L'intelligence individuelle et collective des fourmis
Alain Lenoir mis à jour 26-Fév-2018
De Mathieu Vidard, dans La tête au carré, France Inter le 3 avril 2017 (et reprise le 26 février 2018). Ré-écouter l'émission
"Antoine Wystrach
et Audrey Dussutour sont tous les deux éthologistes au Centre de Recherches
sur la cognition animale à l’université Paul Sabatier de
Toulouse. Tous deux étudient l'intelligence des fourmis, l'un au niveau
individuel et l'autre au niveau collectif.
Les fourmis sont des insectes sociaux formant des colonies ou des fourmilières
composés de plusieurs milliers d’individus. Ce collectif est un
super organisme auto-organisé. C’est une intelligence collective
qui émerge des enchaînements d’un grand nombre d’interactions
entre individus et leur environnement . Audrey Dussutour étudie la régulation
du trafic chez les fourmis et a démontré que pour prévenir
et limiter la formation d’embouteillages, les fourmis utilisent des règles
comportementales très simples grâce auxquelles l’organisation
spatiale des flux s'adapte automatiquement aux contraintes du milieu.
L'intelligence d'une colonie de fourmis peut être également individuelle.
Antoine Wystrach et ses collègues ont mené des expériences
sur des fourmis de l’espèce Cataglyphis velox dans le
désert andalou et ont alors découvert les étonnantes capacités
d'orientation des fourmis grâce à un comportement inattendu : après
une certaine distance, une fourmi peut lâcher sa charge, se retourner,
observer la scène en alignant son corps dans la direction de la route
puis se remettre en marche dans la bonne direction. Malgré leur cerveau
plus petit qu'une tête d'épingle, les fourmis sont ainsi d'excellentes
navigatrices utilisant à la fois des repères célestes et
terrestres pour mémoriser leur route."
Dans cette émission on a le plaisir d'entendre deux jeunes chercheurs qui travaillent sur les fourmis pour la connaissance fondamentale. Ils expliquent que dans la colonie il peut y avoir des conflits pour la reproduction ("policing") si les ouvrières semettent à pondre. Il y a des ouvrières "inactives", mais selon eux ce n'est qu'une apparence, elles sont une réserve en cas de besoin. Cette idée est pourtant discutée (voir La fourmi travailleuse). On y retrouve l'idée que la reine n'est pas un chef et que les ouvrières ont intérêt génétiquement à coopérer avec leurs soeurs (théorie de la sélection de parentèle).
Selon Antoine Wystrach les fourmis sont intelligentes au niveau individuel à plusieurs niveaux. Par exemple chez les fourmis des déserts quand la jeune fait sa première sortie du nid elle sait qu'il faut éviter les buissons où peuvent se cacher des prédateurs. C'est un comportement inné. Au contraire, elle doit apprendre à mémoriser l'entrée du nid, pour cela elle fait des pirouettes devant le nid, et mémorise cet emplacement pour toute sa vie car le nid reste au même endroit. Si elle rapporte une grosse proie elle se met à la tirer et perd ses repères. Elle va alors s'arrêter pour les retrouver. Elle doit ensuite éventuellement mémoriser des lieux de récolte changeants.
Au niveau collectif, les travaux d'Audrey Dussutour montrent qu'il n'y a jamais d'embouteiillages sur les pistes de la fourmi d'Argentine (récoltées sur le campus de Toulouse après qu'elles se soient échappées d'un élevage au laboratoire ..). Sur des ponts de plus en plus étroits elles trouvent toujours une solution, par exemple en formant de petits groupes et attendant leur tour. On parle d'intelligence collective, des travaux déjà lancés il y a longtemps par Jean-Louis Deneubourg à Bruxelles. Cela permet de mettre au point des algoryhtmes d'optimisation comme celui du voyageur de commerce.
Dans cette émission on entend un court extrait de 1000 et une pattes, le film de Walt Disney, une courte interview de Bernard Werber.