Melissotarsus

Alain Lenoir Mis à jour 19-Fév-2022

Melissotarsus titubans a été décrite par Bernadette Delage-Darchen (1972) en Côte d'Ivoire. Cette Fourmi vit dans l'épaisseur des écorces d'arbres de la forêt galerie où elle creuse des galeries, ce qui use ses mandibules. Elle ne sort pas à la surface des troncs, mais se nourrit en exploitant des petites cochenilles qui lui semblent inféodées (Dejean et Mony 1991, Peeters et al 2017). Elle marche d'une façon inconnue chez les autres fourmis. Les pattes avant et arrière assurent le déplacement sur le plancher des galeries, tandis que les pattes médianes sont tenues relevées et tâtent le plafond. En l'absence de plafond accessible, ces fourmis sont dans l'incapacité de se mouvoir correctement (Khalife et al 2018, Yong et al 2019). Voir le blog de B. Wittwer (Insectes sociaux 2019)

"Avec ses 2 millimètres, Melissotarsus est l'une des plus petites fourmis de la planète et elle vit à l'intérieur des arbres. Melissotarsus, minuscule fourmi de 2 millimètres est étonnante : elle est aveugle, vit en symbiose avec une espèce de cochenille dans l'intérieur des arbres où elle vit en autosuffisance. Melissotarsus est si bien adaptée à cette vie en galerie qu'il est devenu impossible pour elle de vivre à l'extérieur."
France Inter, La une de la science par Axel Villard le 4 septembre 2018, avec Christian Peeters, Institut d'Ecologie et Sciences de l'Environnement CNRS/Université Sorbonne. Réécouter l'émission. Voir aussi l'article du Figaro (Nothias 2018), un article dans Science et un autre dans Frontiers in Zoology.

Une lettre de Christian Peeters à Bernadette Darchen (4 février 2020) : "Très vite je suis devenu accro à cette fourmi extraordinaire. Trois missions en Afrique du Sud m'ont permis d'explorer plusieurs aspects de leur mutualisme avec les diaspines. Nous avons acquis une meilleur connaissance de leur morphologie aberrante grâce à la micro-tomographie à rayons X. Nous avons aussi eu la chance d'étudier un fossile dans l'ambre éthiopien, daté de 17 millions d'années. Depuis 2016 je collabore avec Danièle Matile au Muséum.. Elle a découvert plusieurs nouvelles espèces de diapines associées aux nids de fourmis. J'ai pu commencer l'étude du genre asiatique Rhopalomastix, les soeurs de Melissotarsus. Suite à des études de terrain à Singapour et en Thaïlande, nous avons montré une grande similitude de modes de vie sauf que, fait évolutif crucial, leurs pattes sont moins spécialisées et elles restent capables de marcher à l'extérieur des tunnels." "Je voulais que vous sachiez que votre découverte en Côte d'Ivoire est un moment fort de la myrmécologie, et a ouvert la voie... J'espère effectuer une mission à Lamto plus tard cette année, où mon ancien thésard Kolo Yéo a trouvé Melissotarsus dans la savane non brûlée."

Les fourmis qui creusent des galeries dans les branches d'arbres vivantes comme les Melissotarsus (Afrique) et Rhopalomastix (Asie) ont des glandes séricigènes, ce qui est exceptionnel chez les fourmis, et que Johan Billen et Christian Peeters viennent de décrire. Il y a une glande dans la tête qui produit la cire et une autre sur le tarse qui durcit la soie. Ils ont nommé la glande du tarse "Delage-Darchen gland". Melissotarus est la championne pour creuser (Billen et Peeters, soumis). (Voir Delage-Darchen)

Selon Pierre-André Eyer, Melissotarus est une espèce à "la biologie incroyable".

Selon Cédric Chény "La fourmis la plus intéressante : le mode de vie hautement cryptique et la biologie si singulière des Melissotarsus (et de sa lignée sœur Rhopalomastix) me fascine : elles vivent presque sinon totalement isolées du monde extérieur au sein d’arbres en bonne santé en creusant des galeries dans du bois sain avec leurs puissantes mandibules, sécrètent leur propre soie pour réparer et soutenir les galeries, et élèvent des cochenilles pour se nourrir notamment de leur miellat. Elles font par ailleurs partie des plus petites représentantes des Formicidae, les ouvrières ne font que quelques millimètres."

Selon Marie-Pierre Meurville Melissotarsus weissi est la fourmi la plus bizarre : Je les trouve bizarres pour plusieurs raisons. Quand j'ai découvert qu'elles creusaient elles memes leur tunnels dans le bois vivant des arbres, j'ai trouvé ca intriguant. Ensuite, j'ai découvert leur morphologie atypique apparemment adaptée aux déplacement dans les tunnels. Enfin, j'ai été intriguée par leur mode d'alimentation qui semble être majoritairement basé sur une espèce de cire produite par des symbiontes. Finalement, apparement les adultes peuvent produire un genre de soie utilisé pour boucher les entrées de leurs tunnels.

Melissotarus titubans est citée par Jolivet dans son livre sur les fourmis et les plantes (1986).

Voir
- Billen, J. and C. Peeters Glandular innovations for a tunnelling life: Silk and associated leg glands in Melissotarsus and Rhopalomastix queen and worker ants. Arthropod Structure and Development Article soumis le 28 mai 2020.
- Dejean, A. and R. Mony (1991). Attaques d'arbres fruitiers tropicaux par les fourmis du genre
Melissotarsus (Emery) (Hymenoptera, Formicidae) associées aux homoptères Diaspididae. Actes Coll. Insect. Soc. 7: 179-187. Pdf
- Delage-Darchen, B. (1972). Une fourmi de Côte d'Ivoire:
Melissotarsus titubans Del., n. sp. Insect. Soc. 19: 213-226.
-
Hollen, E. (2020) Les fourmis ont perdu leurs ailes pour gagner du muscle. futura-sciences.com 20 octobre 2020
- Khalife, A., R. A. Keller, J. Billen, F. Hita Garcia, E. P. Economo and C. Peeters (2018). Skeletomuscular adaptations of head and legs of
Melissotarsus ants for tunnelling through living wood. Frontiers in Zoology 15(1): 30. 10.1186/s12983-018-0277-6
. Pdf
- Mony, R., A. Dejean, C. F. B. Bilong, M. Kenne and C. Rouland-Lefèvre (2013). Melissotarsus ants are likely able to digest plant polysaccharides. Comptes Rendus Biologies(0). doi: http://dx.doi.org/10.1016/j.crvi.2013.08.003.
- Nothias, J.-L. (2018). La fourmi à grosse tête, un tunnelier très efficace. Le Figaro 6 octobre 2018. Pdf
- Peeters, C., I. Foldi, D. Matile-Ferrero and B. L. Fisher (2017). A mutualism without honeydew: what benefits for
Melissotarsus emeryi ants and armored scale insects (Diaspididae)? PeerJ 5: e3599. 10.7717/peerj.3599
- Wittwer, B. and C. Peeters (2019)
Rhopalomastix ants feed on diaspidid scale insects inside living trees. 18 mars 2019, https://insectessociaux.com/2019/03/18/rhopalomastix-ants-feed-on-diaspidid-scale-insects-inside-living-trees/
- Yong, G., D. Matile-Ferrero and C. Peeters (2019).
Rhopalomastix is only the second ant genus known to live with armoured scale insects (Diaspididae). Insectes Sociaux. 10.1007/s00040-019-00686-z