Le gène de la royauté

Epingle 1188 d'Alain Fraval
http://www7.inra.fr/opie-insectes/epingle18.htm


Chez les insectes eusociaux – le plus haut grade de la socialisation – un ou plusieurs individus sont chargés de la reproduction – ce sont les reines -, tandis que les autres, parmi sa progéniture, s’occupent des larves et/ou défendent la colonie - ce sont les ouvrières et/ou les soldats, stériles. En outre plusieurs générations cohabitent. De telles sociétés composites bien organisées sont apparues indépendamment chez les termites, les pucerons, les thrips, les guêpes, les abeilles et les fourmis.
Dans le cas des fourmis (Hym. Formicidés), on imagine un ancêtre « guêpe primitive » qui alternativement pondait et s’occupait des larves. Comment en est-on arrivé aux colonies évoluées où une unique reine pond tandis qu’une foule d’ouvrières et de soldates se chargent de l’approvisionnement, de l’élevage du couvain et de la défense de la fourmilière ?
Romain Libbrecht et des chercheurs de l’université Rockfeller (New-York, États-Unis) ont trouvé une réponse inattendue. La reproduction est déclenchée par un unique gène, lui-même activé par une meilleure alimentation.
Le gène s’appelle ILP2, pour insulin-like peptide. Son rôle est ressorti de la comparaison de 5 581 gènes de 7 espèces de fourmis appartenant à 4 sous-familles. Partout il s’exprime plus chez les individus fertiles. On ne le trouve que dans le cerveau, dans un groupe d’une petite quinzaine de cellules.
L’équipe a examiné particulièrement la fourmi tropicale pillarde Ooceraea biroi. Elle se reproduit par parthénogenèse. Chaque individu pond pendant 18 jours puis durant les 16 jours suivants fourrage et nourrit les larves. Et ainsi de suite. La présence des larves inhibe le fonctionnement des ovaires. En injectant du peptide ILP2 dans les fourmis nourricières, les chercheurs les ont fait pondre. En ajoutant des larves à un groupe de fourmis en phase de ponte, ils les ont amenées à materner.
La colonie comporte quelques intercastes, des individus un peu plus grands, avec des yeux et plus fertiles : des sortes de pré-reines. En enrichissant la pitance de fourmis, elles deviennent souvent des intercastes.
C’est peut-être ce qui s’est produit au cours de l’évolution : d’aucunes ont mieux mangé que leurs sœurs… Il reste à comprendre comment la nourriture est répartie dans une colonie.