Les émotions cachées des plantes
Alain Lenoir Mis à jour 26-Mar-2021
de Didier Van Cauwelaert, Plon (2018).
Bon, on va de plus en plus loin, depuis la télépathie entre les plantes et l'homme, à l'empathie et la compassion, le chagrin des plantes, etc. Sans doute des choses intéressantes mais soyons prudents !!
Quelques
pages sur les fourmis ou autres :
- Fourmis
et Acacia cornigera
au Mexique (p. 109-110) : l'arbre est défendu contre les chenilles, papillons
ou coccinelles et en échange les fourmis déposent des larves d'insectes
dans les cavités, larves qui sont absorbées par l'arbre. En échange
l'arbre émet une odeur répulsive qui éloigne les oiseaux
amateurs de larves de fourmis.
" Prenons l'acacia. Une de ses variétés issues du Mexique,
Acacia cornigera, présente la particularité d'offrir aux fourmis
le gîte et le couvert. Cet hôte végétal leur propose,
dans chacune de ses épines creuses, un deux pièces séparé
par une cloison : la suite parentale et la nursery. Et l'extrémité
de ses feuilles sécrète une substance riche en protéines,
idéale pour nourrir les bébés fourmis. En échange,
les fourmis assurent le gardiennage de l'acacia, le défendant avec une
vigueur martiale contre tout attaquant, chenille, papillon ou coccinelle. Il
arrive même que des fourmis partent à la chasse pour nourrir la
plante qui les héberge. Notamment quand celle-ci, poussant loin du sol
dans les cimes de la forêt tropicale pour y trouver de la lumière,
a du mal à assurer toute seule son alimentation. Alors, les fourmis résidentes
déposent des larves d'insectes au fond des cavités creusées
dans les tiges de leur hôtesse. Les botanistes, en rendant ces larves
radioactives, ont pu suivre à la trace leur processus d'absorption par
les tissus végétaux. En échange de cette nourriture livrée
à domicile, la plante émet une odeur répulsive pour éloigner
les oiseaux raffolant des larves de fourmis. Ainsi la boucle est-elle bouclée,
à la satisfaction de chacun." (p.109)
- Les myxomycètes (p. 154-156).
Ce sont les blobs
Le myxomycète "peut accomplir une prouesse dont l'homme est
rarement capable : trouver du premier coup la sortie d'un labyrinthe. C'est
le Japonais Toshiyuki Nakagaki, biologiste à l'université d'Hokkaido,
qui a eu l'idée en 2000 de faire effectuer à cette créature
inclassable un test d'orientation. Réussite immédiate, reproductible,
infaillible. Simplement, il convient de fournir une motivation au myxomycète.
Une bonne raison de vouloir trouver la sortie. Dès lors, on le verra
prendre une décision, se mettre en recherche d'efficacité et se
donner les moyens de son but. « D'ordinaire, on assimile l'intelligence
à la présence d'un cerveau, rappelle l'ethnologue Jeremy Narby,
auteur d'Intelligence dans la nature. Et les cerveaux sont constitués
de cellules. Mais dans ce cas, une seule cellule se conduit comme si elle avait
un cerveau. » Nakagaki est passionné depuis longtemps par les myxomycètes.
Il les élève avec amour, il les connaît par coeur, il a
découvert au fil du temps leur nourriture favorite : des flocons d'avoine.
Ce qu'il apprécie particulièrement chez eux ? Ce sont des unicellulaires
multiples : ils ont la faculté de se fondre les uns les autres pour former
une seule cellule géante avec des millions de noyaux, cellule qui peut
atteindre la taille d'une main hu-maine. Ils se déplacent lentement,
et absorbent la nourriture qu'ils trouvent sur leur chemin. Le chercheur japonais
a donc disposé un myxomycète au coeur d'un labyrinthe, et placé
à la sortie une ration de flocons d'avoine. Il a alors observé
ce phénomène subtil : le sujet décide de s'étirer
par sporulation jusqu'à remplir tout l'espace disponible. C'est-à-dire
qu'il se reproduit en balançant tous azimuts des spores, qui vont germer
sous la forme d'amibes, avant de se rejoindre pour ne former qu'une seule entité.
Comme s'il s'agissait d'« explorer » les lieux, de prendre la mesure
du problème. Alors s'effectue la deuxième phase : le myxomycète
se retire des impasses du labyrinthe en contractant son corps qui, tel un tube
flexible, ne se déplacera plus qu'en direction de la sortie où
se trouve la nourriture. « Ce processus remarquable de calcul implique
que la matière cellulaire peut faire preuve d'une intelligence primitive,
en déduit Nakagaki. Je suis bien obligé de reconnaître l'ingéniosité
et l'astuce extrêmes de cet organisme. » Ses résultats ont
été publiés en 2000 dans la plus célèbre
revue scientifique du monde, Nature. Avec son collègue Yamada, il n'avait
pas hésité à employer le mot « intelligence »
dans la conclusion. Leur coauteur hongrois, Toth, avait prudemment suggéré
de le supprimer. Mais le comité de lecture de Nature a bel et bien publié
l'article avec le mot « intelligence » associé à une
moisissure visqueuse, ce qui a fait un certain bruit dans la communauté
scientifique. Levée de boucliers habituelle des savants « orthodoxes
» contre celui qui découvre ce qu'ils n'ont même pas eu l'idée
de chercher.
Mais Nakagaki n'en démord pas : son myxomycète trouve la solution
du labyrinthe avec 100 % de réussite. « Ce qui implique la présence,
dans cet organisme unicellulaire, d'un algorithme et d'une haute capacité
de computation, souligne-t-il. Or il n'a pas d'unité de traitement centrale
comme un cerveau. L'évaluation se passe dans des parties qui sont parallèles
ou couplées entre elles. Ce système est pour nous un défi
à la compréhension. » Quoi qu'il en soit, cette moisissure
se déplace, à la vitesse moyenne de deux centimètres et
demi par jour, grâce à des vagues de contraction, lesquelles se
propagent par des « interactions spatiales de diffusion ». Procédé
similaire à celui qu'utilisent les plantes grimpantes à vrilles
: même capacité de localisation, même technique d'exploration
spatiale - hormis la reproduction par spores. Dans les deux cas, des films passés
en vitesse accélérée mettent en évidence l'évaluation
du but et la précision avec laquelle celui-ci est atteint, aussi bien
par le myxomycète que par la passiflore. Deux organismes semblant situés
aux antipodes de la nature, mais qui ont la faculté d'exercer des talents
que nous ne possé-dons plus guère, comme la perception à
distance en dehors des cinq sens habituels, associée à une maîtrise
parfaite de l'environnement."
- Rémy Chauvin parle des travaux du phélobologue bordelais Jean Barry pour ses travaux sur les effets de la pensée sur la croissance des plantes comme "le cadet de Gascogne de la parapsychologie" : "le Dr Jean Barry, célèbre phlébologue bordelais, qui consacra une étude impressionnante aux effets de la pensée sur la croissance des plantes. Sa publication en 1993 dans Recherche technologie île-de-France, ou-vrage dirigé par le ministère de l'Enseignement supérieur, lui valut dans les milieux universitaires la haine des rationalistes et l'amitié admirative du Pr Rémy Chauvin, qui le surnomma du haut de sa chaire en Sorbonne « le Cadet de Gascogne de la parapsychologie ». Pour l'un comme pour l'autre, les phénomènes hâtivement qualifiés d'« irrationnels » ne demandent qu'à être compris dans un cadre scientifique." (p.63-64).
- Passiflore
et héliconius (p.110-111) (voir Plantes
et fourmis) :
"Mais il est un cas de figure encore plus saisissant, c'est celui où
la plante développe une action solidaire au bénéfice d'un
de ses prédateurs, dont elle a su maîtriser les nuisances tout
en récupérant à son profit l'énergie qu'elle a puisée
dans son processus de riposte. C'est la fascinante histoire de la passiflore
et du papillon héliconius. Au sein de leurs cinq cents espèces
respectives, depuis des dizaines de millions d'années, leur numéro
de duettistes fonctionne de la même manière... Premier temps :
le lépidoptère pond ses oeufs sur les plus jeunes feuilles de
la plante grimpante, afin que ses chenilles trouvent en naissant une nourriture
encore comestible. Donc, la passiflore, si elle se laisse faire, va perdre ses
nouvelles pousses et ne sera plus à même de lan-cer ses vrilles
à l'assaut des supports voisins en vue d'épanouir ses fleurs.
Alors, pour tromper le papillon, elle déguise ses jeunes feuilles en
leur donnant la forme de celles de certaines plantes auxquelles elle s'agrippe
pour grimper. Des feuilles dont elle choisit l'apparence en fonction d'un critère
invariable : elles ne sont pas digérables par les chenilles de l'héliconius,
qui le sait. Une fois parvenue au stade de lumière idéale, en
haut de ses tuteurs, la passiflore fabrique ensuite ses vraies feuilles, lesquelles
sécrètent une substance dont raffolent les fourmis. Celles-ci,
dès lors, avec leur redoutable agressivité, vont empêcher
le papillon de venir pondre dans leur assiette. Sauf
que... au fil des siècles, l'héliconius a su percer le stratagème
et le contrer. Une de ses paires de pattes, nous explique Jean-Marie Pelt dans
La Raison du plus faible, est devenue chimiquement sensible aux feuilles de
passiflore, qu'il est donc désormais capable de reconnaître en
dépit de leur camouflage. Comment la plante va-t-elle réagir à
cette perte d'incognito ? En dotant ses feuilles de petites boules jaunes simulant
à la perfection les oeufs de ce papillon. L'arrivant croit donc qu'un
de ses congénères l'a pris de vitesse, et il va pondre ailleurs,
pour éviter la surpopulation qui priverait sa progéniture d'une
nourriture suffisante. Ailleurs, c'est-à-dire sur l'une des feuilles
« libres » que lui laisse la passiflore, prête à sacrifier,
semble-t-il, un certain nombre de ses jeunes pousses dès lors que son
développement global n'est plus menacé."
- La
danse en 8 des abeilles (p.122) Voir
plus sur la danse
"Nous ne sommes qu'au début du décryptage de ce formidable
langage des plantes. Le prix Nobel de médecine Karl von Frisch, dans
un autre domaine, a mis quarante ans à percer les mystères de
la communication chez les abeilles, notamment cette danse en 8 par laquelle
les exploratrices indiquent avec une précision implacable, autour d'un
axe figurant la position du Soleil, l'emplacement et la distance des nouvelles
fleurs qu'elles ont repérées. La totale incrédulité
que l'éthologue autrichien a suscitée dans la communauté
scientifique, avant que la réalité de ce langage ne soit prouvée
de manière indéniable par la robotique(1), est à la hauteur
de celle essuyée par Charles Darwin avec certaines de ses observations
botaniques. Le langage des abeilles est d'une extraordinaire intelligence, mais
il n'est destiné qu'à la communication au sein de leur espèce.
Les plantes, elles, savent parler aussi aux insectes, attirant d'éventuels
partenaires, envoyant des messages personnels à leurs agresseurs ou s'adressant
directement aux prédateurs de ceux-ci pour qu'ils les en débarrassent.
(1) En 1992, Axel Michelsen, de l'université d'Odense au Danemark, a
construit une abeille artificielle en cuivre, reliée à un ordinateur
et téléguidée par un logiciel. Enduit de cire pour être
accepté par la colonie, ce mini-robot, muni d'ailes en lames de rasoir,
a reproduit la danse frétillante des exploratrices. Ainsi, sur le principe
du GPS, il a communiqué aux butineuses des indications de direction et
de distance que, miracle ! elles ont suivies à la lettre."