LA LÉGENDE DE KAKALAKA ET FREI-FREI
CONTE de Randolf LIENGA, dans Le pou d'Agouti, n° 19, janvier 1997 (Guyane française).
Depuis toujours, il était
établi que les mouches et les cafards ne s'aimaient pas. Les cafards
ne pouvaient trouver à manger sans voir les mouches déjà
posées dessus. Kakalaka, le cafard, n'aimait pas cela. Et c'est pour
ça qu'il ne supportait pas Frei-frei la mouche. Les mouches le savaient,
il en était ainsi. Cependant, elles ne s'inquiétaient pas des
cafards car ce n'était pas eux qui leur donnaient à manger.
Un jour, le cafard était en train de dormir. Le soleil était déjà
haut dans le ciel, mais l'endroit où il était couché était
si froid qu'il n'avait pas envie de se lever.
La mouche, elle, se promenait dans la forêt à la recherche de nourriture,
lorsqu'elle entendit: «CRRAAA». Elle alla regarder et vit les
fourmis-légionnaires qui avançaient en dévorant
toutes les bêtes sur leur passage. La mouche pensa en elle même:
«le cafard est en train de dormir, il ne m'aime pas, mais moi je n'ai
rien contre lui. Je vais aller le réveiller et le prévenir parce
que je ne veux pas le laisser mourir même si ça ne le dérangerait
pas de me laisser mourir». La mouche s'envola vers la maison du cafard.
Pendant ce temps là, le cafard ronflait comme si de rien n'était.
Il se réveilla en sursaut, entendant un zzz... zzz... zzz... et il sortit
de dessous les feuilles. Regardant en haut, il se rendit compte que c'était
la mouche qui faisait ce bruit et sentit la colère monter en lui. Il
cria à la mouche qu'elle avait intérêt à partir immédiatement
si elle ne voulait pas avoir de problèmes. Ainsi s'exprimait le cafard,
alors la mouche lui répondit:
- «Cafard, je sais que tu ne m'aimes pas, que nous ne pouvons nous entendre.
Mais ce n'est pas pour ça que je suis venue te réveiller. Prêtes
attention et tu verras qui t'attend.»
Le cafard tendit l'oreille et alors il entendit : «CRRAAA!».Il demanda
à la mouche ce qui faisait cet étrange vacarme. Elle lui répondit:
«Ce sont les fourmis-légionnaires qui arrivent. Si tu ne te hâtes
pas, avant peu, c'est sûr, tu seras mort.»
- «Mais que dois-je faire? »
- «Je ne sais pas, mais moi je m'envole loin d'ici. Essaie de t'en sortir.
J'ai fait ce que je devais et je m'en vais».
«Mouche, je t'en prie, ne pars pas sans moi, aides moi! Je n'arriverai
pas à échapper aux fourmis. » La mouche répondit
:
- «Écoute, je voudrais t'aider, mais je ne le puis. Tu es bien
plus gros que moi. Je ne peux pas te transporter, désolée! Je
dois partir, les fourmis sont là.»
La mouche alla se poser
un peu plus loin. Sans perdre un instant, le cafard courut derrière la
mouche. Alors qu'elle s'enfuyait, la mouche se dit: «Je devrais quand
même aider le cafard. Il ne courra pas longtemps devant les fourmis.
- «Hé, cafard, cours de ce côté, je vais essayer quand
même quelque chose.»
Le cafard arriva où la mouche était posée et grimpa à
côté d'elle.
- «Regarde les trucs que tu as là, ce sont des ailes, comme les
miennes. Ça veut dire que tu peux voler aussi. Fais comme moi et tu verras
que tu iras bien plus vite. Et quand tu retomberas à terre, car tes ailes
sont trop faibles pour le corps que tu as, tu n'auras qu'à grimper en
haut d'une branche et t'envoler encore. Fais ainsi et tu verras que les fourmis
ne t'atteindront pas.»
Donc, le cafard commença à voler. Quand H se retrouvait à
terre, il grimpait et s'élançait plus loin.
C'est depuis ce jour là que les cafards ont appris à s'envoler
dès qu'ils sont en danger. Et depuis ce jour que les cafards devinrent
amis avec les mouches au point de manger ensemble. Pourtant, au fond de lui-même,
Kakalaka avait toujours du mal à supporter Frei-frei. Aussi, de temps
en temps, s'il pouvait tuer une mouche sans que ça se sache, il le faisait
et la mangeait avec le même appétit que quand il trouvait une mouche
morte.
Ainsi en est-il de tes semblables. Quelque service que tu rendes à celui
qui ne t'aime pas, son sentiment ne s'en trouvera pas changé pour autant.
Quand il verra ton visage, il sera ton ami; quand il verra ton dos, il n'hésitera
pas à te trahir.