L'effet cocktail des perturbateurs endocriniens                  

Mis à jour le 15-Mar-2020

Les effets nocifs des pesticides, par exemple sur les abeilles, sont toujours contestés par les fabricants. Or les tests sont faits avec une seule molécule, alors qu'on sait bien maintenant que les effets sont additifs, ce que l'on appelle l'effet cocktail (ou soupe de sorcière).

Rémy Chauvin, chercheur passionné d’insectes comme les fourmis et les abeilles se posait dans son livre de mémoires en 1990 déjà la question à propos des pesticides : « Ces produits, en principe ne sont pas toxiques pour l’homme car étudiés isolement, leur toxicité aiguë est très faible… Mais qu’en est-il de l’administration répétée de doses faibles de plusieurs produits à la fois ou successivement ? » (Chauvin 1990 p. 237). Jean-Marie Pelt, visionnaire, écrivait déjà aussi en 1996 "Les mélanges de substances.. possèdent une activité alors même que chacune d'entre elles prises isolément, n'en exerceraient aucune." (Voir texte). L'effet cocktail est déjà connu chez les plantes en phytothérapie, on l'appelle "effet totum" (Rahmani 2018 - voir extrait)

Le plus souvent les effets des perturbateurs endocriniens ne sont pas additifs mais multiplicatifs : les produits à très faible dose ont peu ou pas d’effet, mais simultanément leurs effets sont considérablement amplifiés. C’est ce qu’on appelle l’effet « cocktail » ou encore « Les nouvelles mathématiques des mélanges : 0+0+0 =60 » selon Marie-Monique Robin dans son livre « Notre poison quotidien » (Robin 2011). Cet effet a été décrit dès 1996 par un chercheur américain qui étudiait in vitro les effets de pesticides sur les récepteurs aux estrogènes et qui a eu à ce titre droit à une publication dans la célèbre revue Science (Arnold et al 1996). Ce qui a été publié avait peut-être des faiblesses, et cela a soulevé tellement de contestations qu’il a été obligé de se rétracter un an plus tard dans la même revue Science le 25 juillet 1997.

Et pourtant, tous les travaux ultérieurs ont confirmé l’effet cocktail dans de nombreux cas (voir Robin 2011, Cabanes 2016 p. 158), et par exemple :

Voir
- Alaux, C., J.-L. Brunet, C. Dussaubat, F. Mondet, S. Tchamitchan, M. Cousin, J. Brillard, A. Baldy, L. P. Belzunces and Y. Le Conte (2010). Interactions between Nosema microspores and a neonicotinoid weaken honeybees (Apis mellifera). Environmental Microbiology 12(3): 774-782. 10.1111/j.1462-2920.2009.02123.x
- Arnold, S.F., et al. (1996). Synergistic Activation of Estrogen Receptor with Combinations of Environmental Chemicals. Science. 272(5267): 1489-1492.
- Chauvin, R. (1990). Une étrange passion. Une vie pour les insectes. Le Pré aux Clercs. 269 p.
-
Cabanes, V. (2016). Un nouveau droit pour la terre. Pour en finir avec l'écocide, Seuil. 342p.
- Foucart, S. (2011). Le déclin massif des abeilles en voie d'élucidation. Le Monde, 9 juillet.
- Foucart, S. (2018). Le plan du gouvernement pour réduire les pesticides. Le Monde 25 janvier 2018, p. 6.
- Gill, R.J., O. Ramos-Rodriguez, and N.E. Raine (2012). Combined pesticide exposure severely affects individual- and colony-level traits in bees. Nature. 491(7422): 105-108.
- Osborne, J.L. (2012). Ecology: Bumblebees and pesticides. Nature. 491(7422): 43-45.
-
Hawthorne, D. J. and G. P. Dively (2011). Killing Them with Kindness? In-Hive Medications May Inhibit Xenobiotic Efflux Transporters and Endanger Honey Bees. PLoS ONE 6(11): e26796 EP
- Pelt, J.-M. (1996). Les langages secrets de la nature, Fayard. 298p.

- Pettis, J., D. vanEngelsdorp, J. Johnson and G. Dively (2012). Pesticide exposure in honey bees results in increased levels of the gut pathogen Nosema. Naturwissenschaften 99(2): 153-158.
- Rahmani, S. (2018). Artemisia. Une tisane contre le paludisme ? Le Monde Science et Médecine: p. 1,4-5.
- Robin, M.-M. (2011). Notre poison quotidien: La Découverte - Arte Editions. 480 p.
- Tosi, S. and J. C. Nieh (2019). Lethal and sublethal synergistic effects of a new systemic pesticide, flupyradifurone (Sivanto) on honeybees. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences 286(1900): 20190433. doi:10.1098/rspb.2019.0433
- Valo, M. (2011). La défense des abeilles, un "job" de plus en plus prenant pour les apiculteurs français. Le Monde 16 novembre. p. 6.
- Vidau, C., et al. (2011). Exposure to Sublethal Doses of Fipronil and Thiacloprid Highly Increases Mortality of Honeybees Previously Infected by Nosema ceranae. PLoS ONE. 6(6): e21550.