Un empoisonnement universel
de Fabrice Nicolino (LLL Les Liens qui Libèrent, 2014)
Analyse par Alain lenoir, mis à jour 06-Déc-2016
Après « Toxique
planète » d’André Cicollela (2013) et « La fabrique
du mensonge » de Stéphane Foucart (2013), Fabrice Nicolino présente
un dossier complet sur l’empoisonnement de notre planète par les
produits chimiques. Ne pas lire si vous voulez garder le moral… mais il
faut découvrir la vérité sur ce qui attend notre planète
et nos enfants ou petits-enfants.
L’auteur remonte jusqu’à l’antiquité pour expliquer
l’histoire de la chimie. Il explique comment Fritz Haber, génial
découvreur de la synthèse de l’ammoniac met au point les
gaz de combats de la guerre 14-18, utilisés à partir d’avril
1915. Il sera récompensé par le prix Nobel en 1919… Les
gaz de combat ont depuis été utilisés un peu partout dans
le monde malgré leur interdiction. On apprend que l’agent orange
utilisé au Vietnam a affecté au moins deux millions de personnes
et qu’un grand épidémiologiste, Richard Doll a touché
entre 1979 et 1986 jusqu’à 1 500 dollars par jour de la part de
Monsanto pour jurer « qu’il n’existe aucune preuve d’un
lien entre le défoliant et le cancer » (p. 112).
Rachel Carson est présentée comme « héroïne
de l’humanité » (p. 112). En 1958 elle étudie la lutte
contre la fourmi de feu Solenopsis invicta. « La puissante machine
industrielle des pesticides, appuyée avec force par l’Etat fédéral,
décide une guerre chimique à outrance ». « Huit millions
d’hectares seront traités, y compris par avion, avec les pesticides
les plus récente, des organochlorés, extrêmement toxiques
» (p. 113). « Or la fourmi ne présente aucun des dangers
avancés par ses éradicateurs. Surtout, malgré vingt années
de pulvérisations et des centaines de millions de dollars gaspillés,
l’insecte poursuit sa marche vers le nord. La seule victime, c’est
une nouvelle fois la nature : les animaux, les eaux, le sol, les hommes. »
(p. 114). Rachel Carson a tout compris et écrit son « chef-d’œuvre
» « Silent Spring » en 1962. Elle y met en cause les pesticides
comme le DDT qui menace la reproduction des oiseaux, d’où le titre
du livre. « D’innombrables attaques suivent, y compris contre la
personne même de Rachel, bientôt accusée d’être
lesbienne, communiste, folle, agent du KGB » (p. 114). Elle meurt peu
après en 1964 d’un cancer.
L’histoire du gaucho est racontée. C’est très simple
: le gaucho a été introduit en France sur les semis de tournesol
en 1992 et là où il a été utilisé on a observé
une spectaculaire mortalité des abeilles. Que dire de plus ? Bayer a
tout fait pour dissimuler les dangers du gaucho, souvent avec la complicité
des administrations (p. 120 et suivantes).
Le plastique envahit notre planète. On retrouve partout sur les plages
du monde entier des « mermaids’tears », larmes de sirène
(p. 128). On trouve ces microplastiques dans tous les lacs, y compris le lac
Léman ou le lac de Garde en Italie (p. 130).
Dans le chapitre 9 Nicolino raconte aussi l’histoire de « Theo Colborn,
la sublime pionnière » et de l’appel de Wingspread de 1991
: « De nombreux composés libérés dans l’environnement
par les activités humaines sont capables de dérégler le
système endocrinien des animaux, y compris l’homme. » (p.
143). C’est là qu’est né le concept de perturbateur
endocrinien.
Dans le chapitre 11 il raconte l’histoire de phtalates et autres perturbateurs
endocriniens comme le bisphénol A. Il cite mes travaux montrant que les
phtalates se retrouvent même sur les fourmis (p. 191).
Le chapitre 12 parle de la diminution des quantités de spermatozoïdes,
un désastre chez les 18-35 ans. Elle est due aux nombreux perturbateurs
endocriniens qui nous assaillent. Dans les chapitres suivants l’auteur
parle des cancers, de l’obésité, la maladie d’Alzheimer,
l’asthme, les allergies dont les fréquences augmentent rapidement,
probablement en relation avec tous les perturbateurs endocriniens. Pour le cas
de l’autisme, on peut aussi se poser des questions (voir (Foucart 2013)).
Ce livre est complémentaire de celui d’André Cicollela sur
le scandale des perturbateurs endocriniens (Cicolella 2013).
L’opinion de Paracelse (1538) : « la dose fait le poison »
est devenue dogme de la toxicologie avec l’invention de la DJA (Dose Journalière
Admissible). Pourtant on sait maintenant que c’est faux (p. 30 et 150).
Ce n’est pas la dose mais le moment qui importe. Certains perturbateurs
agissent à doses infinitésimales pendant la période embryonnaire,
postnatale ou l’adolescence. On sait aussi que certaines substances seules
n’ont pas d’effet, mais en synergie avec d’autres on peut
avoir un effet explosif (« effet cocktail »). On a même découvert
aussi un effet transgénérationnel, par exemple dans le cas du
distilbène: les problèmes peuvent affecter même les arrière-petits-enfants.