M. Costello, Héros

Mis à jour 26-Jan-2021

De Theodore Sturgeon de son vrai nom Edward Hamilton Waldo ou Edward Waldo (1918-1985), est un écrivain américain de fantastique, de science-fiction ou d'horreur,

M. Costellos, Héros (Press Pock 1878). Des fourmis à 8 pattes que monsieur Costellos veut rendre agressives entre elles (p.211-3)

Il marcha devant moi vers le bord de la plage. Il ne portait qu'un pagne, mais il se mouvait et parlait comme s'il avait encore la voiture blindée et les six patrouilleurs. Je le suivis en trébuchant. Il tendit une main derrière lui pour me faire signe d'arrêter et il s'agenouilla. Il dit : « A les regarder, on penserait qu'elles sont toutes les mêmes, n'est-ce pas ? Eh bien, fils, laissez-moi vous montrer quelque chose. »
J'abaissai les yeux. C'était une fourmilière. Elles étaient différentes des fourmis terrestres. Celles-ci étaient plus grosses, plus lentes, bleues, et elles avaient huit pattes. Elles construisaient des nids de sable lié de mucus et perçaient des tunnels en dessous, de sorte que les nids s'élevaient à quelques centimètres sur de petits piliers.
- « Elles semblent toutes pareilles, agissent de la même façon, mais vous allez voir, » dit M. Costello. Il ouvrit un petit sac en synthine qui reposait sur le sable. Il en sortit un oiseau mort et le thorax de ce qui semblait être une blatte de Caranno, de celles qui deviennent aussi grosses que votre avant-bras. Il posa l'oiseau là et la blatte un peu plus loin.
- « Maintenant, » dit-il, « observez. »
Les fourmis s'attroupèrent autour de l'oiseau, tirant et traînant, affairées. Mais une ou deux s'approchèrent de la blatte, la firent basculer et creusèrent autour. M. Costello prit une fourmi sur la blatte et la laissa tomber sur l'oiseau. Elle zigzagua un peu, se fraya un chemin parmi les autres et traversa le sable pour retourner à la blatte.
- Vous, voyez, vous voyez.?». dit-il, enthousiaste. « Regardez. »
II prit une fourmi sur l'oiseau mort, et la laissa tomber près de la blatte. Elle fit demi-tour pour se repérer, puis retourna droit à l'oiseau mort. Je regardai l'oiseau, avec sa carapace bleue grouillante, et je regardai la blatte, avec ses deux ou trois nécrophages voraces. Je regardai M. Costello.
Il dit d'un air extasié : « Vous voyez ce que je veux dire ? A peu près une sur trente mange quelque chose de différent. Et c'est tout ce qu'il nous faut. Je vous le dis commissaire, où que vous regardiez; si vous regardez assez longtemps, vous pouvez trouver un moyen de faire se retourner la plus grande partie d'un groupe contre l'autre partie. »
J'observai les fourmis. « Elles ne se battent pas. » . « Attendez une minute, » dit-il vivement. « Attendez une minute. Tout ce que nous avons à faire est de faire savoir à ces mangeuses d'oiseau que les mangeuses de blatte sont dangereuses. »
— « Elles ne sont pas dangereuses. » « Elles sont seulement différentes. »
— « Quelle .est la différence, quand on y réfléchit ? Alors faisons peur aux mangeuses d'oiseau, et elles tueront les mangeuses de blatte. » «. Oui, mais pourquoi, monsieur Costello ? » Il rit. « Je vous aime bien, mon garçon. Je me charge de penser, vous vous chargez du travail. Je vais vous expliquer. Elles ont toutes le même aspect. Alors une fois que nous leur aurons fait exterminer celles-là... »
— il indiqua la minorité autour de la blatte
— « elles ne sauront jamais qui parmi elles pourrait être une mangeuse de blatte.
Elles seront si inquiètes qu'elles feront n'importe quoi pour ne pas être suspectées d'être mangeuses de blatte. Quand elles auront assez peur, nous pourrons leur faire faire tout ce que nous voudrons. »
Il s'accroupit pour observer les fourmis. Il prit une mangeuse de blatte et la posa sur l'oiseau. Je me levai.
- « Bien, je ne faisais que passer, monsieur Costello, » dis-je.
- « Je ne suis pas une fourmi, » dit M. Costello. « Tant que ce qu'elles mangent m'importe peu, je peux leur faire faire tout ce que je veux au monde. » « A un de ces jours, » dis-je.
Il continua de parler tranquillement tout seul tandis que je m'éloignai. Il observait les fourmis, complotant, et ne s'intéressait pas à moi.
Je retournai vers Barney. Je lui demandai, un peu étranglé : « Que fait-il, Barney ? »
- « Il fait ce qu'il a à faire, » dit Barney.
Nous regagnâmes le monoroue, franchîmes la colline et la barrière de force. Au bout d'un moment, je demandai : « Combien de temps va-t-il, rester là ? »
- « Aussi longtemps qu'il le voudra, » dit Barney sans s'étendre.
- « Personne n'aime être enfermé. » Il eut de nouveau cette expression bizarre sur son visage. « Nightingale n'est pas une prison. »
- « Il ne peut pas en sortir. » '
- « Ecoutez, mon vieux, nous pourrions le refaire. Nous pourrions même faire de lui un com-missaire. Mais nous avons cessé depuis longtemps de faire cc genre de chose. Nous laissons un homme faire ce qu'il veut. »