Rencontre avec l’homme-fourmi de Hong Kong
Mis à jour le 06-Jui-2023
Rencontre avec l’homme-fourmi de Hong Kong, lepetitjournal.com de Hong Kong, par Didier Pujol, 4 juin 2023. Voir Antman
"Surnommé affectueusement par ses amis "ant-man", Benoit Guénard, est chercheur et enseignant français à Hong Kong, spécialiste de la biodiversité et expert du monde des fourmis. Il est à l’origine du premier musée de la biodiversité à Hong Kong. Nous l’avons rencontré. Très jeune, je m'intéressais aux insectes
Quel est votre
parcours ?
Depuis
très jeune, j’ai eu la chance d’être exposé
à la biologie, par mon père d’abord qui lui-même est
agronome et phytopathologiste et également dans le reste du cadre familial
où j’avais la permission de garder toute sorte d’animaux
à la maison. Très vite, je m’intéressais aux insectes.
J’ai donc fait mes études supérieures en biologie naturellement.
À 21 ans, je suis parti pour Montréal au Québec, et c’est
par 6 semaines de cours de terrain dans la forêt laurentienne que j’ai
commencé une nouvelle vie. Rapidement, j’ai eu l’opportunité
de faire un premier projet de recherche sur les fourmis dans l’un des
laboratoires de l’université en collaboration avec le Biodôme
de Montréal. C’est de là qu’est née ma passion
pour les fourmis que j’étudie depuis plus de deux décennies
maintenant. En 2014, j'ai eu l'opportunité de monter mon propre laboratoire,
the Insect Biodiversity and Biogeography Laboratory, au sein de l’Université
de Hong Kong comme professeur assistant. Je suis ensuite devenu professeur associé
titulaire en 2020.
Qu’est-ce
qui créé cette passion pour les insectes ?
Enfant,
je passais alors des heures à observer autour de moi, et puis il faut
bien l’avouer à expérimenter un peu, pas toujours de la
façon la plus rigoureuse, ni délicate. Dans ce terrain de jeu,
les animaux que je rencontrais le plus souvent étaient les insectes et
j’ai donc progressivement commencé à me questionner sur
ce qu’ils étaient, ce qu’ils faisaient, combien il y en avait…
Et puis dans un livre j’ai lu un jour qu’ils y en avaient plus d’un
million d’espèces, alors que nous, les mammifères, ne comptons
qu'à peine 6000 espèces. Au début des années 90,
alors que le terme biodiversité commençait à se populariser,
je me suis dit que je devrais étudier ce groupe qui représente
près de 60% de toute la vie sur terre. Ce fut les fourmis, petit groupe
d’insectes avec 16,000 espèces connues, qui m’ont d’abord
émerveillé par leur comportement au semblant si proche de nos
sociétés, puis ensuite leur écologie et leurs rôles
et importance dans la plupart des écosystèmes terrestres.
Vous êtes
à l’origine du premier musée de la biodiversité de
Hong Kong. Comment vous est venue cette idée ?
Lorsque je suis arrivé à l’Université d’Hong
Kong (HKU) en 2014, le technicien en chef de l’époque m’a
gentiment fait faire le tour des installations. Dans le fond d’un couloir,
il me montra une pièce dans laquelle se trouvait un certain nombre de
spécimens incluant des mammifères, des oiseaux, batraciens, reptiles,
insectes, coraux, mollusques et autres… Ça ressemblait alors plus
à un petit entrepôt avec des spécimens entassés qu’à
une collection biologique bien ordonnée. Dans mon temps libre, je commençai
donc à organiser la collection, ajouter de nouveaux spécimens,
beaucoup étant éparpillés dans le département, voire
carrément amassés dans des cartons ou sous clef dans des placards
depuis une vingtaine d’années. Progressivement l’idée
de de partager nos connaissances sur l’incroyable diversité des
espèces que l’on peut trouver ici, en Asie et ailleurs a fait son
chemin. C’est en novembre 2020, grâce à une bourse du gouvernement
Hongkongais (Environment and Conservation Fund) que j’ai pu embaucher
notre première curatrice. Le 22 Mai 2021 (jour de la biodiversité),
le musée fut ouvert officiellement au public, et depuis c’est près
de 20,000 visiteurs qui l’ont visité et gratuitement !
Quel message
aimeriez vous faire passer aux jeunes (et moins jeunes) concernant la nature
?
S’intéresser à la nature, c’est s’intéresser
à la vie, qui au cours de centaines de millions d’années
d’évolution a pris bien des chemins pour survivre, s'adapter et
se multiplier. La nature est un théâtre d’épanouissements
permanent. Au Hong Kong Biodiversity Museum, nous incitons les gens à
changer de points de vue et à s’émerveiller. C’est
avec des connaissances que l’on gagne le respect pour la nature, et à
partir de là que l’on souhaite la protéger.
Quels sont les
projets sur lesquels vous travaillez aujourd’hui?
Au
quotidien, j’ai deux jobs. Comme enseignant-chercheur d’abord, où
mon laboratoire étudie des problématiques liées aux invasions
biologiques, changements des communautés d’espèces en réponse
à un nombre de perturbations écologiques, descriptions de nouvelles
espèces, rôles et importances des insectes au sein des écosystèmes
mais aussi dans nos sociétés… J’ai plusieurs projets
de recherches traitant de ces questions à Hong Kong, en Chine et en Asie.
De l’autre
côté, la direction du Hong Kong Biodiversity Museum est une toute
autre aventure, également très enrichissante. Nous avons plusieurs
projets en cours afin de maintenir l’intérêt du public et
pour s’adresser à un public toujours plus large soit en ligne ou
en personne ; incluant le développement d’expositions dans différents
quartiers de Hong Kong. En ce moment, nous travaillons sur la digitalisation
de la collection pour rendre la collection accessible en ligne... "