Alain Lenoir Principaux thèmes de recherches
Mis à jour 25-Mar-2025
1) La division du travail
Thèse de doctorat 
  d’État sur la division du travail.
  Mon directeur de thèse, Henri 
  Verron, m’avait suggéré de marquer individuellement 
  les fourmis pour voir la variabilité interindividuelle, ce qui était 
  une idée très originale. J’ai donc observé des fourmis 
  marquées avec une pastille numérotée, mises au point par 
  Serge Barreau, ingénieur au labo. On a d’abord utilisé des 
  pastilles métalliques, puis en papier photo (Verron and Barreau 1974; 
  Verron 1977). Ne connaissant rien aux fourmis, j’ai tout simplement choisi 
  la plus courante, la petite fourmi noire des jardins Lasius niger. 
  J’ai alors fait des diagrammes de petites sociétés montrant 
  les contacts entre individus, envers la reine et les larves, la récolte 
  de nourriture (Lenoir 1974). J’ai commencé à traiter ces 
  données en analyse factorielle, ce qui n’était pas du tout 
  connu à l’époque. En collaboration avec un informaticien, 
  Jean-Claude Mardon, nous avons fait des analyses de correspondance montrant 
  trois groupes dans la colonie (nourrices, pourvoyeuses et peu actives) (Lenoir 
  and Mardon 1978). 
  Tout cela a débouché sur ma thèse d’état, 
  thèse publiée intégralement comme cela se faisait à 
  l’époque (Lenoir 1979). 
  
On a aussi montré la variabilité interindividuelles dans les comportements à l’intérieur d’une colonie de fourmis, appelée idiosyncrasie (pour le Larousse : Manière d'être particulière à chaque individu qui l'amène à avoir tel type de réaction, de comportement qui lui est propre). De nombreux travaux ont été réalisés à cette période dans le laboratoire de Tours, puis sur le comportement nécrophorique de Lasius niger où l’on montrait l’absence de cimetières (Ataya and Lenoir 1984). J’ai aussi découvert que dans la colonie il existe de nombreuses fourmis inactives qui passent la quasi-totalité de leur vie inactives, même âgées (Lenoir 1979).
La division du travail reste d’actualité. Il en est de même pour ’idiosyncrasie qui revient sous la notion de personnalité : individus qui présentent un comportement singulier régulier (Animal personality: individuals within a population exhibit consistency in a single behavior). voir Division du travail
2) Les hydrocarbures cuticulaires et l'odeur coloniale
Après ma thèse 
  de Doctorat d’État j’ai voulu travailler sur d’autres 
  espèces et un autre modèle, d’abord sur les Cataglyphis 
  cursor dont les ouvrières sont parthénogénétiques 
  à la sortie d’hivernation en absence de reine (Cagniant 1979; Lenoir 
  et Cagniant 1986) 
  et ensuite sur Camponotus fellah et Aphaenogaster senilis. 
  On a réalisé de nombreux travaux sur la nestmate recognition.
  
  -  L’apprentissage 
  de l’odeur coloniale chez les larves de fourmis. Cela a été 
  une grande découverte que les jeunes larves de Cataglyphis cursor 
  sont capables d’apprendre l’odeur de leur colonie et d’en 
  garder la mémoire à travers la métamorphose (Isingrini 
  et al. 1985). 
  Notre article est toujours très cité. Cela a été 
  confirmé chez deux espèces avec des variations entre espèces. 
  
- Le rôle des hydrocarbures dans la reconnaissance coloniale est bien montré. Il y a une « gestalt » (un peu comparable à un code-barres) partagée et mise à jour constamment entre les individus. Les jeunes fourmis ont très peu d’hydrocarbures (« chemical insignificance ») et passent donc inaperçues. Quelques jours après elles ont leur profil mature (« chemical integration »). Tous ces travaux ont été synthétisés dans un chapitre de livre (Lenoir et al. 1999) puis dans une revue publiée dans Annual Review of Entomology (Lenoir et al. 2001), revue encore très citée. Raphaël Boulay a dans sa thèse montré entre autres les effets de l’isolement social sur les Camponotus fellah. Celles-ci trophallaxent plus après isolement pour mettre à jour leur odeur coloniale (Boulay et al. 1999).
Nous avons fait aussi de 
  nombreux autres travaux sur les hydrocarbures :
  
  - entre supercolonies comme Solenopsis saevissima en Guyane (Lenoir 
  et al. 2016)
  - entre les esclavagistes Polyergus 
  et leurs esclaves Formica avec homogénéisation incomplète 
  des odeurs (D'Ettorre et al. 2002). 
  Ce fait a été retrouvé et confirmé chez Rossomyrmex 
  et Proformica (Errard et al. 2006). 
  Les Polyergus semblent être des fourmis fragiles sensibles aux 
  pollutions. Je l'ai observé près de chez moi à Azay-sur-Cher 
  (près de Tours) où il y avait plusieurs colonies de Polyergus. 
  Thibaud Monnin était venu les photographier pour le livre "Guide 
  des fourmis de France" et elles ont toutes disparues.
  - entre myrmécophiles et leurs hôtes comme des coléoptères 
  Thorictus qui passent leur vie sur les antennes de leur hôte 
  Cataglyphis (Lenoir et al. 2013). 
  
  - les parasitoïdes qui ont un mimétisme chimique imparfait doivent 
  sortir très vite du nid de la fourmi hôte (Pérez-Lachaud 
  et al. 2015).
Biosystématique
  Les 
  hydrocarbures cuticulaires servent aussi de marqueur de l'identité spécifique. 
  On les a utilisés dans plusieurs cas :
  - des différences 
  entre espèces, par exemple chez Cataglyphis (Dahbi et al. 2008)
  - pour 
  une nouvelle espèce Proformica longipilosa et les espèces 
  voisines (Galkowski et al 2017)
4) Les phtalates
Dans les chromatographies 
  on trouve très souvent des pollutions. La plus fréquente est la 
  présence de phtalates signalés par de nombreux auteurs. J’ai 
  essayé de voir ce qu’étaient ces substances et pourquoi 
  on les trouve sur la cuticule des fourmis. Les phtalates sont des plastifiants 
  qui rendent les plastiques plus souples. On les trouve dans tous les plastiques, 
  parfois en grande quantité. La liaison chimique plastique – phtalate 
  n’étant pas stable, les phtalates sont libérés et 
  se retrouvent dans l’eau, le sol, les aliments et même l’atmosphère. 
  Ils sont très lipophiles et sont piégés sur la cuticule 
  des insectes et donc des fourmis. On a publié ces données en 2012 
  (Lenoir et al. 2012), 
  ce qui nous a valu un article dans le Figaro. Les phtalates perturbent l’immunité 
  des fourmis (Cuvillier-Hot et al. 2014) 
  et sont absorbés par la cuticule (Lenoir et al. 2014). 
  On les trouve partout même en pleine forêt amazonienne en Guyane 
  loin de toute activité humaine, sans doute transportés par le 
  vent accrochés à des microparticules (Lenoir et al. 2016, 
  avec gros impact médiatique, dont France5 et le Monde).
  Le problème est que les phtalates sont des perturbateurs 
  endocriniens avec des effets nocifs considérables. La terre est mal 
  partie et l’humanité face à un empoisonnement progressif 
  qui hélas est de plus en plus évident. 
5) Fourmis et bactéries
Depuis quelques années on découvre l'importance de divers micro-organismes qui sont hébergés par les macro-organismes comme les fourmis. Chez Camponotus les bactéries symbiotes Blochmania ont été découvertes depuis plus d'un siècle mais leur rôle vient seulement d'être compris. En effet il est impossible de les élever comme des bactéries "normales". Chez C. fellah, on les trouve dans le tube digestif dans des cellules spécialisées appelées bactériocytes. Danival Souza à Tours pendant sa thèse a montré qu'elles facilitent la croissance de la colonie et les défenses immunitaires (de Souza et al 2006, de Souza et al 2009). Ces bactéries sont transmises par la reine depuis ses ovaires vers les oocytes (Kupper et al 2016). Si on traite les fourmis avec un antibiotique, elles vont réagir comme en situation de stress, produire plus d'hydrocarbures cuticulaires et devenir plus mélanisées (Souza et al 2011). Voir Fourmis-Bactéries
Il est même possible que la production d'alcaloïdes soit liée à la présence de bactéries comme cela vient d'être montré chez les Aphaenogaster. A. senilis a de grandes quantités d'alcaloïdes dans sa glande à poison alors que A. iberica n'en a pas du tout. Si on traite les A. senilis avec un antibiotique, la production d'alcaloïdes chute considérablement (94%). Le traitement induit aussi un état de stress qui se traduit par une augmentation d'hydrocarbures cuticulaires. Le traitement n'a aucun effet sur A. iberica (Lenoir et Devers 2018).
Existe-t-il une police chez les fourmis pour neutraliser des tricheurs qui ne respectent pas l'intérêt général de la colonie ? Il semble bien que oui. Nous avons découvert une forme de police chez des fourmis Aphaenogaster senilis. Les ouvrières sont capables de pondre des oeufs haploïdes en absence de la reine, mais certaines échappent à l'inhibition royale et pondent même en présence de celle-ci (voir Tricherie). Il existe un mécanisme de régulation puisque ces ouvrières sont reconnues par les non-tricheuses car elles ont une odeur cuticulaire un peu différente et elles sont attaquées, leurs oeufs sont mangés. On parle de "police" dans la colonie (Ichinose and Lenoir 2009). Voir Police chez les fourmis
7) Divers
Méli-mélo 
  génétique.
  On ne compte plus les publications qui montrent un mélange extraordinaire 
  de gènes entres espèces. C’est ainsi que chez les fourmis 
  des transposons de lépismes myrmécophiles Atelura existent 
  chez les fourmis Formica cunicularia avec probablement un transfert 
  horizontal dont le mécanisme est inconnu (Sanllorente et al. 2015). 
  Voir Transferts 
  de gènes
8) Et autres
J'ai participé à la rédaction du Guide des fourmis de France avec Thibaud Monnin, Xavier Espadaler et Christian Peeters (Monnin et al. 2013)
Xavier Espadaler a décrit 
  une nouvelle espèce de champignons parasites de fourmis que j’ai 
  trouvés en Grèce sur des Messor : Rickia lenoirii 
  (Santamaria and Espadaler 2015). 
  Brian 
  Taylor avait décrit une nouvelle espèce de Cataglyphis 
  du Burkina Faso C. lenoirii, mais qui s'est révélée 
  ensuite être C. saharae (voir 
  plus)
Publications
  - voir liste 
  complète
  - Ataya, H. and A. Lenoir (1984). Le comportement nécrophorique chez 
  la fourmi Lasius niger L. Insectes Sociaux. 31: 20-33. Pdf
  - Cuvillier-Hot, V., K. Salin, S. Devers, A. Tasiemski, P. Schaffner, R. Boulay, 
  S. Billiard and A. Lenoir (2014). Impact of ecological doses of the most widespread 
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  131: 104-110. http://dx.doi.org/10.1016/j.envres.2014.03.016 Pdf
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  564-572. Pdf
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  the crowd: social integration into their host colonies using a flexible signature. 
  Proc. R. Soc. London B. 269: 1911-1918. Pdf
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  Blochmannia endosymbionts improve colony growth and immune defence 
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  - de Souza, D. J., D. Depoix, J. Lesobre and A. Lenoir (2006). Camponotus 
  fellah (Formicidae : Formicinae) et son endosymbionte, Candidatus Blochmannia. 
  Union internationale pour l’étude des insectes sociaux – 
  section française. Colloque annuel. Avignon – 24-27 avril 2006: 
  62. Pdf 
  
  - de 
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  Comptes Rendus Biologie 334: 737-741. Pdf 
  
  - Errard, C., F. Ruano, F.-J. Richard, A. Lenoir, A. Tinaut and A. Hefetz (2006). 
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  Chemoecology. 16: 235-240. Pdf
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  - Lenoir, A., R. Boulay, A. Dejean, A. Touchard and V. Cuvillier-Hot (2016). 
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  Research 23(16): 16865-16872. DOI: 10.1007/s11356-016-7141-z Pdf
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  - Sanllorente, O., J. Vela, P. Mora, T. Palomeque, A. Lenoir and P. Lorite (2015). 
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  des Insectes Sociaux, Tours 26-28 août. Tours: 127. Pdf
Autres références
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  arrhénotoque chez la fourmi Cataglyphis cursor Fonsc. (Hym., Form.). 
  Cycle biologique en élevage des colonies avec reine et des colonies sans 
  reine. Insectes Sociaux. 26: 51-60. 
  - Kupper, 
  M., C. Stigloher, H. Feldhaar and R. Gross (2016). Distribution of the obligate 
  endosymbiont Blochmannia floridanus and expression analysis of putative immune 
  genes in ovaries of the carpenter ant Camponotus floridanus. Arthropod Structure 
  & Development. http://dx.doi.org/10.1016/j.asd.2016.09.004
  - Santamaria, S. and X. Espadaler (2015). Rickia lenoirii, a new ectoparasitic 
  species, with comments on world Laboulbeniales associated with ants. Mycoscience. 
  56: 224-229. 
  - Verron, H. (1977). Note sur la manifestation de traits éthologiques 
  distinctifs chez les ouvrières de Lasius niger (Hyménoptère, 
  Formicidae) dans un comportement de transport de matériaux. C. R. Hebd. 
  Sean. Acad. Sci. Ser. D. Sci. Nat. 285: 419-421. 
  - Verron, H. and S. Barreau (1974). Une technique de marquage des insectes de 
  petite taille. Bulletin Biologique de la France et de la Belgique. 108: 259-262.