Biodiversité: les fourmis sont aussi victimes des insecticides
Alain Lenoir Mis à jour 02-Jul-2020
de arcinfo.ch (Lien )
Des chercheurs de l'Université de Berne ont observé durant plus d'une année des fourmis noires et ont exposé certaines à des pesticides. Résultat: tout comme les abeilles, les fourmis sont aussi victimes des insecticides. Les conséquences peuvent être potentiellement graves.
Il n’y a pas que les abeilles qui sont décimées par les résidus de néonicotinoïdes. Les fourmis en sont aussi victimes. Mais l’effet de ces pesticides est plus pernicieux: l’une de ses molécules, le thiamethoxame, réduit petit à petit le nombre des ouvrières.
C’est une étude des chercheurs de l’Institut de la santé des abeilles de l’Université de Berne qui l’a démontré. Ils ont observé durant 64 semaines des reines de fourmis noires des jardins (Lasius niger) lors de la constitution de la colonie.
Au début de la première hibernation, les colonies exposées aux pesticides et celles du groupe de contrôle ne présentaient aucune différence de taille. L’année suivante, cependant, il est apparu que les colonies du groupe des pesticides comptaient beaucoup moins d’ouvrières.
Comme la quantité de travailleuses
constitue un facteur décisif pour la vitalité d’une colonie
de fourmis, les fourmis exposées aux pesticides sont donc plus menacées.
«Lorsqu’on prend en considération l’importance des
fourmis pour nos écosystèmes, il devient évident que l’utilisation
de néonicotinoïdes représente une menace pour notre environnement»,
déclare Daniel Schläppi de l’institut, auteur principal de
l’étude publiée dans la revue Nature Communications Biology.
Une espèce commune
La fourmi noire de jardin est une espèce très répandue, de la sous-famille des Formicinae. C’est la fourmi la plus commune en Europe centrale. On le trouve dans des habitats pas trop secs à la lisière des forêts ainsi que dans les milieux dégagés. C’est une fourmi qui s’adapte très bien et qui vit également dans les villes. Elle s’infiltre aussi parfois dans les maisons.
Le thiaméthoxame, une molécule de la famille des néonicotinoïdes, est utilisé comme pesticide dans l’agriculture. Ces substances sont connues pour nuire aux abeilles et déploient longtemps leurs effets.
«En raison de leurs propriétés
chimiques, les insecticides néonicotinoïdes contaminent les sols
et les eaux souterraines. Ils peuvent ainsi être détectés
dans des endroits loin de leur dispersion», poursuit l’auteur.
Longue durée
«Les effets à long terme
de ces insecticides sur les fourmis sont alarmants», déclare le
professeur Peter Neumann. «Notre étude montre combien de temps
cela peut durer jusqu’à ce que les effets de ces résidus
de produits chimiques deviennent visibles, avec des conséquences potentiellement
graves».
"Les effets à long terme de ces insecticides sur les fourmis sont
alarmants." Peter Neumann, professeur à l’Université
de Berne
Les auteurs soulignent donc l’importance de considérer les fourmis comme des organismes modèles et d’inclure les effets à long terme dans les futures évaluations des risques. Cela devrait garantir une agriculture plus durable à long terme.