Gervet Jacques (-2018)

A Toulouse (1965)  

Alain Lenoir Mis à jour 29-Avr-2019

Selon un mail du 6 décembre 2018 de la SFECA "Nous venons d'apprendre le décès de notre collègue Jacques GERVET, qui fut directeur de l'équipe d'éthologie théorique à Marseille avant d'intégrer le Centre de Recherche sur la Cognition Animale à Toulouse en 1994. Il a été pendant longtemps un des piliers de la Société Française pour l'Etude du Comportement Animal. Après l'arrêt de ses activités au laboratoire, Jacques Gervet a poursuivi une intense activité intellectuelle en écrivant plusieurs ouvrages dont "Les parallèles se rencontrent à l'infini" (2016), "Lumières et ombres des humanismes athées contemporains" (2014), " Du réflexe au désir : pour une archéologie du sens" (2018) article à paraître dans la Revue de questions scientifiques de l'Université de Namur."

Selon Michel Pratte (mail du 12 décembre 2018) "Jacques GERVET, Directeur de Recherche au CNRS, nous a quittés le mercredi 5 décembre 2018. Jacques a fait ses débuts de chercheur en 1954 au Laboratoire d’Évolution des Etres organisés dirigé par P.P. Grassé, à Paris. Arrivé à Marseille au début des années 1960 lors de la création de l’Institut de Neurophysiologie et Psychophysiologie dirigé par J. Paillard, Jacques Gervet intègre le département de Comportement Animal. Il soutient en 1965 sa thèse d’État ayant pour thème « La ponte et sa régulation dans la société polygyne de Polistes gallicus ». Après avoir dirigé, de 1985 à 1994, l’équipe « Ontogenèse du comportement et vie sociale » au sein du Groupe des Laboratoires de Marseille, Jacques Gervet rejoint, jusqu’en fin de carrière, le Laboratoire d’Éthologie et Psychologie Animale de Toulouse, qui deviendra le Centre de Recherches sur la Cognition Animale (CRCA). Jacques a toujours pris très à cœur les tâches d’ enseignement, de formation, et assuré aux étudiants un encadrement à la fois méthodique et ouvert à la discussion ; il a toujours tenu à soutenir et aider ses étudiants en thèse, à leur obtenir un débouché professionnel au CNRS ou à l’Université. Jacques Gervet a développé tout au long de sa carrière scientifique, avec ses étudiants et collaborateurs, deux axes de recherche en utilisant comme modèles animaux la guêpe sociale Poliste et la guêpe solitaire Ammophile :
- Le premier axe concernait l’étude de comportements instinctifs complexes (construction du nid chez le Poliste ; épigenèse de la séquence de paralysation de la proie et déroulement du cycle de nidification chez l’Ammophile).
- Le deuxième axe de recherche s’intéressait aux interactions entre individus au sein d’un groupe social, depuis l’effet de groupe (sensu Grassé) jusqu’à l’auto-organisation des tâches collectives dans la société de Polistes.
Jacques Gervet s’est également beaucoup intéressé aux problèmes épistémologiques posés par l’étude du comportement animal, comme l’application des notions de système et de niveau d’intégration, ou le type de représentation du monde que peut se faire un animal (co-édition de l'ouvrage "La représentation animale" aux Presses Universitaires de Nancy, 1992). Il a aussi réfléchi sur les étapes évolutives ayant conduit à l’apparition des processus intentionnels chez les animaux. Dans le domaine de l’évolution des systèmes vivants, il a d’abord fait une critique sévère de la Sociobiologie et des excès du darwinisme social (co-édition de l'ouvrage "Misère de la sociobiologie", PUF, 1985). Puis il a souligné l'existence des modes de transmission non génétiques des comportements (environnemental, proto-culturel), ce qui permet de discuter d’un modèle darwinien de l’hominisation qui n'implique aucune nécessité d'une guerre entre individus ou entre lignées. Dans son dernier article scientifique, à paraître dans la Revue de Questions Scientifiques (Université de Namur), il recherche chez l’Humain ce qui marque l’ascendance phylogénétique et ce qui spécifie la rupture par rapport au Primate pré-humain, notamment au niveau linguistique.
Jacques Gervet avait conservé une activité intellectuelle intense qui s’est traduite par la publication, ces dernières années, de deux ouvrages traitant des relations difficiles entre le catholicisme et les « humanismes athe´es contemporains » que sont le marxisme, le freudisme et le rationalisme scientiste (Lumières et ombres des humanistes athées contemporains, Ed. Baudelaire, 2014; Les parallèles se rencontrent à l'infini. Ed Mélibée, 2016). Tout au long de sa vie, il fut un humaniste engagé socialement (par son implication dans le syndicalisme) et politiquement (par son soutien sans faille à la Palestine). Il s’est essayé au théâtre, auteur de « La Quête de Gilgamesh » (2006, ed. JY Normant) reprenant des thèmes anciens pour questionner l’actualité : relations entre hommes et femmes, rapports entre politique humaine et soumission divine, recherche d’immortalité ... Nous perdons un ami, un collègue dont les grandes qualités humaines et l’ouverture d’esprit nous ont marqués
."