Isolement social et prosopagnosie
Alain Fraval Epingle 1310 (avril 2021)
Il suffit de deux mois
sans voir la tête de quiconque pour avoir le cerveau rétréci
à un endroit bien particulier, le tubercule optique antérieur
(TOA), là où sont traitées les informations visuelles nécessaires
notamment à la reconnaissance individuelle des congénères.
La preuve par la dissection.
L'expérience a été faite par Christopher Jernigan et ses
collègues de l'université Cornell (États-Unis), sur Polistes
fuscatus (Hym. Vespidé), un poliste nord-américain qu'un
travail antérieur avait montré capable de reconnaissance faciale,
capacité qui se perd en isolement. Dans ses petites colonies (de 12 à
100 individus), plusieurs femelles sont fertiles mais une reine domine ; la
communication ordinaire se fait par des phéromones tandis que le statut
social de chacune est déterminé individuellement au faciès.
Ce que chacune doit apprendre très vite.
Des nids peuplés de nymphes (dans leur cocon) ont été rapportés
au labo. Dès leur émergence, les habitantes ont été
réparties dans des boîtes transparentes, seules ou à plusieurs.
Autour d'elles, plein de bouts de papier colorés, pour stimuler leur
cerveau.
Au bout de 58 à 71 jours de vie imaginale, extraction et mesures dudit
cerveau – comme c'était arrivé à quelques témoins
nouveau-émergés. Durant ce temps le cerveau a grossi de 13 %,
dans les 2 groupes. Une seule différence : le TOA de celui des guêpes
ayant eu une vie sociale est plus gros de 10 %. Leurs aires olfactives n'ont
subi aucun changement.
Le TOA est suspecté d'être, chez les insectes, un site important
pour la mémoire, le traitement des couleurs et la reconnaissance d'objets.
Cette manip localise pour la première fois où se fait la reconnaissance
faciale.
D'après
notamment « Isolation alters visual areas of brain in social wasps »,
par Krishna Ramanujan. Comm. Univ. Cornell. Lu le 14 avril 2021 à //news.cornell.edu/stories/
Photo : portraits de femelles de Polistes fuscatus. Cliché Michael
Sheehan
À (re)lire : Polistes fuscatus, une guêpe très physionomiste.
Le Monde, 2 décembre 2011. Pdf