Interview de Nicolas Monmarché
27 septembre 2019
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Quel a été ton parcours ?
En sixième, la prof de maths a dit à ma mère, lors de la
réunion parents-profs, « votre fils ne ferra jamais de sciences
». J'ai oublié cette phrase définitive et stupide pendant
des années mais lorsque je vais dans les collèges, plus de trente
ans plus tard, présenter les métiers et les études scientifiques,
j'aime bien partir sur cette anecdote, surtout quand un prof de maths est dans
la salle... En classe de seconde j'ai aimé les maths et la physique puis
l'informatique (découverte sur un PC des années 80 que j'ai toujours…).
Mes résultats étant très dépendants de mes relations
avec les enseignants, j'ai fini par obtenir un Bac C et, sans motivation spéciale,
je suis allé en fac de science pendant 4 ans pour y faire des maths et
un peu d'informatique… et pas mal de piano. Finalement, j'ai suivi le
constat de mon prof de piano qu'il était plus facile de vivre en tant
qu'ingénieur que pianiste. Je suis rentré par chance (plus que
par mes résultats) dans une école d'ingénieurs en informatique.
Dès la première année, je me suis passionné pour
des projets liés à la recherche, en particulier les algorithmes
génétiques. En dernière année d'école d'ingénieurs,
j'ai proposé de travailler sur les « algorithmes de fourmis »
car j'avais trouvé des encadrants sympas qui ne connaissaient pas cette
idée mais qui m'ont trouvé deux ou trois articles pour commencer.
Le mélange systèmes naturels/systèmes artificiels m'a depuis
toujours beaucoup amusé et l'outil informatique s'est avéré
très pratique pour simuler des comportements sociaux. Ensuite, j'ai fait
une thèse et j'ai obtenu un poste d'enseignant chercheur dans l'école
où j'étais rentré.
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comment a débuté ton intérêt pour les fourmis ?
Je ne sais plus du tout pourquoi je suis allé voir mes encadrants avec
cette idée de fourmis informatiques. Je pense que j'avais été
préalablement fasciné par les transpositions des théories
darwiniennes à l'informatique mais j'ignore quel déclic s'est
produit pour que je sois tenté par les fourmis.
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ta thèse ?
Mon travail de thèse a été de développer des algorithmes
basés sur des comportements de fourmis. Je me suis intéressé
à plusieurs types de comportements (exploitation, exploration de sources
de nourritures, tri du couvain) ou bien des espèces précises (Pachycondyla
apicalis) pour en déduire des modèles algorithmiques et j'ai
étudié expérimentalement leurs performances.
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ton parcours et situation actuelle, lien encore avec les fourmis ?
Je travaille toujours sur des algorithmes bioinspirés. À long
terme, je cherche à dégager la part fondamentalement efficace
des modèles « fourmis », ce qui n'est pas obligatoirement
facile à traduire en informatique car on travaille surtout en «
simulation » (un seul processeur et des actions synchronisées)
; les réseaux informatiques ou la robotique collective sont plus en phase
avec l'asynchronisme et les aléas que les vraies fourmis rencontrent.
À court terme, je m’intéresse à des problématiques
concrètes : les algorithmes de fourmis dans les graphes, par exemple.
Et depuis toujours (c'est-à-dire la fin de ma thèse) , je m’intéresse
à établir des connexions entre des représentations artistiques
et les modèles de comportements des fourmis.
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citer 3 fourmis (ou autres animaux?) : la plus belle, la plus intéressante
et la plus bizarre
Pachycondyla apicalis car cette fourmis « primitive » a
tout ce qu'il faut pour survivre dans son environnement et cela représente
une forme d'optimisation, et car cela a été une rencontre passionnante
avec Dominique Fresneau.
Formica polyctena car il y a un très beau réseau de nids
à côté de chez moi et je ne me lasse pas d'aller les observer,
les photographier et les filmer !
Gigantiops destructor car son nom impressionne mais surtout car c'est
la première fois que j'ai ressenti le regard observateur d'une fourmi
sur moi (visite du labo de Guy Beugnon dans les années 2000) !
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citer 3 publis, dont celle que tu considères comme la meilleure et celle
qui t'a demandé le plus de travail, et celle qui t'a le plus posé
de problèmes
Monmarché, Nicolas, Gilles Venturini, and Mohamed Slimane: On how
Pachycondyla apicalis ants suggest a new search algorithm. Future Generation
Computer Systems, 16(8):937–946, 2000. ? car ce travail concerne
ma première revue et j'ai adoré le travail long et important pour
que les reviewers soient convaincus de chaque idée développée
et argumentée. Tout n'est pas parfait mais on y a mis toute notre énergie
à ce moment !
Monmarché, Nicolas, Frédéric Guinand, and Patrick Siarry
(editors): Artificial Ants: from collective intelligence to real life optimization
and beyond. ISTE - Wiley, 2010. ? Cet ouvrage collectif (paru en français
auparavant) représente pour moi ce qui est le plus important en recherche,
plus que les publications elle-mêmes, c'est-à-dire les collaborations,
les discussions et les rencontres entre différents domaines.
Monmarché, Nicolas: Swarm art gallery: Virtual ant paintings. Leonardo,
47(1):8– 16, 2014. http://www.mitpressjournals.org/doi/abs/10.1162/LEON_a_00696#
.VZPvY-te7EQ. ? car cela représente le mélange art et science.
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Enfin comment une personne senior considère la situation actuelle et
un conseil à donner à un jeune qui commence
Je ne me considère pas trop comme senior… et il est probable que
ce ne soit jamais le cas ! Je m’intéresses beaucoup plus à
ce que je vais faire que ce que j'ai fait, donc je suis toujours débutant…
Enfin, si je reprends mon départ en sixième, mon seul conseil
est de ne pas écouter ceux/celles qui veulent nous enfermer dans une
incompétence quelconque !
PS. Oui N. Monmarché
n'est pas un senior.. [A. Lenoir]