Interview de Caroline Birer
Mis à jour 24-Mar-2021
- ton parcours
?
J’ai réalisé des études de Pharmacie à Clermont-Ferrand,
tout en me formant à la recherche grâce à quatre stages
réalisés dans des laboratoires de Pharmacognosie (études
des molécules actives des plantes médicinales), et ce à
chaque fois loin de Clermont-Ferrand ! J’ai réalisé ces
stages à Copenhague, à Marseille, à Phnom Penh et à
Toulouse. J’ai complété mon parcours universitaire avec
un Master 2 recherche en chimie des produits naturels à la faculté
de Pharmacie de Châtenay-Malabry, et j’ai réalisé
mon stage de fin d’étude au sein des Laboratoires Pierre Fabre
à Toulouse. Cette formation initiale à l’étude phytochimique
des plantes m’a beaucoup intéressée et motivée à
poursuivre en thèse de sciences.
-
comment a débuté ton intérêt pour les fourmis ?
L’été avant de commencer ma thèse de sciences en
Guyane, j’ai défendu ma thèse d’exercice de Pharmacie
en proposant une revue de la littérature sur les fourmis et les métabolites
de fourmis utilisés dans les Pharmacopées traditionnelles dans
le monde, afin de montrer que les insectes, et plus particulièrement
les fourmis, peuvent constituer une source d’inspiration pour les médicaments
de demain. Mon intérêt pour les fourmis venait de commencer cet
été 2013 ! Après la lecture de quelques ouvrages sur les
fourmis et la rencontre avec des myrmécologues locaux (Christine
Errard et Bruno Corbara)
je me suis envolée pour la Guyane.
-
ta thèse ?
J’ai réalisé un changement thématique en débutant
ma thèse sur les fourmis tropicales de Guyane, au sein de l’UMR
Ecofog encadrée par Christophe Duplais (CR chimie des produits naturels
CNRS) et Niklas Tysklind (CR écologie moléculaire INRA) et Lucie
Zinger (maître de conférences ENS Paris écologie des communautés)..
Premièrement, le challenge méthodologique de biologie moléculaire
pour extraire suffisamment d’ADN des bactéries à la surface
d’une fourmi a été résolu par la comparaison de quatre
méthodes d’extraction différentes. J’ai donné
de nombreux bains aux fourmis durant ma thèse ! J’ai plus particulièrement
étudié le microbiote bactérien cuticulaire de deux espèces
de fourmis vivant au sein d’un même nid, Crematogaster levior
et Camponotus femoratus, dans ce que l’on appelle les jardins
de fourmis. Au sein de ce modèle d’étude fascinant, il s’avère
que le microbiote bactérien cuticulaire est principalement acquis dans
l’environnement, mais qu’une partie est spécifique à
l’espèce de fourmis. J’ai également isolé des
actinobactéries de la cuticule des fourmis, pour étudier la présence
de métabolites bioactifs avec des propriétés antibiotiques
et antifongiques par spectrométrie de masse. Des cultures combinées
de souches d’actinobactéries issues d’une même espèce
de fourmis, Ectatomma tuberculatum, ont montrées une augmentation
de l’activité antibiotique comparé aux monocultures. Les
analyses de spectrométrie de masse avec la technique des réseaux
moléculaires ont permis d’identifier la présence de molécules
antibiotique de type antimycine par exemple.
-
ton parcours et situation actuelle, lien encore avec les fourmis ?
J’ai continué mes travaux de thèse pendant 6 mois en tant
que post-doc au sein du Muséum d’Histoire Naturelle de Chicago,
aux Etats-Unis, invitée par Corrie Moreau. Puis, j’ai effectué
un post-doc de 2 ans à l’Université de Pittsburgh dans l’équipe
d’Erik Wright pour étudier les interactions chimiques entre les
bactéries du sol. Grâce à une plaque 96 puits imprimée
via une imprimante 3D et à un robot couplé à un spectromètre
de masse, il a été possible d’étudier l’exométabolome
à l’échelle « high-throughput ». J’ai
également participé à la mise en place d’une base
de données pour les chercheurs travaillant autour de la thématique
des intéractions entre les produits naturels et les médicaments
NapDi, dans l’équipe de Rich Boyce. J’ai passé le
DU de mycologie à la faculté de Pharmacie à Lille dirigé
par Régis Courtecuisse en 2020. Depuis septembre 2020, je suis maître
de conférences à l’Université de Tours, à
la faculté de Pharmacie et au sein de l’équipe BBV pour
Biomolécules et Biotechnologies végétales. Je participe
aux enseignements de mycologie, biochimie végétale et botanique
destinés aux étudiants de Pharmacie. Mes projets de recherche
utilisent des techniques de métabolomique, au sein de ma nouvelle équipe,
pour élucider les voies de biosynthèse des alcaloïdes des
plantes tropicales de la famille des Apocynaceae notamment.
-
citer 3 fourmis (ou autres animaux?) : la plus belle, la plus intéressante
et la plus bizarre
La plus belle (et timide), Daceton
armigerum avec sa tête en forme de cœur, la plus intéressante
et impressionnante ! , Paraponera
clavata et son venin puissant, et la plus bizarre Myrmelachista
sp. qui vit dans les
jardins du diable (vu au Mont Galbao, Guyane).
-
citer des publis.
Voici mes deux publications de thèse sur les fourmis (la dernière
est toujours dans les tiroirs…)
C. Birer, C. S. Moreau, N. Tysklind, L. Zinger and C. Duplais.
Disentangling the sources of ant cuticular microbiota of two Amazonian ant species
sharing a common arboreal nest, Molecular Ecology, 2020, 29, 7, 1372:1385.
C. Birer, N. Tysklind, L. Zinger, C. Duplais (2017). Comparative analysis of
DNA extraction methods to study the body surface microbiota of insects: a case
study with ant cuticular bacteria. Molecular Ecology Resources, 2017, 17,6,
e34-e45, doi: 10.1111/1755-0998.12688.
-
Enfin un conseil à donner à un jeune qui commence
Profiter des opportunités, toujours dire oui pour découvrir de
nouvelles thématiques. S’intéresser aux travaux des scientifiques
autour de soi, même si ce n’est pas de son domaine. Ne pas avoir
peur de la multidisciplinarité, qui est très recherchée,
et ne jamais cesser d’apprendre. L’attitude est très importante,
il faut être volontaire, positif et ouvert. Bon courage à tous
!
A la conférence internationale de Métabolomique à la Haye 07/2019 :
Equipe du laboratoire de thèse en 2016 de Caroline Birer (de gauche à
droite : Nadine Amusant, Emeline Houël, Caroline Birer, Christophe Duplais,
Cyrielle Sophie, Claudiane Flora, Yannick Estevez, étudiante L3)
Prélèvement de fourmis en condition stérile sur le terrain
en Guyane en 2014 (Axel Touchard, Caroline Birer, Christophe Duplais et Isabelle
Boulogne)
Prélèvement des fourmis des jardins de fourmis, Nouragues en 2016
(Caroline Birer, Niklas Tysklind)
Expédition Nouragues 2016 (Christophe Duplais, Corrie Moreau, Jérôme
Orivel, Caroline Birer, Andy Suarez, Frédéric Petitclerc, Niklas
Tysklind, Mélanie Fichaux, Axel Touchard