Alain Lenoir, mis à jour 19-Sep-2019
Dans la province de Taishû
en Chine, un homme très pieux faisait ses dévotions du matin quand
une belle femme apparut. Elle lui dit « Je ne suis pas une femme
mais une déesse. Je veux récompenser tes prières.. Connais-tu
le langage des fourmis ? ». Le pieux répondit qu’il
n’était qu’un ignorant de bas rang. La déesse sourit,
elle prit un bâton d’encens dans la boîte et le pointa vers
les oreilles du monsieur en lui disant « Maintenant, cherche
des fourmis, écoutes ce qu’elles disent et tu en tireras parti.
Mais surtout le leur fait pas peur et ne les vexe pas. » Sur
ce, elle disparut.
Notre homme sortit aussitôt. A peine eut-il franchi le seuil de sa porte
qu’il aperçut deux fourmis sur une pierre supportant un des piliers
de la maison. Il s’arrêta et écouta ; il fut très
étonné de les entendre parler et de comprendre ce qu’elles
disaient : « Essayons de trouver un endroit plus chaud »
proposait l’une des fourmis. « Pourquoi un endroit plus
chaud ? Cet endroit n’est-il pas agréable ? »
demanda la seconde. « C’est trop humide et froid au-dessous »
dit la première ; « Il y a un grand trésor
enterré ici, et le soleil ne peut pas réchauffer le sol au-dessus. »
Puis les deux fourmis s’en allèrent.
L’homme aussitôt prit une pelle et se mit à creuser autour
du pilier. Il trouva vite des jarres pleines d’or et devint riche.
Par la suite, il essaya souvent d’écouter la conversation des fourmis
mais n’y arriva jamais. La déesse lui avait ouvert les oreilles
pour un seul jour.
D’après le
recueil de nouvelles de Lafcadio Hearn « Kwaidan. Stories and Studies
of Strange Things ». ICG Muse, 2001. Ants, 159-181. Publication originale
1904.