Insectes renifleurs de cancers
Mis à jour le 03-Nov-2023
PUBLIÉ
LE 03 JUIL 2023 (merci Max Huber, Mail 5 juillet 2023). Voir pages 68
et 69
https://www.science-et-vie.com/article-magazine/insectes-renifleurs-de-cancers
Et si les tumeurs malignes
pouvaient être détectées précocement grâce
au super-odorat des insectes ? Certaines études montrent des résultats
prometteurs, fournissant une méthode de détection efficace à
bas coût.
Avant tout, la lutte contre le cancer passe par une détection rapide.
Mais aux prémices de la maladie, qui reste la première cause de
mortalité en France, les cellules cancéreuses sont encore en trop
faible nombre pour être repérées par les méthodes
traditionnelles. Le besoin d’innover va jusqu’à des idées
atypiques, comme utiliser des insectes, par exemple, des mouches, des abeilles
ou des fourmis pour débusquer les cellules malignes.
C’est le cas d’une étude récemment publiée dans la revue iScience, développée par Baptiste Piqueret, alors chercheur à l’université Sorbonne Paris Nord, reposant sur l’utilisation de fourmis entraînées à repérer les cellules cancéreuses. Patrizia d’Ettorre, sa directrice de thèse au moment de l’étude, affiche sa confiance dans ce protocole : “Les fourmis présentent de multiples atouts : en plus de leur odorat, on peut en trouver facilement et leur apprendre rapidement à repérer les cellules ciblées.”
Les fourmis sont élevées par des techniciens en zoologie, dans le Laboratoire d’éthologie expérimentale et comparée (LEEC) de l’université Sorbonne Paris Nord. Ici, Paul Devienne, qui a participé à l’étude.
© Photo CHLOÉ LEROY/LABORATOIRE D’ÉTHOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET COMPARÉE, UNIVERSITÉ SORBONNE PARIS NORD
Car l’espèce présente également un avantage face aux chiens, dont l’odorat aide déjà à détecter certains types de cancers : “Il faut beaucoup moins de temps et de ressources pour entraîner une fourmi qu’un chien ”, atteste Patrizia d’Ettorre. Dans les faits, les chercheurs de l’université Sorbonne Paris Nord ont utilisé l’espèce Formica fusca. “C’est l’une des plus répandues. On la trouve facilement, et elle ne pique pas !”, commente la professeure.
Mais comment entraîne-t-on des insectes ? À l’aide de sucre ! Une fois les fourmis prélevées sur le terrain, retour au labo. Là, il a fallu les isoler une par une, à l’aide de pinces entomologiques, et les placer dans de petites arènes. De chaque côté, une odeur. L’une, neutre, n’a rien de spécial. Mais près de l’autre, à laquelle sont mêlés des échantillons de cellules cancéreuses fournies par ‘Institut Curie, se trouve du sucre. La fourmi fait donc l’association entre l’odeur des cellules malades et celle du sucre. “Seuls trois essais suffisent”, précise même la directrice de thèse. Et lorsque l’on présente à la fourmi une arène dans laquelle il n’y a plus de sucre, mais des odeurs de cellules cancéreuses d’un patient malade, on note qu’elle passe jusqu’à 20 % de temps supplémentaire près de la zone où elle espère trouver du sucre.
Les insectes restent bien plus sensibles sur le plan chimico-sensoriel que les ‘nez électroniques’ artificiels !
D’autres études suivent cette voie. Pour Giovanni Galizia, professeur à l’université de Constance (Allemagne), “la contribution des insectes dans la détection des cancers reste sous-estimée. ” Il a participé à des travaux étudiant les drosophiles en 2013, pendant que d’autres utilisent des abeilles. Faudra-t-il se limiter à une espèce, ou diversifier ? “Il se peut que la mouche soit meilleure pour détecter le cancer A, et la fourmi le cancer B, analyse le professeur allemand. Les insectes restent bien plus sensibles sur le plan chimico-sensoriel que les ‘nez électroniques’ artificiels !”