L'apprentissage chez les fourmis

Alain Lenoir Mis à jour 01-Déc-2022

Voir une revue très complète sur la cognition chez les fourmis par T. Czaczkes (2022) et l'interview de T. Czaczkes dans Myrmecological News du 23 février 2022. .

Selon Bernard Werber dans Le livre secret des fourmis :

Voir aussi Les insectes en bande dessinée Tome 4 :

Les fourmis du désert Cataglyphis fortis (Saharan desert ant, expériences en Tunisie) et Melophorus bagoti (Australian red honey ant) sont capables, pour éviter les pièges, de changer de trajectoire grâce à un mécanisme d’apprentissage aversif : en associant des repères visuels à des expériences négatives, elles mémorisent les traces d’un parcours potentiellement risqué. Les chercheurs ont placé sur leur route un puits aux parois glissantes avec pour seule issue une petite rampe de sortie masquée par des branchages. Lors de leur premier passage, toutes les fourmis foncent - à près d’1 m/s - vers le nid et tombent dans le piège. Mais rapidement, dès la course suivante, elles modifient leur comportement (Wystrach et al 2020, voir Agullo et Wystrach 2020, voir Epingle1144).

Parcours d'une fourmi type de la mangeoire (F) au nid (N) le piège fermé, à la première chute, à la seconde, au premier contournement, au second ; les cercles signalent les virevoltes d'exploration ; en vert, la mémoire appétitive et en rouge, la mémoire aversive.

Charles Turner sort de l'ombre (1867-1923). Grand savant qui a touché plein de domaines, et en particulier avec des observations de terrain. On apprend qu'il avait découvert la vision des couleurs chez l'abeille bien avant von Frisch. Il fut la première personne à prouver que les insectes peuvent estimer les hauteurs. Il a découvert que les cafards pouvaient apprendre par essais et erreurs (Dona et Chittka 2010, voir Herzberg 2020). Voir dans À quoi pensent les abeilles ? de Mathieu Lihoreau, qui aime beaucoup les travaux de Turner.

Abeilles et Covid. Selon Sciences et Avenir de juin 2021 les abeilles seraient capables d'apprendre à reconnaître l'odeur du Covid par conditionnement pavlovien. Ce travail aurait été fait par les universités de Toulouse et de Wageningen (Pays-Bas).
Hélas, Martin Giurfa n'a pas du tout participé à cette recherche. Dans son mail du 7 juin 2021 il écrit "Dans cet article il est dit que ce test de détection de COVID par les abeilles a été "mis au point avec l’aide des universités Paul-Sabatier de Toulouse et de Wageninguen (Pays-Bas)". Sachant que nous sommes la seule équipe à Paul Sabatier travaillant sur l'apprentissage et la perception olfactive des abeilles, il ne peut s'agir que de nous. Science et Avenir a d'ailleurs ecrit à plusieurs reprises sur nos travaux. Dans ce contexte, je tiens à démentir fermement notre implication dans cette initiative qui se situe a la limite de l’éthique des pratiques scientifiques. En effet, ce travail a été largement diffusé dans la presse et ce qui étonne dans le journalisme scientifique, c'est que personne ait pris la peine de regarder si le travail avait été validé par une publication scientifique. C'est particulièrement étonnant et décevant dans le cas de Science et Avenir. Aucune publication valide ce travail. On a donc fait du tapage médiatique pour annoncer quelque chose qui n'a pas suivi la démarche de validation que tout résultat demande, surtout quand des problématiques de santé sont en jeu. Ceci est confirmé par le scientifique hollandais de Wagueninge que j'ai contacté à ce sujet. Le porteur de cette initiative , M. Aria Samini (entreprise Bee Sense), est venu à Toulouse il y a 6 ans et a essayé de se joindre à notre équipe en tant que doctorant sans succes. C'est le seul lien qui peut être cité nous concernant. Je tiens donc à que notre nom soit des-associé d'une initiative dont la crédibilité nous parait questionnable; je vous demande de rectifier les informations que vous avez publié."

Fourmis Formica fusca qui détectent le cancer. Des cellules de culture humaine cancéreuses émettent une dizaine de substances volatiles (VOCs) qui peuvent être détectées par apprentisage associatif par les ouvrières de Formica selon une belle étude de Baptiste Piqueret. Ces résultats ont déjà été présentés au colloque UIEIS d'Avignon en 2019. Publication largement reprise dans les réseaux sociaux. Rappelons que les abeilles ont déjà été utilisées dans des essais de discrimination du Covid (voir cancer).

L'apprentissage chez les rats et les fourmis. Dans un labyrinthe en Y, les rats sont capables de transposer l'information acquise en horizontal vers du vertical et inversement, mais pas les fourmis Cataglyphis niger (Hagbi et al 2022).

L'apprentissage a beaucoup été étudié chez les primates. On voit par exemple dans une exposition de photos de Cartier-Bresson à Martigny (Fondation Gianada) un dispositif utilisé à Berkeley en 1967. Sans doute on ne peut plus faire cela actuellement.

Voir
- Agullo, A. and A. Wystrach (2020) Chez les fourmis, l’aversion au risque est une stratégie de survie cnrs.fr, 9 avril 2020, p. http://www.cnrs.fr/fr/chez-les-fourmis-laversion-au-risque-est-une-strategie-de-survie. Pdf
- Czaczkes, T. J. (2022). Advanced cognition in ants. Myrmecological News: 51-64. doi: 10.25849/myrmecol.news_032:051. Pdf
- Dona, H. S. G. and L. Chittka (2020). Charles H. Turner, pioneer in animal cognition. Science 370(6516): 530-531. doi: 10.1126/science.abd8754.
- Hagbi, Z., T. Gilad, P. Zadicario, D. Eilam and I. Scharf (2022). Can rats and ants exchange information between the horizontal and vertical domains? Animal Cognition. doi: 10.1007/s10071-022-01716-3
- Herzberg, N. (2020). Charles Turner, pionnier noir oublié de la cognition animale. Le Monde 16 décembre 2020. p.30. Pdf
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Piqueret, B., F. Mechta-Grigoriou, B. Bourachot, J.-C. Sandoz and P. d'Ettorre (2019a). Ants are able to detect the odour of cancer cells. 30ème Colloque UIEIS, Avignon. Pdf
- Piqueret, B., B. Bourachot, C. Leroy, P. Devienne, F. Mechta-Grigoriou, P. d’Ettorre and J.-C. Sandoz (2022). Ants detect cancer cells through volatile organic compounds. iScience 25(3). doi: 10.1016/j.isci.2022.103959. Pdf
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 Piqueret, B., J.-C. Sandoz and P. d'Ettorre (2019). Ants learn fast and do not forget: associative olfactory learning, memory and extinction in Formica fusca. R. Soc. open sci. 6: 190778. doi: https://doi.org/10.1098/rsos.190778.
- Wystrach, A., C. Buehlmann, S. Schwarz, K. Cheng and P. Graham (2020). Rapid Aversive and Memory Trace Learning during Route Navigation in Desert Ants. Current Biology. https://doi.org/10.1016/j.cub.2020.02.082