Dyssomnie en milieu agricole

Alain Fraval - Epingle 1286 (Lien)
De nombreux facteurs concourent à la mauvaise santé des Abeilles domestiques et à la perte de ruches : perte d'habitats, parasitisme par le Varroa, maladies importées, souches productives mais fragiles… et les insecticides répandus sur les champs, les vergers, les jardins… et appliqués en enrobage de semences.
Parmi ces derniers, les très populaires néonicotinoïdes, qui agissent sur les récepteurs cholinergiques des insectes, ont des effets délétères sur les abeilles même à des doses qui ne les tuent pas, aboutissant au déclin et à la mort de la colonie. Le mécanisme en est resté mystérieux.
Les butineuses dépendent de leurs horloges circadiennes pour l'orientation et la navigation lors du butinage, le souvenir de la durée des trajets, les processus d'apprentissage et le sommeil. Ce dernier, très comparable à celui des mammifères, n'a été découvert qu'en 1983 ; il est indispensable à la mémorisation, gage d'une communication correcte entre les individus de la colonie.
À l'université Stevenson (Baltimore, Maryland, États-Unis), Doug McMahon et ses collaborateurs ont nourri des abeilles butineuses (capturées à l'entrée de la ruche) de sirops complétés par des doses réalistes de Thiamethoxam et de Clothianidin. Chacune était confinée 8 jours (sous lumière constante, dans l'obscurité ou avec alternance) dans un tube et les lots tubes (traitements, témoins et répétitions) installé dans un actographe qui enregistrait leur activité à partir des courants générés par des récepteurs infra-rouge.
L'activité des abeilles est clairement perturbée par ces faibles doses de toxique, agissant en synergie avec l'éclairement. Le rythme, s'il est conservé, est souvent altéré, les butineuses s'activent brièvement n'importe quand ou ne dorment quasiment pas.
Les néonicotinoïdes, selon les résultats de l'analyse en spectrographie de masse des cerveaux disséqués, pénètrent bien dans le cerveau et perturbent les neurones de l'horloge interne.
L'abeille dyssomniaque ou insomniaque se retrouve incapable d'effectuer correctement son travail.
L'équipe va poursuivre son étude en examinant l'effet des doses sublétales de nicotinoïdes au niveau moléculaire dans les circuits neuronaux qui rythment son activité le long du nycthémère.

- Tackenberg, M. C., M. A. Giannoni-Guzmán, E. Sanchez-Perez, C. A. Doll, J. L. Agosto-Rivera, K. Broadie, D. Moore and D. G. McMahon (2020). Neonicotinoids disrupt circadian rhythms and sleep in honey bees. Scientific Reports 10(1): 17929. doi: 10.1038/s41598-020-72041-3 (Libre de droits)