Lasius neglectus

Divers noms : super fourmi asiatique, fourmi noire envahissante des jardins (Invasive garden ant), fourmi de la Mer Noire 

De préférence ne pas utiliser le nom Fourmi Aztèque.. 

        

Alain Lenoir mis à jour 04-Déc-2025

Une nouvelle fourmi invasive qui a longtemps cherché son nom : super fourmi asiatique, fourmi envahissante des jardins, fourmi de la Mer Noire puis fourmi aztèque. Drôle de nom, elle n'a rien d'aztèque, il y a des fourmis "Azteca" en Guyane qui sont des Dolichoderines.. Qui a inventé ce nom ? Je ne sais pas. Selon Alain Fraval, on trouve ce nom dans la grande presse en 2008 et il écrivait qu'il est préférable d'oublier ce nom, mais hélas il est resté parfois. Si vous trouvez l'origine, merci de me le dire ...

Voir dans Franck Courchamp "La guerre des fourmis"

      

C’est la fourmi de la Mer Noire selon Fraval (Fraval 2009). Elle est originaire des steppes d’Asie mineure, sans doute de Lasius turcicus qui a deux formes, d’altitude unicoloniale et de plaine supercoloniale (Cremer et al. 2008; Ugelvig et al. 2008, Ugelvig and Cremer 2012). Les colonies comportent de nombreuses reines de petite taille avec accouplement intranidal (pas de vol nuptial), elles forment des super-colonies (jusqu’à 35 000 ouvrières) avec de nombreuses ouvrières « nanitic » de petite taille qui se développent plus vite (Espadaler et Rey 2001).

À signaler sa progression rapide en France, en Touraine on la trouve dans les jardins ouvriers de La Riche. J'en ai reçu de Montlouis sur Loire, de Saint-Brévin où elle semble détruire les nids de Messor. Elle a envahi le village de Désirat en Ardèche (Plummer 2015). Elle peut faire des dommages aux circuits électriques. On la trouve beaucoup dans la région lyonnaise (Gippet, thèse 2016). Elle se déplace avec les transports de terre, béton lors de travaux (Gippet et al 2017). Elle est souvent associée à la renouée du japon, une plante invasive, où elle peut collecter jusqu'à 150-320kg de nectar en avril sur une surface de 1160m2 (Gippet et al 2018). Elle est signalée en Corse (Blatrix et al 2017), en Belgique à Flémalle (Wegnez, mail du 26 juin 2019).

Carte de modification de la favorabilité des conditions climatiques en France à l'horizon 2080 selon M. Cordonnier (2020)

Voir tout sur la répartition et la biologie sur le site du CREAF à Barcelone (Espadaler and Bernal 2015). On la trouve en Ukraine, à Kiew elle n'a pas encore formé de supercolonie (Stukalyuk 2017).

M. Cordonnier a travaillé à Orsay sur la compétition entre la fourmi d'Argentine et les autres espèces de fourmis. Les auteurs ont testé Lasius niger et la nouvelle fourmi invasive Lasius neglectus. L. niger est la seule capable d'inhiber le comportement exploratoire et prédateur de l'Argentine. C'est bon signe, cela limitera sans doute la progression de l'Argentine dans le nord où L. niger est très abondante (Cordonnier et al 2020a).

Son expansion pourrait être ralentie par un champignon Laboulbenia formicarum (Tragust et al. 2015), mais je n’y crois pas trop car l'immunité sociale est très forte chez les fourmis.

Le champignon Laboulbenia parasite de Lasius neglectus dans la région lyonnaise. Une étude sur 2 000km2 sur 5 espèces de Lasius : L. neglectus (58% des colonies parasitées), les autres espèces natives L. niger (5%), L. alienus, L. paralienus et L. emarginatus (0%). Un total de 478 colonies. La distance entre colonies de L. neglectus ni la proximité génétique ne semblent des facteurs prédictifs du parasitisme. C'est plutôt les conditions climatiques comme la chaleur et la sécheresse, en général associées avec l'urbanisation, qui expliquent la présence du parasite (Gippet et al 2021).

    L. neglectus parasité par Laboulbenia (tarse à droite) (Gippet) :  

Lasius neglectus est arrivée en Angleterre en 2010. Elle est adaptée aux climats plus frais, par exemple à 30°C elle ne résiste pas bien et elle est combattue efficacement par les Crematogaster et Tapinoma (Frizzi et al 2017).

Dans Les fourmis, de Sabine Boccador, Fleurus 2021 :

 

"Viens me tuer" : l'appel des jeunes fourmis malades pour sauver la colonie. La Provence, 02/12/25 (merci G. Renaud)

D’après une nouvelle étude publiée dans Nature Communications, les jeunes fourmis malades émettent une odeur qui appelle les adultes à venir les tuer. L’objectif est d’éviter une épidémie et donc, de protéger la colonie.
Pour les fourmis, le collectif passe avant. Une nouvelle étude, rendue publique ce mardi dans la revue Nature Communications renforce encore cette idée. En effet, les jeunes fourmis malades diffusent une odeur invitant les fourmis adultes à venir les tuer afin de protéger la colonie de toute épidémie, une attitude altruiste qui ne concerne pas les jeunes reines.
Les fourmilières sont un "terrain parfait pour que se répande une épidémie avec ces milliers de fourmis rampant les unes sur les autres", explique à l'AFP Erika Dawson, écologue comportementale à l'Institut Science et Technologie d'Autriche et autrice principale de cette étude. 
Quand les adultes sont atteints d'une maladie qui pourrait se répandre, elles quittent la fourmilière pour mourir seules. Mais les jeunes - les chrysalides - sont encore dans leur cocon et ne peuvent se distancier socialement. Les scientifiques savaient déjà que quand ces chrysalides en sont au stade terminal, elles diffusent une certaine odeur.

Les hydrocarbures C33:2 and C33:1 sont en surnombre chez les fourmis Lasius neglectus malades infectées par la bactérie pathogène Metarhizium brunneum.

Référence
Dawson, E.H., Hoenigsberger, M., Kampleitner, N. et al. Thomas Schmitt & Sylvia Cremer. Altruistic disease signalling in ant colonies. Nat Commun 16, 10511 (2025). https://doi.org/10.1038/s41467-025-66175-z

Voir
- Blatrix, R., P. Wegnez, T. Colin and C. Galkowski (2017). Neuf nouvelles espèces de fourmis pour la Corse (Hymenotera, Formicidae). Revue de l’Association Roussillonnaise d’Entomologie 27: 60-64. Pdf
-
Cordonnier, M. (2020) Les fourmis, espèces sentinelles de l’impact des changements globaux. encyclopedie-environnement.org 10 décembre 2020.
- Cordonnier, M., O. Blight, E. Angulo and F. Courchamp (2020a). The native ant Lasius niger can limit the access to resources of the invasive Argentine ant. Animals 10: 2451. doi: 10.3390/ani10122451. (Lien)
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Cremer, S., L. V. Ugelvig, F. P. Drijfhout, B. C. Schlick-Steiner, F. M. Steiner, B. Seifert, D. P. Hughes, A. Schulz, K. S. Petersen, H. Konrad, et al. (2008). The Evolution of Invasiveness in Garden Ants. PLoS ONE 3(12): e3838. 10.1371/journal.pone.0003838. libre de droits
- Espadaler, X. and V. Bernal (2015) Lasius neglectus, a polygynous, sometimes invasive, ant. 2015. http://www.creaf.uab.es/xeg/Lasius/Ingles/index.htm
- Espadaler, X. & Rey, S. (2001). Biological constraints and colony founding in the polygynous invasive ant Lasius neglectus (Hymenoptera, Formicidae). Insectes Sociaux 48, 159-164.
- Fraval, A. (2009). La fourmi noire de la Mer noire. Une invasion bien préparée. Insectes 152: 32. Pdf

- Gippet, J. M. W., N. Mondy, J. Diallo-Dudek, A. Bellec, A. Dumet, L. Mistler and B. Kaufmann (2017). I’m not like everybody else: urbanization factors shaping spatial distribution of native and invasive ants are species-specific. Urban Ecosystems 20(1): 157-169. 10.1007/s11252-016-0576-7
- Frizzi, F., V. Bartalesi and G. Santi (2017). Combined effects of temperature and interspecific competition on the mortality of the invasive garden ant, Lasius neglectus: A laboratory study. Journal of Thermal Biology 65: 76-81.
- Gippet, J. M. W., F. Piola, S. Rouifed, M.-R. Viricel, S. Puijalon, C. J. Douady and B. Kaufmann (2018). Multiple invasions in urbanized landscapes: interactions between the invasive garden ant Lasius neglectus and Japanese knotweeds (Fallopia spp.). Arthropod-Plant Interactions 12(3): 351-360. 10.1007/s11829-017-9589-2
- Plummer, W. (2015). Ardèche : un village envahi par des fourmis. Le Figaro 8 avril. http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/04/08/01016-20150408ARTFIG00120-ardeche-un-village-envahi-par-des-fourmis.php. Pdf
- Stukalyuk, S. (2017). The beginning of the invasion of Lasius neglectus (Hymenoptera, Formicidae) in Kiev (Ukraine). Entomological Review 97: 1063-1065. DOI: 10.1134/S001387381708005X
- Tragust, S., H. Feldhaar, X. Espadaler and J. Pedersen (2015). Rapid increase of the parasitic fungus Laboulbenia formicarum in supercolonies of the invasive garden ant Lasius neglectus. Biological Invasions 17(10): 2795-2801. 10.1007/s10530-015-0917-0
- Ugelvig, L. V., F. P. Drijfhout, D. J. C. Kronauer, J. J. Boomsma, J. S. Pedersen and S. Cremer (2008). The introduction history of invasive garden ants in Europe: Integrating genetic, chemical and behavioural approaches. BMC Biology 6:11: doi:10.1186/1741-7007-1186-1111.
- Ugelvig, L. V. and S. Cremer (2012). Effects of social immunity and unicoloniality on host-parasite inetractions in invasive insect societies. Functional Ecology 26: 1300-1312.