Thèse de Pierre Blacher

Résumé

L’existence de conflits est une caractéristique inhérente aux sociétés animales dont la structure génétique est non clonale. L’objectif principal de cette thèse était d’étudier les décisions reproductives individuelles des ouvrières en lien avec la dynamique coopération/conflit dans les sociétés annuelles du bourdon Bombus terrestris. Les colonies de B. terrestris présentent la particularité de se développer selon deux phases distinctes : une phase sociale caractérisée par une coopération altruiste des ouvrières et une phase de compétition durant laquelle les ouvrières entrent en conflit entre elles et avec la reine pour la production des mâles. L’analyse détaillée du comportement de dérive en conditions semi-naturelles a permis de démontrer l’existence d’une stratégie de reproduction supplémentaire pour les ouvrières ; quand le conflit s’exprime, certaines ouvrières fertiles quittent leur nid pour se reproduire dans les colonies voisines de la même espèce. Cette stratégie alternative de reproduction permet aux ouvrières d’éviter l’inhibition reproductive au sein de leur nid et d’optimiser ainsi leur inclusive fitness. Nos études ont de plus révélé que les ouvrières ajustent de façon adaptée leur comportement reproducteur à l’environnement social. La grande plasticité reproductive des ouvrières repose sur leur capacité à détecter et à traiter de multiples informations pertinentes de leur environnement social. Enfin, les résultats de cette thèse suggèrent l’existence d’une stratégie de défense coloniale contre le parasitisme reproductif des ouvrières. De part leur signature chimique spécifique, les parasites potentiels sont reconnus et discriminés comportementalement à l‘entrée du nid par les gardes. Cette pluralité de stratégie de reproduction à la disposition des ouvrières est marginale au sein des hyménoptères sociaux, et les résultats obtenus de ce travail nous conduisent à discuter les traits d’histoire de vie de B. terrestris qui ont pu favoriser leur évolution.