Formicage (anting)
Alain Lenoir Mis à jour 27-Jui-2022
En Europe, on récupérait autrefois l'acide formique produit par les fourmis rousses. Cet acide était un élément essentiel de la pharmacopée du 18 et du 19ème siècle. On lui attribuait de nombreuses vertus et notamment aphrodisiaques. Bien sûr la plupart de ces effets pharmacologiques se révélèrent faux. Cependant les effets de l'acide formique sont bien connus des étourneaux et autres passereaux qui pratiquent le bain de fourmis ou formicage pour se débarrasser de leurs parasites. Il y a de nombreuses vidéos sur Youtube. Ne pas utiliser le terme Formication qui parle des fourmillements dans les membres.
Selon Octave Larmagnac-Matheron
(09 décembre 2021 - Lien)
une corneille vient d'être photographiée au Canada. "En 1831,
l’ornithologue Jean-Jacques Audubon en faisait la description chez des
dindons sauvages se roulant dans des fourmilières." "Le biologiste
et philosophe Richard Dawkins s’est intéressé à la
question de la formication. Plus précisément, il constate qu’elle
est au centre d’un paradoxe propre à la science moderne : nous
sommes incapables, dans l’état actuel des choses, de déterminer
le sens de ce comportement… mais nous savons que ce comportement a un
sens. « Personne n’est certain des bénéfices de la
formication, écrit-il dans The God Delusion (Pour en finir avec Dieu,
Robert Laffont, 2008). Mais l’incertitude dans le détail ne doit
pas empêcher les darwiniens de considérer en toute confiance que
la formication doit “servir” à quelque chose. […] La
sélection naturelle punit le gaspillage de temps et d’énergie.
Or, on observe que les oiseaux consacrent du temps et de l’énergie
à la formication. […] Si le bain de fourmis n’était
pas positivement utile pour la survie et la reproduction, la sélection
naturelle aurait depuis longtemps favorisé les individus qui réfrènent
ce comportement. »
La position de Richard Dawkins a évidemment une certaine force de conviction.
Mais en raison de son positivisme intransigeant, elle a aussi suscité
de vives critiques – y compris sur le point spécifique de la formication.
Le principal problème de la thèse, c’est qu’elle rabat
tout comportement animal sur une signification univoque, réductible grosso
modo à sa formulation dans un discours humain sur l’utilité.
Autrement dit, cette thèse ne laisse aucune place à la manière
dont l’animal interprète sa propre action. Cette barrière
est sans doute impossible à franchir : nous ne saurons jamais quel sens
l’animal donne à son comportement. De ce point de vue, Richard
Dawkins a, en tant que scientifique, raison de ne pas s’en préoccuper.
Mais il a sans doute tort de faire comme si cet espace interprétatif
n’entrait pas en compte dans la vie de l’animal, en y introduisant
du tâtonnement, de l’indétermination, et un certain flottement
dans le règne uniforme de l’utilité. Si le bain de fourmis
reste un mystère, peut-être est-ce parce qu’il l’est
aussi, en partie, pour les oiseaux eux-mêmes qui s’y adonnent."
Voir une petite séquence dans le film "Au royaume des fourmis" avec des geais et des corbeaux qui se font asperger par de l'acide formique de Formica (lien vers le film)
Le chêne, film documentaire de Laurent Charbonnier et Michel Seydoux (2022) avec une séance de formicage d'un geai.
Un exemple récent, celui du macareux moine connu pour faire du formicage qui utilise aussi des bâtons pour se gratter. L'utilisation d'outils n'est connue que chez les chimpanzés et très peu d'autres espèces (Fayet et al 2019). Voir Outil chez l'animal
Automédication chez les macaques de Madagascar qui se toilletent avec l'acide formique (Primates, la force du clan. France2, 17 oct 2020)
Un photographe a immortalisé une scène rare d’un corbeau prenant un bain de fourmis, par Cyril R., le 11 juin 2022, sain-et-naturel.ouest-france
Dans Par la force des arbres d'Edouard Cortès ( 2020 ) : "Mon geai ou mon couple de mésanges bleues savent habilement en tirer parti. Ils sont adeptes du formicage (ne pas se tromper entre le m et le n). Quand quelques parasites les démangent, ils se placent sur la fourmilière, faisant mine de l'attaquer, le torse en avant et les ailes écartées. Les fourmis en danger forment leurs bataillons et projettent un jet d'acide formique. Le feinteur s'en réjouit et étale sur son plumage le liquide qui sert d'insecticide. Les bains de fourmis aussi revigorants que les bains de forêt."
Voir
- Fayet, A. L., E. S. Hansen and D. Biro (2019). Evidence of tool use in a seabird.
Proceedings of the National Academy of Sciences: 201918060. 10.1073/pnas.1918060117