Interview de Marie-Pierre Meurville

 

PhD student UNIFR | University of Fribourg

 

Mon parcours
Après mon lycée en Franche-Comté, en France, j’ai étudié en Suisse, les sciences de la vie à l’EPFL puis la biologie et la bioinformatique à l’Université de Lausanne. J’ai été attirée par l’évolution, c’est pourquoi j’ai choisi de faire mon projet de Master dans le groupe de Christophe Dessimoz à Lausanne, où j’ai travaillé sur la phylogénie d’épidémies de Staphylocoques dorés. J’ai poursuivi avec un doctorat dans le Laboratoire des Fluides Sociaux sous l’encadrement de la Professeure Adria LeBoeuf, à l’université de Fribourg, où j’ai découvert ma passion pour les fourmis et les insectes en général.

Mon intérêt pour les fourmis
Je n’y connaissais rien en commencant mon doctorat, mais au cours de la rédaction d’une revue sur la trophallaxie durant ma première année de thèse, j’ai eu l’opportunité d’en apprendre beaucoup sur elles. En fait, j’ai découvert tout un tas de comportements étranges et intrigants qui m’ont donné envie de creuser et qui sont à l’origine de ma passion croissante. Ce que j’aime particulièrement chez les fourmis c’est leur diversité, et à quel point elles restent mystérieuses pour nous.

Ma thèse
J’étudie l’évolution de la trophallaxie, principalement entre adultes, mais je m’intéresse aussi à la trophallaxie entre adultes et larves.
Mes recherches et projets actuels
Dans un premier temps, j’essaye de comprendre comment la trophallaxie stomodéale entre adultes a évolué et quels traits, que ce soit l’alimentation, la structure de la colonie ou des données morphologiques ont co-évolués avec ce comportement. J’aimerais aussi comprendre quel rôle la trophallaxie a joué dans la diversification des espèces de certaines sous-familles. Je m’intéresse aussi à l’évolution du liquide trophallactique. Je compare les protéines endogènes présentes dans le contenu du jabot social d’une quinzaine d’espèces pour comprendre comment la composition du liquide trophallactique a évolué et essayer de comprendre comment les fourmis utilisent la trophallaxie comme un moyen de communication.

Citer 3 fourmis :
• La plus belle : Strumigeny emmae. Je trouve ces petites fourmis jolies et je trouve très intéressant les hypothèses qu'on a sur leur adaptation aux milieux souvent perturbés, à savoir une possible production de sexués quand la colonie est encore jeune.
• La plus intéressante : Cyphomyrmex rimosus. Je les trouve très intéressantes pour leur comportement alimentaire; elles semblent cultiver des levures sur un substrat à base de fientes ou de parties d'insectes mélangées avec le contenu de leur estomac, qu'elles laissent sécher. Puis, elles recommencent jusqu'à obtenir une petite boule de substrat. Je trouve ce comportement particulièrement intéressant pour ce qu'il a d'atypique, et à ma connaissance, c'est le seul exemple de ce type d'utilisation du contenu de l'estomac. L'espèce utilise aussi la trophallaxie stomodéale, ce qui rend son réseau nutritif encore plus intéressant pour moi. (Murkami and Higashi, 1997, Social Organization in two Primitive Attine Ants, Cyphomyrmex rimosus and Myrmicocrypta ednaella, J. Ethol. 15: 17-25 with Reference to Their Fungus Substrates and Food Sources)
• La plus bizarre : Melissotarsus weissi. Je les trouve bizarres pour plusieurs raisons. Quand j'ai découvert qu'elles creusaient elles mêmes leur tunnels dans le bois vivant des arbres, j'ai trouvé ça intriguant. Ensuite, j'ai découvert leur morphologie atypique apparemment adaptée aux déplacement dans les tunnels. Enfin, j'ai été intriguée par leur mode d'alimentation qui semble être majoritairement basé sur une espèce de cire produite par des symbiontes. Finalement, apparement les adultes peuvent produire un genre de soie utilisé pour boucher les entrées de leurs tunnels.

Citer 3 publis :
Je n’ai qu’une publication pour le moment, qui est donc ma meilleure, celle qui m’a demandé le plus de travail et celle qui m’a posé le plus de problèmes : c’est une revue sur la trophallaxie (https://doi.org/10.25849/myrmecol.news_031:001)

Enfin comment un(e) jeune chercheur(se) se considère la compétition actuelle et un conseil à donner à un jeune qui commence
Après deux ans et demie de doctorat, j’ai découvert que c’est très important de suivre son instinct et d’oser faire les choses qu’on a envie de faire. J’essaye par exemple de m’impliquer dans la communication scientifique, ce qui m’a poussé à participer à la compétition Ma thèse en 180 secondes, pour laquelle j’ai obtenu le deuxième prix de Suisse. Pour moi, ce genre d’expériences fait aussi partie du doctorat et permet de prendre confiance en soi en tant que scientifique. L’aspect compétitif du monde scientifique est assez effrayant, mais je crois qu’il faut avant tout suivre son instinct et saisir les opportunités, quelles qu’elles soient.

Réf : Meurville, M.-P. and A. C. LeBoeuf (2021). Trophallaxis: the functions and evolution of social fluid exchange in ant colonies (Hymenoptera: Formicidae). Myrmecological News 31: 1-30. doi: 10.25849/myrmecol.news_031:001