Cédric Chény

Alain Lenoir Mis à jour 02-Jul-2021     

A passé sa thèse à Rennes sur les fourmis fossiles de l'ambre : Taxonomie, phylogénie et biogéographie des fourmis Myrmicines : apports des fossiles cénozoïques, sous la direction de Vincent Perrichot (Université Rennes 1) et Bo Wang (Nanjing Institute, Chinese Academy of Sciences) (2019).

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Résumé
Avec plus de 7000 espèces, les fourmis Myrmicinae constituent l’un des plus grands succès écologiques de l’histoire. Pourtant, leur histoire évolutive reste encore mal comprise. Les diverses études phylogénétiques ont donné des résultats particulièrement contrastés, estimant une origine des Myrmicinae au Crétacé Supérieur, allant de -61 à -107 millions d’années. Les plus anciennes Myrmicines fossiles connues datent quant à elles de l’Éocène inférieur (50-55 Ma). Ces premiers fossiles semblent par ailleurs déjà diversifiées et certains constitueraient même des représentants de genres actuels, supportant ainsi les hypothèses moléculaires d’une origine ancienne. La découverte de nouvelles myrmicines fossiles dans les gisements éocènes de la Baltique et de l’Oise, et celles des gisements récemment découverts de l’ambre miocène de Zhangpu (Chine) et d’Éthiopie, ont par ailleurs fait apparaitre des incongruences entre l’âge des fossiles et leur âge d’apparition “moléculaire” estimé plus jeune (e.g., Lophomyrmex, Tetramorium, Trichomyrmex). Le présent travail cherche donc à préciser : 1) quand sont apparues les ‘premières’ Myrmicinae ; 2) quand sont apparues les grandes lignées (tribus et genres) actuelles et comment se sont-elles diversifiées au cours du Cénozoïque ? Sur l’ensemble du matériel étudié, nous comptabilisons et décrivons 9 nouvelles occurrences de genre qui étaient jusqu’à présent inconnus du registre fossile. À ces taxons s’ajoutent 14 nouvelles occurrences biogéographiques. Pour retracer l’évolution temporelle du groupe, nous avons intégré ces récentes occurrences en tant que nouveaux points de calibration fossiles dans l’analyse phylogénétique, à l’aide des plus récents outils (e.g., modèle FBD, modules CladeAge, Sampled Ancestors, etc.), à laquelle nous avons également intégré des taux de diversification (BAMM) et taux d’échantillonnage (TRiPS). L’effet des diverses modalités de calibration (calibration à la racine, du groupe-couronne ou à l’origine, modèles de distribution, node-dating vs. tip-dating) sur les estimations des temps de divergence est également testé et discuté. Des estimations sous différentes stratégie de sélection topologique (random vs. diversified sampling) ont également été réalisées. L’analyse phylogénétique avec un modèle GTR et un jeu non-partitionné a donné des résultats relativement satisfaisants comparativement aux précédents auteurs ayant utilisé un modèle HKY et une stratégie de partitionnement. L’analyse des temps de divergence sous divers modes de calibration a donné des résultats variables, et nous considérons que l’analyse CladeAge (BD-random-sampling) et FBD (diversified sampling) sont des approches viables, qui permettent vraisemblablement d’éviter une sous- ou surestimation importante. D’après ces seules analyses, les Myrmicinae seraient apparues entre -88 et -95 Ma. La tribu Myrmicini (groupe-couronne) apparait comme relativement jeune (40-50 Ma), tandis que la tribu Crematogastrini serait apparue entre -70 et -80 Ma. L’âge d’apparition des genres actuels (= groupe couronne) s’est montré généralement plus jeune que les estimations des précédents auteurs, malgré l’addition de nouvelles calibrations. L’histoire biogéographique a été revue, à l’aune des nouvelles occurrences et des résultats phylogénétiques. Le groupe serait apparu dans le Nouveau Monde au Crétacé Supérieur (85-95 Ma), sans toutefois montrer une appartenance plus marquée au Néarctique ou au Néotropique. Les grandes lignées se seraient ensuite rapidement dispersées, en particulier à l’Éocène à travers l’Antarctique, la Béringie et le Greenland. L’extension des latitudes tropicales à la suite d’évènements hyperthermiques (e.g., ETM, MECO, etc.) auraient permis des dispersions successives, et expliquerait la disparité des distributions actuelles, où les lignées basales Myrmicini et Pogonomyrmecini sont respectivement restreintes au Néarctique-Paléarctique et au Nouveau Monde, tandis que les lignées Stenammini, Solenopsidini, Attini et Crematogastrini, plus dérivées, montrent des distributions plus larges mais aussi beaucoup plus hétérogènes. Enfin, la faune myrmicine paléarctique apparait être un héritage de plusieurs dispersions au début de l’Éocène et au Miocène : 1) provenant du complexe indo-austral, notamment pour les Crematogastrini ; 2) de l’Afrotropique pour les Solenopsidini (e.g. Monomorium) et Attini (e.g. Strumigenys) ; 3) du Néarctique pour les Myrmicini, Stenammini (e.g. Aphaenogaster, Stenamma) et Attini (e.g. Pheidole).