CLAIRETTE ET LA FOURMI

J'étais pas l'amant de Clairette,
mais son ami.
De jamais lui conter fleurette
J'avais promis.
Un jour qu'on gardait ses chevrettes
Aux champs, parmi
L’herbe tendre et les pâquerettes'
Elle s'endormit.

Durant son sommeil, indiscrète.
Une fourmi
Se glissa dans sa collerette,
Quelle infamie !
Moi. pour secourir la pauvrette,
Vite je mis
Ma patte sur sa gorgerette:
Elle a blêmi.

Crime de lèse-bergerette
J'avais commis.
Par des gifles que rien n'arrête
Je suis puni,
Et pas des gifles d'opérette,
Pas des demies.
J'en ai gardé belle lurette
Le cou démis.

Quand j'ai tort, moi, qu'on me maltraite,
D'accord, admis!
Mais quand j'ai rien fait, je regrette,
C'est pas permis.
Voilà qu'à partir le m'apprête
Sans bonhomie,
C'est alors que la guillerette
Prend l'air soumis.

Elle dit, baissant les mirettes:
" C'est moi qui ai mis,
Au-dedans de ma collerette,
Cette fourmi. "
Les clés de ses beautés secrètes
Ell’ m'a remis.
Le ciel me tombe sur la crête
Si l'on dormit.

Je suis plus l'ami de Clairette,
Mais son promis.
Je ne lui contais pas fleurette,
Je m'y suis mis.
De jour en tour notre amourette
Se raffermit.
Dieu protège les bergerettes
Et les fourmis !

Chansons posthumes de Georges Brassens
Chantées par Jean Bertola (1982)

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