Pour capturer d’énormes proies, une fourmi guyanaise,
Azteca andreae, qui vit en symbiose avec un arbre, utilise l’effet Velcro.
Émilie Auvrouin| 10 juillet 2010. Lien
Comment attraper des proies 5000 fois plus grosses que soi lorsqu’on est une fourmi ? En utilisant l’effet Velcro ! C’est ce que viennent de mettre en évidence l’équipe d’Alain Dejean et ses collègues du Laboratoire Écologie des forêts de Guyane du Campus agronomique, à Kourou, en collaboration avec des chercheurs de l’Université Blaise Pascal à Clermont-Ferrand, de l’Université de Toulouse et de la station biologique de Donana en Espagne.
C’est par hasard que le principe du Velcro a été découvert par l’ingénieur suisse Georges de Mestral. Au retour d’une promenade à la campagne, celui-ci remarqua qu’il était difficile d’enlever les fleurs de bardane accrochées à ses vêtements. En examinant ces fleurs au microscope, il constata qu’elles étaient recouvertes de petits crochets, en forme d’hameçons, pris dans les boucles du velours de ses vêtements. C’est ainsi qu’il eut l’idée du Velcro (« Vel » pour Velours et « cro » pour crochets), qu'il fit breveter en 1951. Aujourd’hui, par abus de langage, on emploie le terme Velcro© pour désigner tout système auto-agrippant obtenu en pressant l’une contre l’autre une bande recouverte de velours, l’autre de crochets.
Près de soixante ans plus tard et à des milliers de kilomètres de la Suisse, l’équipe d’Alain Dejean s’est intéressée à la relation symbiotique qui lie la fourmi Azteca andreae à un arbre typique de la Guyane, le Cecropia obtusa, connu aussi sous le nom de bois canon. Les tiges creuses de l’arbre, qui atteint parfois les 20 mètres de haut, servent de refuge à ces fourmis, qui, en échange le protègent des agresseurs. Ces tiges leur fournissent également une partie de leur nourriture. Pour attraper les insectes, ces fourmis ont développé une stratégie surprenante et qui s'appuie sur le principe Velcro que nous connaissons.
Alignées sur la bordure des feuilles, telles des fantassins prêts à donner l’assaut, elles attendent qu’un insecte se pose. Les chercheurs ont constaté que dans cette position, les fourmis s’accrochent solidement aux feuilles en entremêlant les griffes (les crochets) qu’elles portent au bout des pattes, au duvet qui tapisse la face interne des feuilles (le velours). Fortement arrimées à la feuille grâce à cet effet Velcro, ces groupes de fourmis sont alors capables d’immobiliser un insecte imprudent, tandis que d’autres fourmis se chargent de donner l’assaut.
Grâce à cette stratégie, très efficace, elles osent ainsi s’attaquer à des proies beaucoup plus grosses qu’elles. Ainsi, il n’est pas rare d’observer des fourmis capturer des insectes de plus de 5000 fois leur poids. La plus belle prise est un criquet de 13 350 fois le poids d’une ouvrière !