Résumé thèse de Doctorat Joël Meunier

Thèse de doctorat, Joël Meunier, juin 2009 : Résolution des conflits et évolution des structures sociales dans les sociétés d’insectes.
Département d’Ecologie et d’Evolution, Université de Lausanne. Jury : PD Dr. Michel Chapuisat, directeur, Prof. Laurent Keller, co-directeur, Dr. Philippe Christe, expert, Dr. Peter Neumann, expert, Prof. Christian Fankhauser, président.

Résumé
Dans les colonies de fourmis et de nombreuses espèces de guêpes et d’abeilles (les Hyménoptères sociaux), seules les reines se reproduisent. De la part des ouvrières, l’évolution de ce surprenant altruisme de reproduction peut être expliquée par la « sélection de parentèle » : les ouvrières transmettent indirectement des copies de leurs gènes en favorisant la reproduction des individusapparentés, c.à.d. les reines. L’apparentement entre reines et ouvrières peut cependant diminuer enfonction des structures sociales, par exemple lorsque le nombre de reine dans la colonie ou leur nombre d’accouplement augmente. Dans ces conditions, la transmission des gènes des ouvrières est réduite et peut donc engendrer de potentiels conflits entre reines et ouvrières. Dans cette thèse, nous avons étudié les liens entre ces conflits et les variations de structure sociale, et exploré les mécanismes induisant des variations du nombre de reines dans les colonies de fourmis.La sélection de parentèle prédit que les ouvrières devraient favoriser l’élevage du couvain auquelelles sont le plus apparentées. Chez les Hyménoptères sociaux, les mâles sont haploïdes et les femelles (ouvrières et reines) diploïdes. En conséquence dans certaines colonies, les ouvrières peuvent être jusqu’à trois fois plus apparenté envers les femelles que les mâles, et de ce fait devraient favoriser la production des femelles. A l’inverse, dans toutes les colonies les reines sont autant apparentées à leurs filles qu’à leurs fils et devraient donc favoriser un sexe ratio équilibré. A l’aide d’une méta-analyse, nous avons démontré que généralement les ouvrières manipulent le sexe ratio dela colonie. En conséquence, l’évolution de structures sociales dans lesquelles l’apparentement des reines et des ouvrières envers les deux sexes est comparable serait un moyen de diminuer le conflit entre les deux classes.Un autre conflit entre reines et ouvrières peut intervenir à propos de la production de mâles. Chez de nombreuses espèces, les ouvrières sont en effet capables de produire des oeufs haploïdes. Dans certaines structures sociales, les ouvrières sont en moyenne plus apparentées aux mâles produits parles reines qu’aux mâles produits par les autres ouvrières. En conséquence, elles devraient éliminer les oeufs d’ouvrières pour favoriser l’élevage des oeufs des reines auxquels elles sont le plus apparentées. Nous avons montré que chez la fourmi Formica selysi, les ouvrières éliminent un plus grand nombre d’oeufs produits par les autres ouvrières que d’oeufs produits par les reines et ce, quelle que soit la structure sociale de la colonie. Nos résultats suggèrent donc que le comportement de « police » des ouvrières peut évoluer indépendamment des variations génétiques, potentiellement pour limiter les coûts de la reproduction des ouvrières sur l’efficacité de la colonie. Le nombre de reine dans une colonie est un paramètre clé qui influence entre autrel’apparentement des individus. La taille des nouvelles reines est généralement liée au succès de fondation de nouvelles colonies par les reines seules. Chez la fourmi Formica selysi, les colonies avec une reine (monogynes) produisent des reines plus grandes que les colonies avec plusieurs reines (polygynes). Nous avons montré que, chez cette espèce, la taille des reines est déterminée par des effets génétiques ou maternels transmis dans les oeufs. Par contre, nous avons aussi montré que les reines produites dans les deux types de structure sociale avaient dans l’ensemble la même capacité de fonder seules de nouvelles colonies. La taille des reines peut aussi influencer leurs capacités de dispersion et contraindre les petites reines à revenir dans leur colonie d’origine après d’être accouplé à proximité. Nous avons testé l’acceptation de nouvelles reines chez une autre espèce, la fourmi Formica paralugubris. Dans cette espèce, toutes les colonies contiennent déjà un grand nombre de reines. Nos résultats montrent que chez cette espèce les ouvrières ne discriminent pas entre les reines du même nid et celles des nids étrangers, et de manière générale n’acceptent que peu de nouvelles reines.En conclusion, cette thèse démontre que les mécanismes influençant le nombre de reines dans une colonie et l’influence de ces changements sur la résolution des conflits sont complexes. Les donnéesprésentées représentent donc une base solide pour explorer plus avant l’évolution et la maintenance des structures sociales chez les insectes sociaux.