Par Vincent Bordenave Publié le 11/01/2019
http://www.lefigaro.fr/sciences/2019/01/11/01008-20190111ARTFIG00240-les-termites-aident-les-forets-a-resister-aux-secheresses.php
Les termites permettent aux forêts tropicales de réguler leur température et de s'adapter aux changements climatiques.
La vie sauvage est un équilibre fragile où chacun a un rôle précieux à jouer. Malgré leur mauvaise réputation, les termites ne font pas exception. Une équipe menée par Louise Ashton, de l'Université de Hong Kong, et Paul Eggleton, du département des sciences du Muséum d'Histoire naturelle de Londres (Science, 10 janvier 2019), vient de démontrer comment ces insectes contribuent à la bonne tenue des forêts tropicales de Bornéo en permettant notamment une régulation de l'humidité.
Les termites ont mauvaise presse. Comme ils se nourrissent de bois, ils fragilisent les habitations dans lesquelles ils trouvent parfois refuge ou dévorent les cultures dans lesquelles ils s'installent. Mais sur les 3000 espèces de termites connues, seules 4% sont considérées comme des parasites. Ces insectes vivent un peu partout sur le globe, mais ils sont particulièrement nombreux dans les écosystèmes tropicaux. Au cours d'une sécheresse extrême qui a frappé l'île de Bornéo à la fin de 2015 et au début de 2016, les chercheurs ont étudié, sur le sol de la forêt, huit parcelles très dispersées. Dans quatre de ces parcelles, l'équipe de Paul Eggleton a aplati les termitières pour «nettoyer» la zone de la présence de ces insectes.
Les parcelles qui abritaient encore des termitières ont
mieux supporté la période de sécheresse. L'humidité
du sol, à une profondeur de 5 centimètres, était de 36%
plus élevée que dans les parcelles où l'activité
des termites était perturbée. «C'est un résultat
qui à première vue peut paraître surprenant», commente
Christophe Lucas, chercheur à l'Institut de recherche sur la biologie
de l'insecte (Tours). «On pourrait penser que pendant une période
de sécheresse, les termites réduisent leur activité. Or,
c'est tout l'inverse! Leur action permet à la forêt de respirer.»
Les plantes grimpantes transplantées dans des zones où les termites
restaient actifs avaient 51% plus de chances de survivre. On savait déjà
que les termites facilitaient la décomposition des feuilles, favorisant
l'humidité du sol et sa teneur en nutriments. Ils sont l'une des rares
créatures vivantes capables de décomposer la cellulose contenue
dans les matières végétales. Mais c'est la première
fois que leur rôle «correctif» est ainsi démontré.
Un rouage essentiel de la biosphère
Selon les auteurs, la communauté de termites constitue une sorte «d'assurance écologique» qui préserve les écosystèmes des aléas environnementaux et climatiques. «Ces résultats sont, à mon avis, totalement transposables dans d'autres environnements», ajoute Christophe Lucas. «Le rôle des insectes est tout aussi important dans nos forêts. Ils brassent la terre et la font respirer. Dans de nombreuses sociétés, avoir une termitière sur ses terres est un signe de richesse, car c'est associé à de meilleures récoltes.»
Une démonstration qui ne fait que confirmer le rôle essentiel des insectes dans la biosphère. «Dans le cas présent, les chercheurs parlent des termites, mais ce pourrait être n'importe quel insecte», constate Christophe Lucas. Leur raréfaction à l'échelle globale risque donc non seulement d'avoir un impact dramatique sur la chaîne alimentaire mais sur l'ensemble du vivant. Beaucoup d'animaux se nourrissent d'insectes, et les plantes ont besoin de leur action pour respirer, et donc s'adapter.