Recherches sur l'écologie, la physiologie et l'éthologie des Fourmis du Sahara
Thèse Doctorat d'Etat, Gérard Delye, 1968
Importance des Fourmis dans l'entomofaune saharienne et intérêt de l'étude de leurs relations avec le milieu désertique.
Au Sahara,
malgré la sécheresse extrême, les grandes étendues
complètement dépourvues de végétation vivace sont
peu nombreuses. Dans les régions les moins arrosées existent en
général des milieux privilégiés (souvent de surface
minime) où l'humidité du sol est suffisante pour permettre le
développement de quelques buissons. Le plus maigre peuplement végétal
vivace (voir une plante isolée si elle est de taille importante) permet
l'établissement d'une faune variée dont les Insectes constituent
la plus grande partie. Parmi ces derniers, les Coléoptères, les
Termites et les Fourmis sont les trois groupes les plus constants et les plus
abondamment représentés. Les Coléoptères ne sont
le plus souvent adultes et actifs que quelques mois par an. Les Termites quittent
rarement la profondeur du sol. Les Fourmis, au contraire, se font toujours remarquer
: beaucoup d'espèces sont diurnes et les ouvrières circulent en
grand nombre aux alentours du nid dont les orifices et les cratères sont
souvent bien visibles.
Une partie des Insectes sahariens échappe aux rigueurs du climat : ou
bien ils se cantonnent dans des milieux non désertiques, ou bien leur
vie active se déroule pendant les mois les plus favorables. Une diapause
parfois très longue leur permet d'éviter les périodes où
la température et la sécheresse deviennent difficilement supportables.
Au contraire, une société de Fourmis dure plusieurs années
pendant lesquelles son activité ne subit pas d'arrêt total. Chez
la majorité des espèces il n'y a pas de diapause hivernale : pendant
les mois froids, les ouvrières quittent le nid dès que le réchauffement
dû à l'insolation est suffisant. En été, malgré
les températures très élevées, la sécheresse,
et l'appauvrissement des ressources alimentaires, il n'existe pas d'estivation.
La plupart des espèces ne faisant pas de réserves, les ouvrières
sont obligées de quitter le nid quotidiennement pour se ravitailler.
Elles sont alors exposées à des conditions climatiques qui peuvent
être extrêmement sévères.
L'organisation
sociale des Fourmis, et la nécessité d'approvisionner, outre les
adultes, un couvain souvent très abondant, amènent les ouvrières
à fourrager en grand nombre sur une suface restreinte. Ces Insectes sont
ainsi un élément écologique dominant qui agit fortement
sur la faune et sur la flore. L'action des Fourmis sur la faune consiste le
plus souvent en une destruction des petits Arthropodes par les espèces
carnassières. Leur action sur la flore est indirecte,
lorsque les Fourmis entretiennent et exploitent des Homoptères, ou au
contraire détruisent les Insectes phytophages. Elle est directe quand
les Fourmis moissonneuses récoltent la presque totalité des graines
tombées aux alentours du nid et cueillent des graines vertes ou de menus
rameaux. Il était donc intéressant d'étudier de façon
approfondie la biologie des Fourmis dans le milieu désertique. On n'a
jusqu'à présent étudié ces Insectes que dans des
régions tempérées humides (Europe, Amérique du Nord);
l'eau y manque rarement, la nourriture est abondante, mais les basses températures
hivernales provoquent un arrêt complet de l'activité des sociétés
pendant une partie importante de l'année.
Les principaux problèmes étudiés.
Cette étude des relations entre les Fourmis et le milieu saharien est
évidemment incomplète ; j'ai du limiter mes recherches à
quelquesuns des problèmes les plus importants. Une étude du climat
de Béni Abbès et des microclimats fréquentés par
les Fourmis précisera les conditions physiques dans lesquelles vivent
ces Insectes ; ces conditions sont généralement bien différentes
de celles qui régnent dans les abris météorologiques. Un
inventaire des espèces, dans le cadre de l'écologie des principaux
biotopes, mettra en évidence des peuplements myrmécologiques définis.
Quelques espèces se distinguent par leur fréquence et leur constance
élevée dans les milieux désertiques. J'étudierai
leurs réactions vis-à-vis de la chaleur et de l'humidité.
Les limites de leur résistance à ces deux facteurs seront comparées
avec les données de la microclimatologie. L'étude de leur comportement
permettra d'apprécier dans quelle mesure les Fourmis s'exposent vraiment
aux rigueurs du climat. D'éventuelles adaptations à la vie désertique,
portant sur la structure du nid, l'alimentation, le mode de reproduction des
sociétés seront également recherchées.
Avant d'aborder ces problèmes, je crois utile de donner la liste des
espèces de Fourmis qui ont été signalées au Sahara.
Cette liste permettra d'apprécier la valeur de la faune de la région
de Béni Abbès, en tant qu'échantillon de la faune du désert.
Un rappel des limites du Sahara et des principaux travaux sur les Fourmis précédera
cet inventaire.
Quelques photos de Cataglyphis bombycina :