Le tyran éternel, de Patrick Grainville Seuil (1998)
Mis à jour 23-Oct-2022
"Le narrateur de ce roman africain est un mort : le Président Houphouët-Boigny, libérateur de la Côte d’Ivoire et dictateur roué. Du ciel, il décrit sa capitale créée de toutes pièces dans la forêt : Yamoussoukro. La ville est ornée de sa basilique, réplique démesurée de la basilique Saint-Pierre de Rome. Houphouët s’adresse à son crocodile sacré centenaire : Capitaine Diallo. Le tyran suit les manœuvres et les intrigues d’une bande d’écrivains africains débarqués dans la capitale dont Sylvanus, un rebelle qui attente à sa légende. Boris, un romancier français, accompagne la bande et fait connaissance avec le couple magnifique de Thérèse et d’Assioutou. Bientôt circule la rumeur d’un albinos mystérieux, paria voué comme tous les siens à la persécution, voire au sacrifice."
Deux passages sur les fourmis légionnaires magnans (p.72-75 et 208-213) Pdf - Voir
LE TYRAN ÉTERNEL
p.72-75
Tetiali apparaît tout à coup dans la Jeep. Il s'écrie :
— Les légionnaires arrivent ! Les légionnaires arrivent
!... Sylvanus imagine une cohorte de belles légionnaires de la Vierge
venues marcher, s'entraîner dans la forêt... des kyrielles de pucelles
zélées, sportives, apostoliques. Il en rit, le vieux faune.
— Sur des kilomètres ! s'exclame Tetiali. Sylvanus s'étonne
un peu mais pense qu'il s'agit d'un grand rassemblement régional, voire
national, de toutes les servantes de la Madone... fleuve intarissable de longues
belles filles bien carrossées, cuissées, guerrières de
Dieu, que des glorieuses ! Il écarquille les yeux. Une providence...
— Peut-être quatre, cinq kilomètres de légionnaires
! Sylvanus épaté croit voir toutes les légionnaires d'Afrique
converger sur Abokouamekro. Des Peuls immenses et claires, des Sénégalaises
athlétiques et majestueuses, des luronnes du Burkina Faso, des princesses
du Mali aux mamelons d'assaut, des Camerounaises nubiles, des Gabonaises roulées,
soyeuses, des Guinéennes ciselées, des Ghanéennes bien
dessalées, un paradis de cambrures hardies. Il entend déjà
le chuintement, le roulis, le ramdam de cette armée dorée.
— Elles ont visité un village, bouffé un chien qui était
attaché à un piquet, douze poules, deux cochons coincés
dans leur porcherie et nettoyé tous les rats !
Sylvanus fronce le sourcil... De qui se moque-t-on ?
— Des milliards de fourmis... des milliards ! continue Tetiali. Boris
demande des explications à Cecil qui éclaire ce mystère
:
— Ce sont des fourmis légionnaires, des migratrices, on les appelle
aussi des visiteuses... des magnans ! Des fourmis carnivores. Il n'y a rien
de très extraordinaire sinon l'importance de la colonie. Il arrive qu'elles
attaquent une ou deux cases et boulottent les petits animaux domestiques. Mais
il suffit de s'écarter de leur route et elles ne vous sautent pas dessus
! Thérèse s'exclame :
— On va voir ça ! Il faut les voir passer... Tout le monde embarque
dans les deux Jeep. Tetiali les conduit dans un long ruban de forêt-galerie
qui longe le Kan. Les tangaras, les calaos et les rolliers bleu vif sifflent
et jacassent dans les arborescences encordelées de lianes et de fou-gères.
Une cuvette se creuse entre deux petites bosses plus dégarnies. De leur
sommet, on peut tout observer avec des jumelles. C'est leur chemin. Elles vont
déboucher à l'extrémité du ravin. La tête
de leurs légions surgit bientôt comme un lobe noir et grouillant,
avec les éclaireuses et les soldats à l'avant, plus gros, plus
robustes, déployés en éventail, puis les ouvrières,
une douzaine de front, les ribambelles suivent, flanquées par d'autres
soldats vigilants, braquant à la moindre alerte leurs puissantes mandibules.
Et dans cette multitude, les nourrices trimballent les larves, guident et protègent
la reine jusqu'au prochain bivouac. Toutes sortes d'insectes fuient devant la
horde : blattes, sauterelles, mouches, coléoptères que les oiseaux
rameutés gobent.
— Ah, dis donc ! Ah, dis donc ! souffle Thérèse serrée
contre Assioussou. Joan et July se penchent en avant bouche bée. Sylvanus
est frappé de mutisme. Akissi en oublie de taquiner, de chicoter Boris.
Tous regardent du côté de l'invasion. Un long serpent vibrionnant
qui n'en finit pas de s'allonger. Des vagues, des bouillons de fourmis. Dans
les jumelles, on voit leurs cannelures agiles, elles déboulent, tressautent,
gigotent, d'un noir cuivré de soleil, des amas convulsifs, des spasmes
qui frétillent. Soudain, elles s'agglutinent sur la charogne d'un phacochère.
L'essaim se forme, foisonne par grappes, par trombes, par nébuleuses.
Les mandibules mordent la chair corrompue. La bête pullule, miroite, effervescente,
se désintègre par petits bouts...
— Ah ! J'aime ça ! J'aime ça ! s'exclame Thérèse...
Le grouillement, le fourmillement. C'est la beauté pour moi. Ça
m'excite, c'est physique. C'est fort. Fouiller là-dedans, plonger là-dedans
! Bordel ! Que c'est beau. La vie fourmille, la grande vitalité vive
!
— Ma chère, mieux vaut vous dispenser d'y glisser le doigt ! lui
lance Cecil avec un regard caustique. Quand le phacochère est torché,
récuré jusqu'à l'os, on voit fondre la masse des fourmis
qui reprennent la route. Et ça coule, ça sinue, palpite, crépite,
écume... des risées, des razzias d'insectes véloces et
gloutons. Les fourmis escaladent un tertre et on les contemple sur une centaines
de mètres qui s'activent, filochent, pustulantes, à haute pression,
comme du sang précipité dans une artère, des caillots turbulents,
oui, comme un incoercible jaillissement. Leurs remous débondés
tressaillent et moucheronnent, des myriades, un milliard de fourmis.
— Ah, dis donc ! Ah, dis donc ! C'est monstrueux, ça n'a pas de
fin, murmure Thérèse collée au flanc d'Assioussou, c'est
notre amour fécond, mon beau, c'est indomptable. C'est nos désirs
lâchés ! Et Joan et July s'éberluent, un peu effrayées,
un peu crispées tout de même. Toutes ces bestioles surexcitées...
Akissi a glissé lestement son bras autour de la taille de Boris pendant
que Cecil dressé en proue s'absorbe dans le spectacle de la horde. Ils
remontent dans les Jeep, suivent la colonie en prenant un sentier à mi-pente
du talus. Parfois la voiture ne passe pas, elle descend, elle contourne, elle
grimpe de nouveau, cahote et renâcle mais finit toujours par retrouver
le flux rutilant, le torrent tracassé d'insectes, d'animalcules. Des
petites carcasses, des dépouilles les arrêtent un instant, les
coagulent. Elles emmaillotent leur proie d'un brasillement tenace, puis la résorbent,
la liquident. C'est reparti, toute l'artillerie stimulée par les phéromones
que propagent les larves avant de se changer en nymphes. Par salves longues,
soudain, elles s'engouffrent dans une fracture du terrain. Et on mesure au fond
de la cuve toute l'épaisseur, toute la puissance vermiculée de
leurs cohues avides. C'est une lave, une poussière volcanique. Tout un
feu d'escarbilles. Le cratère vomit l'interminable ruée. Les bataillons
de légionnaires inondent la terre. La grande armée des magnans
fulminants. C'est le chaos en marche. Ils sont tous rentrés à
la maison. Ils déjeunent sur la véranda. Cecil expédie
son repas, prend sa Jeep.
— Je vais voir les éléphants. Hector a poussé un
barrissement bizarre, déclare-t-il d'un air sombre. Boris rejoint Akissi
dans la cuisine tandis que les autres dégustent leur café. Akissi
l'attire contre elle :
— C'est vrai, Thérèse a raison, toutes ces fourmis, ça
grouille, ça excite !
Elle défait les bretelles de son débardeur, elle libère
ses mamelons mûrs aux cabochons durs et violets. Elle ouvre le jean de
Boris et le saisit à travers le slip. Elle lui fourre dans la bouche
une langue vorace et douce. Elle l'assaille par petits coups de reins, pressions
du ventre. Mais Thérèse et Assioussou ont quitté la table.
Ils s'approchent dans un fracas d'exclamations. Aussitôt Boris ferme son
jean et Akissi remet son débardeur. Sylvanus est resté sur la
terrasse avec Joan et July. Il les questionne :
— Vous avez bien un petit ami dans le coin ? Non ? A votre âge,
ça commence à turlupiner... On ne les voit jamais vos copains
! Hein... Thérèse, elle, a son Assioussou. Son grand Guéré
la comble. Hein, c'est quelque chose !... Des géants... Vertigineux tous
les deux... Mais vous, les filles, belles comme vous êtes, finaudes...
C'est qui votre amoureux ? Racontez-moi. Je vais vous dire ce que j'en pense,
vous conseiller peut-être. Elles rient, se taisent, évasives et
mignonnes. Elles se lèvent de concert, débarrassent les tasses.
Il leur claque les cuisses au passage. Elles s'écartent et se sauvent
dans la maison."
Deuxième partie p.208-213
- Attaque de la termitière, d'un serpent
LE TYRAN ÉTERNEL
Mais quelque chose se passe à Abokouamekro. Un branle-bas de légions.
Les magnans ont viré d'un coup. A angle droit. Je vois ce coude noir
tracé dans la savane sèche. Une équerre vaste et martiale.
Elle tombe à pic, cette armée cannibale. Elle assouvit ma pulsion
de massacre. Foncez mes fourmis légionnaires, mes hordes de guerrières.
Dévorez tout, mes belles. Vengez-moi ! Ah ! si vous pouviez seulement
bouffer Sylvanus. Le char-cuter, le grignoter. Triturer ce tordu. Torchez l'ordure
et ses oracles. ... Sur plusieurs kilomètres dans la plaine de Katiola,
elles marchent. Elles s'approchent du grand fromager et de la termitière.
Dix tonnes de terre se soulèvent en pinacles. La cathédrale rouge
excite les bataillons féroces. Cette guerre existe depuis cent millions
d'années. Et les magnans triomphent à chaque assaut... Pour le
moment, la grande termitière ignore encore le péril. Sous la carapace
de ce royaume industrieux règne une tempéra-ture stable. Les cheminées
intérieures assurent l'aération et l'humidité. A chaque
sortie, les termites rebouchent la porte par où ils sont passés.
Les soldats guettent sous la fine pellicule recou-vrant les trous. Aveugles,
ils tendent leurs grosses têtes allon-gées comme des rostres de
langoustes. Leurs mandibules énormes assurent la défense de la
citadelle. L'habitacle est large, sillonné de galeries. Il abrite un
grenier rempli de sciure de bois. Cette nourriture abonde. Des colonies de champignons
poussent sur les excréments des insectes. Ils permettent la décomposition
du bois et son assimilation par les termites. Tout s'organise autour du saint
des saints. La chambre royale où la reine pond ses trente mille oeufs
par jour. Sa tête émerge d'un couvain blanchâtre et obèse
comme une courge de douze centimètres. Le roi, pas plus gros qu'une guêpe,
attend auprès de l'impotente souve-raine. Des soldats montent la garde.
A l'avant, une meute d'ou-vrières lèchent, brossent et caressent
la pondeuse paralytique et recueillent sans relâche à l'arrière
l'intarissable rivière d'oeufs. C'est un carrousel orchestré,
sans faille, autour de la mère monstrueuse. La termitière est
la basilique rouge coiffant cette matrice immobile et sacrée. La marée
des magnans déferle au pied de la termitière et de ses contreforts
cannelés. Aussitôt, les termites soldats donnent l'alerte en cognant
de la tête contre les galeries. Les ouvrières tentent de fuir dans
le réseau de galeries profondes. Certaines emportent les larves et les
nymphes. Les autres s'attroupent autour de la reine. Les soldats convergent
vers les bouchons des brèches, toutes mandibules dardées. On dirait
des myriades de rhinocéros miniatures. Les fourmis légionnaires
trouent les minces couvercles. Leur horde se rue à grands remous de rage.
Les mâchoires puissantes coupent d'un coup sec les têtes des sentinelles
ennemies. D'autres termites accourent, agitent leurs mandibules en vain et subissent
la décapitation. Les magnans s'engouffrent dans les cheminées
du royaume, grand nid saisi de panique. Les voûtes et les parois de l'habitacle
ne sont plus qu'une ébullition d'insectes. Ils filent en tous sens par
centaines de milliers, s'acculent dans les impasses, leurs grappes s'agglutinent
et se chevauchent dans des défilés trop étroits. Les soldats
magnans dévorent les ouvrières, leurs amas de larves et de nymphes.
Le festin meurtrier bat son plein à travers les souterrains dédales
tout embrouillés de prédateurs et de victimes. Dans la cellule
royale, la garde essaie de soulever la reine, de l'emporter loin du carnage.
Mais les magnans déboulent dans le tabernacle. Un torrent tombe sur l'énorme
couvain. Les soldats termites meurent les uns après les autres. La saucisse
blanchâtre de la reine est tracassée, déchiquetée,
tourneboulée, percée par des essaims de magnans voraces. Le roi
est avalé. La reine a la tête tranchée. Puis bouffée.
Tous ses oeufs engloutis. Les fourmis poursuivent la meute des fuyards dans
tous les recoins de la for-teresse. Celle-ci n'est plus qu'une débâcle
effrénée. Ses grandes artères charrient un chaos de pillards
et de proies. Au pied du grand fromager, à cinquante mètres de
la termitière, Thérèse et Assioussou dorment enlacés
après l'amour. Ils n'ont rien vu du raid et du massacre. Ils se réveillent,
s'embras-sent de nouveau et contemplent alentour du tronc le disque de la savane
rousse. Une cité agonise auprès d'eux. Aucun bruit. Les donjons
de la termitière élancent leur magma solide dans l'azur calme
comme si de rien n'était. Un lourd remous de magnans s'éjecte
d'une galerie. Cette lave vivante traque d'ultimes ter-mites réfugiés
dans un vieil habitacle crénelé, désaffecté depuis
longtemps. Soudain, un vieux mamba noir se dresse en sifflant. Il avait établi
son refuge dans un cratère. Les magnans entourent la crosse luisante
du serpent. Il crache son venin, se débat, essaie de fuir. Mais la galerie
vomit un trop-plein de fourmis surexcitées qui submergent les anneaux,
recouvrent la queue, grimpent le long du cou... Bientôt le mamba n'est
plus qu'un fouet pustulant et spasmé. Il se tord, il zigzague, il tressaute,
il rampe, dragon tout caparaçonné de scories. Les fourmis lui
entrent dans la gueule et lui torchent les yeux, le dard, les crocs. Les magnans
ont remporté une victoire totale. Gavés, ils repartent. Leur pullulement
s'allonge dans la plaine de Katiola tandis que Thérèse et Assioussou
se sont levés sous le couvert de l'arbre. La grande termitière
est morte. La chambre royale n'est plus qu'une crèche glacée.
Quelques milliers de termites ont réussi à s'échapper,
à survivre. Ils recommenceront ici ou plus loin leur travail têtu,
accumulant la terre, la mâchant, la maçonnant, l'élevant
peu à peu en piliers, arcs-boutants, ouvrant des cheminées d'aération,
creusant des galeries neuves, créant d'autres greniers, d'autres caves,
d'autres circuits. Une larve sera reine. Une nouvelle cellule royale sera édifiée.
Et tout recommencera, se repeuplera de soldats, de nourrices et d'ou-vrières
en attendant la prochaine razzia des ennemies héréditaires. Fourmilière
contre termitière. Deux cités, deux civilisations. Deux multitudes
rigoureusement groupées, codifiées autour de leur reine, de leur
machine pondeuse. Fourmis noires contre termites pâles.
... Moi, Houphouët, je ne suis pas du côté des termites. Le
Bélier n'a pas d'affinités avec ces bestioles blanchâtres,
blafardes, embrigadées, serviles, gorgées de sciure. Des insectes
albinos. Le bas de gamme ! Mes soeurs et mes alliées sont les fourmis
carnivores et guerrières. Leur épopée dans la savane. Leur
grande cavale nomade. Elles parcourent mon territoire, elles le célèbrent
dans leur vagabondage criminel. Elles le net-toient de ses charognes et de ses
déchets. J'aime leur délinquance noire, leur signature immense,
paraphée sur le ventre de la terre. De la même race que mes crocodiles
sacrés, elles sont le déploiement de ma menace. Elles proclament
ma terreur dans le soleil. Demain, elles tueront encore. Moi-même, je
ne saurais prévoir qui elles réussiront à surprendre, à
encercler dans leurs bracelets de mort. Cet aléa me fascine. Je salue
l'aventure immense de la voracité. J'ai érigé la basilique
de la Vierge et de la Paix à la tête de mon village grandiose.
Je vénère la mère et la Madone sainte... La plus pure des
femmes règne sur Yamoussoukro. J'adore son fétiche intact. Mais
l'équilibre nécessite un contrepoids de guerre, de viol, de barbarie
païenne. La vierge m'émeut. On me voit agenouillé devant
elle et devant Dieu sur les vitraux mêmes de la cathédrale. Moi
le soumis. Moi le fils. Moi le timide. Je suis l'apôtre auréolé.
La mauviette émerveillée. Je suis l'agneau. Je bêle. J'ai
baisé la main du pape. Je lui ai ouvert la Nouvelle Rome des Tropiques.
Mais j'idolâtre aussi la sarabande des magnans. Leurs milliers de mâchoires
s'ouvrent comme ma gueule omnipotente. Leur fourmillement est celui de mon sang.
Ils sont le serpentement de mon sperme. Madone et Magnan. C'est moi, mon formidable
balancement de Verge et de Vierge. Je dresse la croix au-dessus de Yamoussoukro.
Je suis les deux faces du sacrifice. Je suis le Christ, je suis le clou. La
couronne et le crachat. La Vierge et le Venin... Sylvanus perdra. Il n'est qu'un
fétu de ma multiplicité. Un détail bavard de mon éloquence
toute-puissante. L'espoir me gonfle de nouveau. Les magnans ont administré
mon verdict et montré la voie de mon Verbe. Je suis la fourmi formidable.
Les termites sont mon garde-manger. Oui, je mangerai mes ennemis dans mon récit
même. Mon estomac est un gouffre. Je suis l'Ogre, l'Orage, l'Oméga.
Je dirige toutes les fables, toutes les voix. Celle de Boris, celle de Sylvanus.
Et ma grande alchimie les chie en arabesques sur le monde. Houphouët, l'excrément,
oui, la merde qui chante, la boue de la Genèse, c'est moi. Le primordial
chaos. Mais le Bélier cosmique se cabre du sein même de l'ordure
féconde. D'une corne, j'empale Sylvanus, de l'autre l'Albinos. Et je
traverse la totalité de Yamoussoukro en brandis-sant ces deux cadavres
sur mes sabres solaires... Et qui chevauche ma toison ardente ? Masseni nue
! La Légionnaire. Ses seize ans éternels. Son pubis s'ébouriffe
et se mêle à mon poil hérissé. Je sens la sueur de
son sexe béant sur mon échine braquée. Sa croupe tendre
se muscle et oscille au rythme de mes pas triomphants.