Myrmécophages : prédateurs de fourmis
Alain Lenoir mis à jour 28-Jul-2022
Sont qualifiés de myrmécophages les animaux qui se nourrissent exclusivement ou en majeure partie de fourmis. Selon le Larousse "Se dit d'un animal qui se nourrit de fourmis". Il y a aussi des plantes carnivores qui mangent des fourmis.
Exemples :
-
L'ours dans
les forêts d'Europe du nord et d'Amérique du nord mange beaucoup
de fourmis, en particulier les fourmis rousses. Voir Ours
et fourmis
- les fourmiliers (pangolins)
et tamanoirs sont de grands consommateurs de fourmis. Selon F. Osborn (1949)
"Le monde animal est riche en exemples d'animaux dont certains touchent
au grotesque, comme le grand fourmilier, le paresseux, la girafe et l'hippopotame."
(p36).
- l'oryctérope en Afrique est un animal nocturne et solitaire, qui quitte
sa tanière chaque nuit pour se lancer à la chasse aux insectes.
Les fourmis et les termites sont parmi ses mets favoris. Il peut manger jusqu'à
50 000 fourmis en une seule chasse.
- Il y a 60 millions d'années s'est produite la 5ème extinction
à la suite de la chute d'une météorite, provoquant la disparition
de 80% des espèces dont les dinosaures et la plupart des serpents. Ceux
qui ont survécu étaient entre autre les espèces souterraines
qui se nourrissent de fourmis ou de termites qui avaient tout sur place (Herzberg
2021).
Lézards
:
J'ai eu l'occasion d'observer en Touraine un lézard des murailles se
poster à proximité immédiate d'une piste de Lasius
niger et en gober de tout son sou sans les perturber. La projection de
la langue est si rapide que la fourmi n'a pas le temps d'émettre un signal
d'alarme. Quand le lézard est bien repu, il s'en va tranquillement.
Le lézard cornu (Phrynosoma cornutum) au Texas est menacé.
Il se nourrit presque eclusivement de la fourmi moissoneuse Pogonomyrmex
barbatus qui est contaminée par du plomb du sol, ce qui est un danger
(Burgess et al 2018).
Les araignées sont de grandes prédatrices de fourmis et de nombreux insectes et même certaines d'entre elles sont exclusivement myrmécophages (voir Fourmis-Araignées).
Insectes
:
La larve de beaucoup d'espèces de fourmilions
creuse un piège en forme d'entonnoir où tombent les fourmis.
Quelques lépidoptères ont des chenilles myrmécophages sécrétant
une phéromone qui fait que les fourmis prennent la larve pour une des
leurs. Les chenilles sont alors emportées dans le nid où elles
sont soignées par les fourmis et se nourrissent de leurs larves. Les
larves peuvent alors être nourries par les fourmis mais dans certains
cas elles vont manger les larves de la fourmi hôte. C'est le cas de plusieurs
espèces d'Azurés du genre Phenagris (anciennement Maculinea)
comme P. nausithous, P. alcon, P. rebeli.
En Nouvelle-Zélande les colons ont introduits de nombreuses espèces comme la guêpe Vespula vulgaris qui attaque les fourmis Prolasius advenus (Sciences et Avenir mai 2011).
Une
punaise prédatrice de fourmis
"Originaire de Malaisie, Acanthaspis petax est une redoutable prédatrice.
Mesurant environ un centimètre de long, cette punaise propose en effet
une technique de chasse mortelle, utilisant sa longue trompe pour percer le
corps de ses proies – souvent des fourmis – pour y injecter de la
salive contenant un agent paralysant et des enzymes. Le but : dissoudre les
tissus pour mieux les aspirer.
Mais ce n’est
pas tout. Acanthaspis petax ramasse ensuite les cadavres de ses victimes, essentiellement
des exosquelettes creux, pour les mettre sur son dos. Collés ensemble
grâce à de la salive, ils forment parfois une masse plus grosse
que la punaise elle-même."
(Louvet 2020).
- En Amérique du sud certains oiseaux suivent les raids de fourmis légionnaires Eciton et capturent les insectes et autres animaux qui essaient de leur échapper. C'est le cas par exemple du Momot roux (Baryphthengus martii) qui a deux populations, l'une du Nicaragua à l'ouest de l'Equateur, l'autre dans le bassin occidental de l'Amazone. Les fourmiliers ont la même technique, c'est le cas du fourmilier maculé (Phlegopsis nigromaculata) qui vit aussi en Amazonie; du fourmilier ocellé (Phaenostictus macleannani) d'Amérique centrale.
La chouette chevêche mange toutes sortes d'animaux, y compris des fourmis (La hulotte n° 105).
Le coq aussi aime les fourmis dans Anthony, L'as des fourmis :
Les
pics
En Europe des oiseaux à longue langue poisseuse mangent les fourmis rousses
des bois. Par exemple le torcol fourmilier (Jynx toquilla). Les pics
creusent l'écorce des arbres pour manger les insectes. Le pic épeiche
(Dendrocopus major) ou le pic épeichette (D. minor)
peuvent ainsi manger des petites fourmis Temnothorax parasitées
par un ténia et devenir ainsi parasités.
L e Pic vert parfois appelé Pivert, Picus viridis, oiseau insectivore,
se nourrit entre autres de fourmis et de leurs larves.
"Le
pic vert mange surtout des fourmis Lasius, Formica
(rufa et pratensis) et myrmicines. Sur le continent elles
formeraient près de 99% de sa nourriture tandis qu'en Angleterre ce pic
prend plutôt des insectes et larves xylophages." (Géroudet
1951).
"Bien qu'il soit très arboricole, ce n'est pas dans le bois
que le Pic vert recherche sa nourriture. Il se nourrit au sol qu'il parcourt
en sautillant à la recherche des fourmilières. En effet, l'essentiel
de son alimentation consiste en fourmis et leurs larves qu'il extirpe du sol
avec sa longue langue collante, garnie de petits crochets à son extrémité
et très tactile. C'est une arme extraordinaire qui peut se glisser dans
les galeries du sol pour harponner les proies qui s'y trouvent. Le pic creuse
d'abord le sol du bec pour accéder aux galeries des fourmis, y compris
l'hiver quand le sol est gelé en surface. Il peut aussi traverser la
couche de neige pour accéder au sol. On a souvent l'occasion de voir
en forêt le résultat de son travail sur les fourmilières
de Formica rufa (gros dômes de brindilles) qu'il perce profondément
pour accéder aux insectes. Le Pic noir d'ailleurs en fait autant. Dans
une bien moindre mesure, il peut fouiller le bois pourri pour y trouver des
larves xylophages. Il complète son régime avec divers invertébrés
(vers de terre, petits mollusques, divers insectes), mais aussi avec des fruits
(pommes, cerises, etc.), beaucoup plus rarement des graines." (oiseaux.net).
Les pics sont les hôtes définitifs de cestodes
parasites qui transitent par des fourmis et sont mangés par les oiseaux.
Dans Les
bêtes ont leur secret, de Jacques Trémolin, Grasset 1977-78
et Hachette 1982-86. Poche 1986. Voir Pic-vert.
Au Costa Rica Melanerpes formicivorus est un pic qui mange des fourmis
Le faucon repère une fourmi à 18 mètres de haut (dans "Dico animaux" de Raphaël Fejtö, L'école des loisirs).
Fourmis
myrmécophages. Elles ne sont pas nombreuses, ce sont
des fourmis "voleuses" (Thief ants) ou cleptoparasites.
- La première fourmi voleuse décrite est Solenopsis
fugax. C'est une toute petite fourmi (2mm) qui vit à côté
des nids d'autres fourmis et usant d'armes chimiques. Elle pénètre
dans leurs nids pour voler le couvain. C'est une prédatrice très
efficace (voir Solenopsis)
- Ooceraea (Cerapachys) biroi, la fourmi clonale du Japon qui fait
des raids dans des nids d'autres espèces et mange leur couvain.
Fourmis
prédatrices d'autres fourmis
Formica
archboldi sont prédatrices d'Odontomachus en Floride en
utilisant l'acide formique pour les tuer. Elles "collectionnent" les
têtes vides de leurs victimes. Elles ont la même odeur que leurs
proies (hydrocarbures cuticulaires), ce qui leur permet de passer inaperçues
(Smith 2018, voir dailygeekshow.com 2018 et I. El Hajj 2019). Dans l'Odyssée
des fourmis (Dussutour et Wystrach 2022, p.341) l'appellent "Fourmi barbe-bleue".
Et quelques perles comme celle-ci : "En Floride, Les Fourmis Utilisent
Les Espèces Les Crânes D’Autres Fourmis Pour Décorer
Leurs Nids" (victoriadroit.com18 nov 18). Voir aussi Science
& Avenir du 22 novembre 2018 où la rédactrice parle de
"profil hydrocarburique cuticulaire" (Tassart 2018) et Science et
Vie de février 2019.
Voir plus sur cette
espèce, la fourmi barbe-bleue dans L'Odyssée
des fourmis, par Audrey Dussutour et Antoine Wystrach (2022) (p.341).
Dans L'essentiel de la Science n°54, Sept-Oct-Nov 2021. Tromperie
chez la fourmi.
Voir
- Burgess, R., R. Davis and D. Edwards (2018). Lead bioaccumulation in Texas
Harvester Ants (Pogonomyrmex barbatus) and toxicological implications for Texas
Horned Lizard (Phrynosoma cornutum) populations of Bexar County, Texas. Environmental
Science and Pollution Research 25(8): 8012-8026. 10.1007/s11356-017-1134-4
- Dailygeekshow
(2018) Ces fourmis terrifiantes décapitent leurs victimes afin de collectionner
leurs têtes. Dailygeekshow.com, 21 novembre 2018, p. https://dailygeekshow.com/fourmi-formica-archboldi-crane-proie-collection/
Avec vidéo
Pdf
- Dussutour, A. and A. Wystrach (2022). L'Odyssée des fourmis, Grasset.
- Géroudet P. (1951). Les passereaux I Du coucou aux corvidés,
Delachaux et Niestlé
-
Herzberg, N. (2021). L'extinction qui dopa les serpents. Le Monde 22 septembre
2021. p.29.
- I. El Hajj, M. (2019). La ruse des amatrices de crânes élucidée.
Science & Vie n° 1217, Février 2019: p. 19. Pdf
- La hulotte (2017). La chevêche. La hulotte n°105
- Louvet,
B. (2020) Cette punaise porte les cadavres de ses victimes pour mieux se camoufler.
sciencepost 21 décembre 2020. Lien
- Osborn, F. (1949-2008). La planète au pillage. Préface de Pierre
Rabhi, Actes Sud. 218p.
- Smith,
A. A. (2018). Prey specialization and chemical mimicry between Formica archboldi
and Odontomachus ants. Insectes Sociaux in press. doi.org/10.1007/s00040-018-0675-y
- Tassart, A.-S. (2018) Le secret de ces fourmis qui dispersent la tête
de leur proie dans le nid. Science et Avenir, 22 novembre 2018, p. https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/arthropodes/le-secret-de-des-fourmis-formica-archboldi_129559
Lien
- http://www.oiseaux.net/oiseaux/pic.vert.html. Vu le 27 octobre 2017.