La fourmi argentine - La formica argentina

Nouvelle de quarante pages d'Italo Calvino dans Aventures (1952, traduction française)

Un jeune couple et son enfant viennent s’établir dans une ville, sans s’inquiéter du fait que leur oncle leur ait parlé des fourmis qui s’y trouvent. La propriétaire du logement qu’ils louent s’emploie à distraire leur attention des murs, où il y en a qui circulent, en leur parlant longuement du compteur à gaz. Ils mettent leur enfant au lit, et partent faire une promenade, voyant leur voisin répandre avec un soufflet de la poudre sur les plantes de son jardin, en invoquant les fourmis. Quand ils reviennent à la maison, ils la trouvent infestée de ces insectes, dont le mari se souvient alors avoir entendu dire qu’ils viennent d’Amérique du Sud. Ils se mettent au lit, avec le sentiment d’entrer dans un avenir plein de nouveaux troubles. On apprend ensuite de quelles façons d’autres affrontent les fourmis : en utilisant des poisons ; en recourant à des stratagèmes pour les embarrasser ou les tuer ; depuis vingt ans, le représentant d’une agence de contrôle répand de la mélasse pour les tuer, mais beaucoup croient qu’au contraire ainsi il les nourrit. Le jeune couple, fou de rage, vient voir la propriétaire dans son salon sombre et solennel ; elle affirme qu’il n’y a pas de fourmis dans une maison bien tenue ; mais, à la voir s’agiter dans son fauteuil, il est clair qu’il y en a qui rampent sous ses vêtements. Méthodiquement, Calvino décrit les différentes réponses au fléau : il y a celle du chrétien, qui nie l’évidence, celle du manichéen qui accepte le mal, celle du darwinien invétéré pour qui la supériorité génétique triomphera. Mais les fourmis se révèlent indestructibles, et l’histoire se termine lorsque la famille part au bord de la mer, où il n’y a pas de fourmis.
Un extrait : "Vous les détruirez toutes ? - Non, objecta tranquillement le capitaine, détruire les ouvrières ne mène à rien. Il y a des fourmilières dans tous les coins, avec des reines qui en pondent par millions." (p. 181)

Commentaire de André Durand (www.comptoirlitteraire.com/docs/357-calvino.doc)
" Ce récit cauchemardesque, fait de répétitions et de progression angoissante, chef-d’oeuvre d’horreur retenue avec des notes farcesques sous-jacentes, peut être rapproché de ceux de Kafka. On peut y voir un tableau d’un environnement où la nature prend sa revanche, la dénonciation de l’incapacité des humains à s’organiser contre un fléau, un ennemi trop petit et omniprésent pour être dominé."

Luc Passera en dit "j’ai relu avec plaisir la nouvelle consacrée à « la fourmi argentine* ». Je n’ai qu’une maigre connaissance de la littérature mais cette nouvelle m’enchante par la vérité naturaliste mêlée à une très bonne observation des comportements humains." *une mauvaise traduction de mon point de vue (mais je n’ai pas l’original en italien) ; en français on écrit "la fourmi d’Argentine" (par mail, 13 avril 2017). Effectivement en italien on dit "La formica argentina".

- Calvino Italo (1964). Aventures. Une nouvelle de 1952 intitulée "La fourmi argentine". Réédité plusieurs fois.