Intelligence collective - Stigmergie

 

Alain Lenoir mis à jour 11-Déc-2022

C'est P.-P. Grassé qui a parlé pour le première fois de stigmergie en 1959.
Dès les années 2000, Eric Bonabeau et Guy Théraulaz 2000a, 2000b) travaillent sur l'intelligence en essaim avec des robots.

Découverte de la stigmergie en 1959 (Piazza 2018) :

Selon Pouydebat (2017) l'intelligence collective se rencontre chez de très nombreuses espèces allant des bactéries aux oiseaux en passant par les insectes et les poissons.

Selon Guy Théraulaz "certains groupes d’animaux ont la capacité de prendre collectivement de bonnes décisions, et ce, de façon décentralisée, sans chef d’orchestre. Les termites, par exemple, construisent des nids d’une remarquable complexité sans plan d’ensemble. Certaines abeilles peuvent s’agencer spontanément en s’agrippant les unes aux autres et constituer des rideaux ondulants pour faire fuir des prédateurs, sans tambour ni chorégraphe. Des amibes peuvent s’associer pour former une sorte de grosse limace mouvante, tandis que des oiseaux, comme les étourneaux, peuvent se réunir et former de très grands groupes dont les danses aériennes permettent à la fois d’éviter les prédateurs et de décider collectivement de l’endroit où passer la nuit." (Thivent 2018). Audrey Dussutour travaille aussi sur l'intelligence collective des fourmis qui forment des pistes où il n'y a jamais de bouchons. Les fourmis, voyant que la route est pleine, rebroussent chemin ou attendent patiemment que la densité diminue pour s’engager. C’est pour ça qu’on n’est pas arrivé à 100?% de densité”, observe Audrey Dussutour, chercheuse au CNRS qui a co-dirigé l’étude. “Jusqu’à présent, on n’avait jamais fait une étude sur une si grande masse de fourmis, avec jusqu’à 40?% de la surface d’une route recouverte, détaille-t-elle, chez les piétons, ce serait la catastrophe.” Les humains, comme la plupart des autres organismes vivants, sont contraints de ralentir lorsqu’ils deviennent trop nombreux sur la même trajectoire. “À plus de trois personnes au mètre carré on n’avance pas”, explique Audrey Dussutour. (Voir plus).


Dans À quoi pensent les abeilles ? de Mathieu Lihoreau voir
- Automates et décisions collectives. Michel Krieger et Laurent Keller ont créé une colonie de robots non programmés pour la collecte collective d'aliments. Ils ont observé que ces robots développent un système d'approvisionnement collectif (p.142). Jean-Louis Deneubourg qui "n'est pas (totalement) fou)" a fait une expérience comparable avec la peur de la lumière chez les blattes et Mathieu a repris ces expériences à Rennes (p.143).
- La sagesse de l'essaim : "l'intelligence collective peut être supérieure à la somme des intelligences individuelles". Jean-Louis Deneubourg et ses collaborateurs "ont réalisé de nombreuses expériences pour décrire comment cette sagesse collective pouvait émerger de comportements individuels très simples dans les colonies de fourmis." (p.132

Encore un bel article de nos collègues de Toulouse sur le comportement alimentaire des fourmis d'Argentine en relation avec les décisions collectives (Csata, et al 2019, voir  Adrien 2019).

Une autre approche apparait chez les physiciens qui considèrent le groupe non plus comme un ensemble d'individus, mais comme une entité globale. Ils ont testé cela sur des marathons. Guy Théraulaz salue cette initiative et rêve "de faire converger les deux approches" (Herzberg 2019).

Selon Sciences et Avenir (2019) "Thomas Bochynek de l'université Northwestern aux Etats-Unis et ses collègues ont observé des fourmis coupe-feuille sud-américaines, in situ et en laboratoire, puis ils ont modélisé leur action. Ils ont ainsi découvert qu'il n'y avait pas de répartition des tâches, pas de superviseur et pas non plus de coordination. Chaque fourmi résout comme elle l'entend les problèmes qu'elle rencontre et c'est la somme de toutes ces actions individuelles qui leur permet de bâtir les sentiers. Les fourmis "agissent uniquement en fonction de leur propre perception des obstacles", précise l'étude. "C'est surprenant, car les comportements collectifs s'organisent souvent en communiquant", explique à l'AFP Thomas Bochynek." C'est très surprenant.

L'intelligence collective est maintenant utilisée par les spécialistes de la communication dans les groupes, entreprises où la direction est toujours hiérarchique et qu'il faudrait faire évoluer vers une nouvelle forme de collaboration. On citera par exemple Olivier Piazza qui découvre la stigmergie (2018, voir pages). Il existe un "algorithme d’optimisation de la colonie de fourmis" ? (ant colony optimization, ou ACO). Ce sont des algorithmes inspirés du comportement des fourmis, ou d'autres espèces formant un superorganisme. Et maintenant il y a un marché de ces algorithmes avec études de rentabilité... Voir Wikipedia ACO.

ROBOTIQUE, DIAGNOSTIC : Des microparticules qui ensemble font de grandes choses. santelog.com 10 déc 2022.
"Ces bioingénieurs du Massachusetts Institute of Technologie (MIT, Cambridge) font travailler ensemble, comme une armée de fourmis, de simples microparticules, qui coordonnées induisent un comportement de groupe puissant, nommé « comportement émergent à l'échelle microscopique ». Ces travaux, publiés dans la revue Nature Communications, montrent qu’il est possible de faire battre ensemble et en rythme ces microparticules, de générer ainsi un courant électrique oscillant suffisamment puissant pour alimenter des dispositifs microrobotiques utilisés comme capteurs pour surveiller certains biomarqueurs ou encore la qualité de l’eau.
Le comportement émergent, un phénomène naturel : la nature inspire une nouvelle fois ce développement. En effet ce phénomène peut être observé dans la nature où des colonies d'insectes tels que des fourmis et des abeilles accomplissent des exploits qu'un seul membre du groupe ne serait jamais capable de réaliser :
« Les fourmis ont un cerveau minuscule et elles effectuent des tâches cognitives très simples, mais collectivement, elles peuvent faire des choses incroyables. Les physiciens et les ingénieurs cherchent à comprendre ces mécanismes qui permettent d’accomplir collectivement des tâches complexes »"

Le Dr Nozman fait de belles vidéo Youtube, et par exemple sur l'intelligence des animaux où il constate que "la fourmi seule n'est pas super intelligente" .

Voir
- Adrien (2019) Une intelligence collective face aux défis nutritionnels chez les fourmis. Techno-Science.net, 18 décembre 2019. Lien
- Csata, E., J. Gautrais, A. Bach, J. Blanchet, J. Ferrante, F. Fournier, T. Lévesque, S. J. Simpson and A. Dussutour (2019) Ant Foragers Compensate for the Nutritional Deficiencies in the Colony. Current Biology. 10.1016/j.cub.2019.11.019.
- Dr Nozman (2018). LES ANIMAUX PEUVENT PARLER NOTRE LANGUE ? Vrai ou Faux #58. 19 janvier 2018. Fourmis à partir de 2'52
- Bonabeau, E. and G. Théraulaz (2000). Swarm smarts. Scientific american. March 2000. 54-61.
- Bonabeau, E. and G. Théraulaz (2000). L'intelligence en essaim. Pour la Science. 271. 66-73. Pdf
- Herzberg, N. (2019). La foule, telle un long fleuve tranquille. Le Monde Science et Médecine 9 janvier 2019. Pdf
- Piazza, O. (2018). Découvrir l'intelligence collective, Intereditions. 176p. Pdf 
- Pouydebat, E. (2017). L'intelligence animale, Odile Jacob. 212p. p.145-7
- Science et Avenir (2019) Les fourmis bâtisseuses de sentiers travaillent sans communiquer. Science et Avenir, 24 janvier 2019, p. https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/arthropodes/les-fourmis-coupe-feuille-travaillent-sans-communiquer_130959. Pdf
- Thivent, V. (2018) Guy Theraulaz, le père de la 4G qui étudie les fourmis. http://thegoodlife.thegoodhub.com/2018/01/19/guy-theraulaz-le-pere-de-la-4g-qui-etudie-les-fourmis/ Pdf

- Bochynek, T., M. Burd, C. Kleineidam and B. Meyer (2019). Infrastructure construction without information exchange: the trail clearing mechanism in Atta leafcutter ants. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences 286(1895): 20182539. 10.1098/rspb.2018.2539