Interview de Jean-Luc Marrou

Interview de Jean-Luc Marrou (2009), fondateur et responsable d’AntArea

D’où vient le nom AntArea ?
Au début de l’année 2006, au moment du lancement du projet, il fallait lui trouver un nom. C’est toujours un exercice compliqué car il faut d’une part, qu'il sonne bien mais d'autre part, qu'il corresponde aussi à l’état d’esprit de ce que l’on veut lancer : quelque chose de simple et de percutant, et en même temps très représentatif. Passionné de cinéma, j’ai repensé à un film que j’avais vu quelques années auparavant : “ Cocoon “ de Ron Howard, Les extraterrestres du film venaient de la planète AntArea. L’utilisation de ce nom m’a semblé très approprié à ce qui allait se mettre en place.

Comment les choses démarrent-elles ?
Cela commence grâce à Internet et ma rencontre sur un forum, avec des amateurs, passionnés de Myrmécologie.
C’était en Mars 2004. Ce fut une véritable rencontre avec les membres de ce forum, une révélation autour d'une passion commune. Ce fut un moment fécond, très riche, nous échangions sur beaucoup de sujets, en compagnie de Bruno Gentile notamment et surtout de Benoit Guénard, jeune étudiant myrmécologue à l’époque et que Bruno venait de rencontrer sur Montréal. Des liens se créaient. Nous correspondions par MSN. C'était d’une grande richesse. C’était un moment où je me mettais très sérieusement à la systématique. J’apprends et j’essaye alors de progresser dans cette exercice difficile, avec l’appui d’Henri Cagniant, rencontré quelques années auparavant. J’essaye d’élaborer une clé sur les sous-familles de Camponotus et de Messor, donc cela me pousse à travailler à partir des références existantes ( Bondroit, Bernard…..). Ce travail me permet de me rendre compte d'un manque important : Aucune étude rigoureuse sur la répartition des fourmis sur notre territoire, à part la tentative de Francis Bernard, n'existe vraiment. Quelque chose est à créer mais comment procéder en tant qu’amateur ? L’idée de départ était d’utiliser Internet, cet outil fabuleux où des gens qui ne se sont pas forcement rencontrés peuvent devenir assez liés pour construire ensemble sur la base d’un volontariat et de désirs communs. J’ai plein d’idées, il faut alors les ordonner. Les échanges avec Benoît Guénard ont été précieux dans cette période d’élaboration.

La rencontre avec Henri Cagniant ?
Henri Cagniant, c’est effectivement une rencontre. Dix ans déjà, grâce à Luc Passera que j’étais allé voir dans son laboratoire, en 1998. Passionné par les fourmis du genre Camponotus, je lisais tout ce que je trouvais dessus, je faisais des recherches à la bibliothèque de l’Université de Rangueil à Toulouse. Je suis allé rencontrer Luc Passera qui m’a reçu chaleureusement et m'a fait visiter son laboratoire. Peu de temps avant ma visite, j’avais trouvé une référence, un article d’un certain Henri Cagniant sur les Camponotus du Maroc. Luc Passera m’a appris que c’était un collègue à lui, à la retraite depuis peu et habitant près de l’Université. J’ai écrit un petit mot à Henri qui m’a proposé de le rencontrer et depuis, on ne s’est plus quitté !!!

Comment s’engage t-il dans le projet AntArea ?
S’il lit ces quelques lignes, je sais qu’il ne va pas aimer ce que je vais dire. Il a été un soutien de poids. Henri Cagniant est le dernier grand systématicien français, professeur d’Université et à présent à la retraite. Il s’est passionné toute sa vie pour les fourmis, et pendant près de quarante ans, il a publié des travaux qui font référence dans le domaine scientifique.
Il est d’une très grande humilité. Il a beaucoup de considération pour les amateurs dont je fais partie, ce qui n’est pas des plus courants dans le microcosme scientifique. Il m’a fait confiance dés le début en s’engageant et en soutenant tout ce que j’ai pu lui proposer. Il est indubitable que sans lui, sans son investissement, et sa confiance, AntArea n’aurait jamais vu le jour. Sa seule réticence venait de sa décision antérieure de ne plus s’occuper que de systématique des espèces marocaines. Là, il a fallu le convaincre de revenir aux espèces françaises.

AntArea démarre début 2006, avec pour objectif ?AntArea a été lancé en Mars 2006 avec pour objectif l'inventaire et la localisation des espèces de fourmis présentes sur le territoire français.
Francis Bernard, avec son ouvrage, "Les fourmis d'Europe occidentale et septentrionale" (1968, MASSON et Cie editeurs-Paris) s‘était essayé à ce difficile exercice. Aujourd'hui, quarante ans après sa parution, il paraît évident que ce travail est incomplet et qu'il comporte un grand nombre d'erreurs, même si il reste une référence essentielle. Une mise à jour s'imposait, avec d’autres moyens. Il restait à trouver la forme, d’où l’idée de partir d’Internet. C’est un outil technique moderne, incontournable par sa capacité à établir des contacts, favoriser les échanges et diffuser rapidement les informations, ce qui offre des perspectives d'utilisations intéressantes dans l’optique de rendre de telles données accessibles à tous. On est donc parti sur un projet à long terme, il restait à concevoir un protocole assez rigoureux pour fiabiliser la mission qui était fixée.

Qui sont les différentes personnes qui s'occupent du projet? Quel est leur rôle?
Nous sommes actuellement sept. A mes côtés, on trouve Bernard Le Roux et Christian Dégache.
Bernard Le Roux est un informaticien qui s’est proposé pour repenser l’interface et l’armature du site. Grâce à lui, l'ergonomie et le graphisme du site ont été complètement repensés, de façon à rendre le traitement des données le plus fonctionnel possible.
Christian Dégache membre bien connu des forums de passionnés de fourmis, s’occupe de la saisie des données.
C’est un travail énorme qu’il effectue avec une très grande application. Il réceptionne aussi les envois de fourmis en tant que coordinateur pour certaines régions.
Ces derniers mois, suite à un problème, lui et Bernard ont fournit un travail monumental pour rétablir rapidement AntArea dans ses fonctionnalités. Ils se sont investis sans compter dans ce projet. Leur collaboration, leur rigueur et leurs compétences respectives sont plus que précieuses.
Ensuite, on trouve Hugo Darras et Sylvain Mathieu, qui interviennent comme coordinateurs de régions.
Ils centralisent les récoltes, les trient puis les transmettent aux identificateurs.
Ce sont aussi des passionnés de fourmis. Ils sont tous les deux étudiants en Ecole d'ingénieur (Agronomie).
Pour finir, Christophe Galkowski et Henri Cagniant sont nos identificateurs. Ils identifient les espèces envoyées par les membres. C’est aussi un très gros travail. Christophe Galkowski, est Professeur de Sciences Naturelles dans le Bordelais, un autre passionné de fourmis. Il est venu nous rejoindre comme second déterminateur au sein de l'équipe. Par ses compétences en systématique son aide nous est vraiment précieuse.

Que faut-il faire pour participer ?
Il suffit d'envoyer des fourmis en respectant le protocole proposé. La participation et la contribution sont possibles pour qui le souhaite. Toutes les personnes voulant contribuer au projet sont les bienvenues. Toutes les données collectées seront mises en ligne et accessibles à tous.
Pour devenir récolteur, participer au projet, rien de bien compliqué. Après avoir, au préalable récupéré, sur le site (http://antarea.fr/antarea/viewtopic.php?f=18&t=54) la fiche suiveuse des échantillons sur laquelle vous enregistrez les informations demandées, vous retournez le tout (Fiche et échantillons) au coordinateur de votre région, par la poste.
Celui-ci vous tiendra au courant du traitement de vos données. A partir du moment, où il reçoit votre fiche suiveuse et vos échantillons, vous devenez membre de fait de la communauté d'AntArea. Ceci vous donne alors les droits d'accès en tant que membre au Forum, c'est à dire que vous pouvez y poster des messages alors que les simples invités, non membres, peuvent seulement le consulter.
Donc, est Membre d'AntArea tout récolteur ayant, au moins une fois, envoyé des échantillons avec une fiche suiveuse remplie.

Comment puis-je consulter la liste des espèces déjà recensées dans ma région?
En allant sur le site : http://www.antarea.fr et en cliquant sur localisation en haut à gauche, la racine de l’arborescence.

Comptez vous donner un véritable statut d'association à AntArea ?
C’est une idée sur laquelle nous réfléchissons, nous avons aussi des idées de partenariats avec d’autres projets. Peut être qu’en fusionnant, AntArea pourrait s’inscrire sous l’égide d’une Association. Sur ces points très précis nous n’avons pas encore décidé de ce que nous allons faire. C'est encore ouvert, ce sera sans doute décidé dans les prochains mois.
A suivre…

Allez- vous dans un futur (proche ou lointain) sortir une véritable liste sur format papier, type livre ?
Je suppose que vous voulez parler d’une liste exhaustive des différentes espèces de fourmis présentes en France. Pourquoi pas ? Mais cela me semble un peu prématuré. Je pense que ce genre de choses ne peut se faire qu‘après plusieurs années d‘existence et une accumulation importante de données. A l’heure actuelle, ce serait ? mettre la charrue avant les boeufs ?. Pour l‘instant, on préfère se concentrer sur le développement du site, le faire connaître de façon à ce qu’un maximum de gens aient le désir d’y participer et de récolter ainsi le maximum de données possibles. Je crois que ce sera peut être envisageable dans quelques années.