Dinoponera quadriceps, fourmi tortionnaire

fourmi dinosaure ou fourmi sadique 

Alain Lenoir Mis à jour 11-Fév-2024

Dinoponera quadriceps, la fourmi terrible, est l'une des plus grosses qui existent avec ses 3-4 centimètres de long. Cette espèce, contrairement à beaucoup d'autres, ne possède plus de reines. Potentiellement, toutes les fourmis femelles peuvent se reproduire. Dans la réalité, une seule femelle par colonie, dite femelle alpha, sorte de femelle dominante, se reproduit. La hiérarchie est linéaire chez ces fourmis, derrière Alpha se trouve Bêta, puis Gamma, puis toutes les autres dominées. Lorsque Alpha se sent menacée dans son rôle de reproductrice par une autre, alors là, pas de pitié, elle la fait éliminer du jeu (voir Briet 2002). C'est l'un des premiers exemples de hiérarchie décrits chez les fourmis dans la thèse de Thibaud Monnin (voir Monnin et al 2002).

Fourmis tortionnaires. Chez les Dinoponera quadriceps, une espèce brésilienne, la fourmi alfa, dominante, vient parfois se frotter à l'une de ses rivales. Au passage, elle libère un produit chimique qui désigne la malheureuse à ses futurs tortionnaires. Les ouvrières de la colonie se relaient alors pour la molester et la mordre des jours durant. Selon Thibaud Monnin de l'université de Sheffield (Grande-Bretagne), si la victime en réchappe, elle ne récupère jamais son rang dans la hiérarchie. Notons que la fourmi alfa subit le même sort lorsqu'elle montre des signes de faiblesse, notamment une baisse de fécondité (Monnin et Ratnieks 2001, Monnin et al 2002, voir Sciences et Avenir, octobre 2002, p. 14). Voir aussi Pas de coup d'Etat chez les fourmis (La Recherche, nov 2002)

Voir Fourmis tortionnaires. Sciences et Avenir, octobre 2002. Thibaud Monnin avec Dinoponera quadriceps

Céline Sivault dans son magazine "Ce que la science sait des fourmis" (2021) en parle : "Des fourmis sans reine.
Certaines espèces de fourmis font preuve d'une grande originalité dans leur façon de se reproduire ! Ainsi, chez une centaine d'entre elles, de la sous-famille des ponérinés et des ectatomminés, il n'existe pas de reine. L'ensemble des individus disposent de la capacité théorique de se reproduire. Mais la ponte est assurée par l'une d'entre elles uniquement, la gamergate. Dans les sociétés de Dinoponera quadriceps par exemple, fourmis pffmitives de grande taille vivant en petits groupes de moins de 100 individus, le choix de l'ouvrière pondeuse s'impose suite à une lutte acharnée entre les différents membres de la colonie. La plus puissante, la femelle alpha, se hisse à la première place du podium à coups de mandibules. Quelques ouvrières placées en haut de la hiérarchie, bêta et gamma, tentent régulièrement de la détrôner. Thibaut Monnin, chercheur dans un laboratoire mixte du CNRS et de l'université de Jussieu, a mis en lumière un des mécanismes utilisés par la gamergate pour asseoir sa suprématie, en étudiant des colonies au Brésil. Lorsqu'elle est la cible d'attaques répétées d'une de ses subordonnées, elle la marque à l'aide de son aiguillon d'une phéromone particulière, qui déclenche une vive réaction chez les fourmis dominées du groupe. Elles se saisissent de la malheureuse, l'immobilisent et lui infligent moult morsures. Le calvaire peut durer plusieurs jours et relègue la fourmi qui voulait être calife à la place du calife dans les tréfonds de la hiérarchie, où elle ne pourra plus nuire à la femelle dominante ! Mais tout règne a une fin, et celui de la gamergate s'achèvera au bout d'un ou deux ans, lorsque le groupe jugera que sa fertilité est trop déclinante...
" (p. 78) Voir le pdf original.

Voir le livre de Luc Passera "Les insectes rois de de l'adaptation" : "Dinoponera quadriceps vit en Amérique du Sud. Avec ses 3 cm de long, c'est une des plus grandes fourmis du monde. La femelle elle-même prend l'initiative de verrouiller ses voies génitales. Une fois les spermatozoïdes transmis et alors qu'elle est encore accouplée, elle recourbe son abdomen entre ses pattes et, d'un coup de mandibules bien ajusté, tranche dans le vif en sectionnant l'abdomen du mâle. Voici un bouchon bien étrange puis que c'est l'appareil copulatoire du mâle lui-même qui mure efficacement l'orifice génital de la femelle. Plus tard, la femelle se débarrassera de cette curieuse relique afin de libérer son orifice génital et pondre. Le mâle a perdu la vie avec l'assurance qu'il sera l'unique partenaire de la femelle."

Accouplement mortel. Le Nouvel Observateur, 8 mai 1998. Pdf. Sur la fourmi brésilienne Dinoponera quadriceps selon Thibaud Monnin et Christian Peeters.

Selon le livre Mille milliards de fourmis :

Voir
- Briet, S. (2018). La femelle dominante marque ses rivales et les fait torturer. La
Dinoponera, fourmi sadique. Libération 12 septembre 2002. Lien
- Monnin, T. and C. Peeters (1997). Cannibalism of subordinates' eggs in the monogynous queenless ant Dinoponera quadriceps. Naturwissenschatfen 84: 499-502.
- Monnin, T. and C. Peeters (1998). Monogyny and regulation of worker mating in the queenless ant Dinoponera quadriceps. Anim.Behav. 55: 299-306.
- Monnin, T., C. Malosse and C. Peeters (1998). Solid-phase microextraction and cuticular hydrocarbon differences related to reproductive activity in queenless ant Dinoponera quadriceps. Journal of Chemical Ecology 24(3): 473-490 [Erratum: Aug 1998, 1924(1998), p. 1423].
- Monnin, T. and L. W. F. Ratnieks (2001). Policing in queenless ponerine ants. Behavioral Ecology and Sociobiology 50: 97-108.
- Monnin, T., L. W. F. Ratnieks, G. R. Jones and R. Beard (2002). Pretender punishment induced by chemical signalling in a queenless ant. Nature 419: 61-64.
- Sivault, C. (2021). Ce que la science sait des fourmis. Questions clés science. Hors série. 194 p. p.78
- Vincent, C. (2004). La fourmi sans reine, mais non sans rang. Le Monde 24 février. p. 27. Pdf