Tours ne papillonne pas avec l'azuré  par 
  Mourad GUICHARD
  Libération, Jeudi 29 juin 2006 
  Tours (Indre-et-Loire) envoyé spécial 
L'azuré du serpolet 
  (Maculinea arion)est un papillon inoffensif aux ailes bleutées. 
  Classé espèce protégée, il est pourtant menacé 
  par la construction d'un bout de périphérique au nord de Tours. 
  Sensible à son sort, le Conseil général d'Indre-et-Loire, 
  maître d'oeuvre du projet, a décidé de prendre toutes les 
  précautions pour éviter la confrontation de l'insecte avec les 
  tractopelles. Après avoir obtenu l'autorisation du Conseil national de 
  la protection de la nature, il a opté pour le déplacement de l'espèce.
  
  Même si les papillons sont légers, on ne les déplace pas 
  d'un simple claquement de doigts. Depuis le début du mois de juin, des 
  ingénieurs spécialisés en milieux naturels occupent le 
  site, filets à papillons à la main. « Le conseil général 
  nous a confié la mission de déplacement des papillons en milieu 
  viable», explique Ludovic Lebot, qui travaille chez Théma Environnement. 
  Le papillon est en effet pointilleux. Non seulement il a besoin d'une quantité 
  suffisante d'origan, de serpolet (d'où son nom) ou de thym pour virevolter 
  à sa guise, mais, en plus, sa chenille a besoin d'une copine. Elle se 
  développe en compagnie d'une fourmi ( Myrmica sabuleti)et elles cohabitent 
  dans la fourmilière en parfaite intelligence. « Nous avons recensé 
  deux sites proches qui disposent d'un tel environnement», insiste Ludovic 
  Lebot.
  Reste à attraper ces «individus»pour lesquels «cahier 
  des charges» et «avancée des travaux» ne veulent rien 
  dire. Pour capturer la bête, il faut attendre la tombée du jour, 
  quand le fond de l'air se rafraîchit et que le papillon s'est apaisé.
  « Nous ne voulons pas risquer de leur abîmer les ailes», indique 
  Sébastien Bougreau, jeune diplômé en protection de la nature 
  et intime du Maculinea arion. « En période de forte chaleur, ils 
  ont une activité trop intense.» Pris dans les filets le soir, puis 
  placé dans un garde-manger, l'azuré du serpolet est libéré 
  le matin. « Il peut nous arriver de rester deux ou trois heures à 
  attendre qu'il daigne sortir», raconte Ludovic Lebot.
  Si les équipes de Théma Environnement sont satisfaites de voir 
  de tels moyens déployés par une collectivité pour sauvegarder 
  une espèce menacée, les louanges ne sont pas unanimes. Certains, 
  comme la Société d'étude de protection et d'aménagement 
  de la nature en Touraine (Sepant), dénoncent un «marchandage scandaleux». 
  « Les élus s'achètent une bonne conscience, mais rien ne 
  garantit que le lieu d'accueil duMaculinea soit adapté», plaide 
  Philippe Simond. Un avis que Jean-Luc Mercier, universitaire tourangeau, partage 
  : « On ne peut pas jouer ainsi avec les populations. Si on regroupe un 
  trop grand nombre de papillons dans une même fourmilière, on risque 
  une compétition fratricide.»
Sur le même 
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  Un insecte menacé de disparition 
  Par Alexandra SCHWARTZBROD
  Jeudi 29 juin 2006 
Les générations 
  futures ne connaîtront peut-être des papillons que les gravures 
  des naturalistes. Car l'insecte est menacé de disparition. En Grande-Bretagne 
  et aux Pays-Bas, des études révèlent une baisse d'environ 
  70 % des populations de papillons des prairies depuis vingt ans. Outre l'urbanisation 
  (lire ci-contre), l'agriculture intensive  avec l'utilisation massive d'engrais 
  et de pesticides  en est l'une des principales responsables. «Une 
  prairie dopée aux engrais compte beaucoup moins de variétés 
  de plantes. Or, les chenilles ne mangent souvent qu'une seule variété 
  de plante. Si l'une d'elle disparaît, une espèce de papillon disparaît 
  aussi»,explique Pierre Carret, chargé du programme flore et insectes 
  au sein de Noé conservation. Cette association propose donc aux 13 millions 
  de jardiniers amateurs recensés en France de compter les papillons et 
  d'envoyer leurs observations sur son site (1) qui donne aussi des conseils pour 
  reconnaître les espèces. Mis en place le 21 mars avec le Muséum 
  national d'histoire naturelle et le soutien de la Fondation Nicolas Hulot, cet 
  «Observatoire des papillons de jardin» a déjà reçu 
  13 000 inscriptions.
  (1) www.noeconservation.org