- Françoise, L., N. Monmarché and G. Venturini (2000). Vers un robot modélisant la perception visuelle des fourmis. Actes Coll. Insect. Soc. 13: 16-172. Pdf
- Franks, N. R., J. A. Podesta, E. C. Jarvis, A. Worley and A. B. Sendova-Franks (2022). Robotic communication with ants. Journal of Experimental Biology 225(15). doi: 10.1242/jeb.244106
- Frederic, L. (2017) Des chercheurs européens inventent des mini-robots capables de collaborer avec des fourmis. http://kulturegeek.fr, 5 octobre 2017, p. http://kulturegeek.fr/news-122593/chercheurs-europeens-inventent-mini-robots-capables-collaborer-fourmis
- Grawer, J., H. Ronellentsch, M. G. Mazza and E. Katifori (2016). A trophallaxis inspired model for distributed transport between randomly interacting agents. physics.bio-ph 20 Jul 2016, arXiv:1607.06055v1.
- Hunt, E. R., S. Jones and S. Hauert (2019). Testing the limits ofpheromone stigmergy inhigh-density robot swarms. Royal Society Open Science 6: 190225. http://dx.doi.org/10.1098/rsos.190225
- Larousserie, D. (2019). Reproductibilité : l'IA n'échappe pas à la crise. Le Monde Science & Médecine 27 février 2019.
- Michelsen, A. (1998). Danse techno chez les abeilles. La Recherche N° 310, juin: p. 52-56. Voir article
- Passera, L. and A. Wild (2016). Formidables fourmis, Quae. 160p. voir Les fourmis et la robotique
- Pennisi, E. (2016) Fire ants slack off to avoid traffic jams. science.org, 5 January 2016, p. DOI: 10.1126/science.aae0176.
- Pouydebat, E. (2019). Quand les animaux et les végétaux nous inspirent, Odile Jacob. 202p.
- Science et Vie (2016). Il réussit à tracter jusqu'à 2000 fois son poids. Science & Vie Juin 2016: p. 62-63. Pdf