FOURMIS DANS LES RUCHES
de Max Huber, Genève le 08.09.2023. C'est ouvert la discussion. (Je n'ai pas vérifié toutes les références..)
Pour ma recherche sur la présence de fourmis dans les ruches, j'ai fait une enquête auprès de 333 apiculteurs qui montre qu'environ 70% des participants et participantes disent avoir des fourmis dans leurs ruchers.
En outre, j'ai été
étonné de recevoir de nombreux témoignages et photos concernant
la présence simultanée d'abeilles mellifères et de fourmis
sans aucun conflit.
Par contre, dans une vidéo on voit clairement des fourmis attaquer des
abeilles sur la planche d'envol avec des jets d'acide formique et des morsures.
On peut se poser la question, comment se fait-il que deux hyménoptères
eusociaux puissent se tolérer et à quel moment cela devient-il
conflictuel ?
Suite à l’article du professeur Alain Lenoir sur l'allogrooming entre deux espèces de fourmis « Comparatif dynamique de la formation des odeurs gestalt dans deux espèces Camponotus fellah et Aphaenogaster senilis » [1], je me suis interrogé sur la possibilité que l'allogrooming avec des abeilles mellifères mortes soit à la base d'une modification chimique des l'hydrocarbures cuticulaires des fourmis.
Les travaux de la myrmécologue
Deborah Gordon, professeure à l’Université de Standford,
montrent que la chimie des hydrocarbures cuticulaires change la fonction des
tâches des sous-castes et de la nourriture qu’elles ont trouvée.
Bien que l'activité de travail ne soit pas régulée de manière
centralisée (Gordon et al. 1997), les motifs d'interaction entre les
individus sont mesurés par des signaux présents dans le mélange
de composés chimiques cuticulaires (Greene et Gordon 2003, 2007).
Concernant une étude
sur l’apiculture au Brésil, Simoes écrit :
« Nos analyses morphométriques ont été confirmées
par l'analyse des composés chimiques de la cuticule, indiquant que chaque
caste morphologique et sous-caste de cette espèce peut être reconnue
dans la colonie par des profils chimiques de la cuticule distincte».
Cette analyse a été effectuée à l’intérieur
des ruches [2].
Or, plusieurs études
sur la transmission du virus de l’aile déformée de l’abeille
(DWV) montrent que les fourmis peuvent se nourrir de cadavres d’abeilles
mellifères [3] [4] [5] [6] [7] [8].
Dans l’étude de Daniel Schläppi, il est question de Lasius
niger et de Lasius platythorax [9] [10].
Dans mon sondage ces fourmis représentent 17% des espèces trouvées
dans les ruches contre 37% pour Lasius emarginatus.
Dans l’étude de Hayward, on peut lire que « les abeilles
mellifères soient apparemment moins capables de détecter et de
répondre aux fourmis qui ont peu d'odeurs détectables, ceci indiquant
que les odeurs des fourmis jouent un rôle clé dans leur détection»
[11].
La question est de savoir s’il y a une possibilité d’un changement
dans la chimie des hydrocarbures cuticulaires de la fourmi par contact…
Dans le cas-là cela pourrait expliquer la passivité des abeilles
à l’égard des fourmis.
Ceci expliquerait que l’interaction fourmis-abeilles se passe généralement
bien, mais qu’en cas de rupture il y a conflit.
On peut éventuellement penser que si la ruche est faible, c’est-à-dire moins d'abeilles donc moins d'hydrocarbures cuticulaires reconnus par les fourmis, il y a déclenchement d'une phéromone d'alarme et il s’en suit une attaque des fourmis sur les abeilles mellifères.
Il serait intéressant de faire des analyses et d'approfondir ce sujet, d'autant plus que des études montrent que les fourmis peuvent transmettre le virus de l'aile déformée aux abeilles mellifères.
Références
[1] Alain Lenoir ; Abraham
Hefetz ; Tovit Simon ; Victoria Soroker (2001). Dynamique comparative de la
formation des odeurs gestaltiques chez deux espèces de fourmis Camponotus
fellah et Aphaenogaster senilis (Hymenoptera : Formicidae). (Lenoir,
A., A. Hefetz, T. Simon and V. Soroker (2001). Comparative dynamics of gestalt
odour formation in two ant species Camponotus fellah and Aphaenogaster
senilis (Hymenoptera: Formicidae). Physiological Entomology 26: 275-283.)
Pdf
[2] Simoes, M R; Giannotti,
E; Tofolo, V C; Pizano, M A; Firmino, E L B; Antonialli-Junior, W F; Andrade,
L H C; Lima, S M (2016). Morphological and Chemical Characterization of the
Invasive Ants in Hives of Apis mellifera scutellata Lepeletier (Hymenoptera:
Apidae). Neotropical Entomology, 45(1), 72–79. doi:10.1007/s13744-015-0344-z
[3] Payne AN, Shepherd
TF, Rangel J. La détection des virus associés aux abeilles domestiques
( Apis mellifera ) chez les fourmis. Sci. Rép. 2020 ; 10 : 2923.
doi: 10.1038/s41598-020-59712-x.
[4] Dobelmann J.,
Felden A., Lester P.J. (2020). La diversité des souches génétiques
de virus à ARN multi-hôtes qui infectent un large éventail
de pollinisateurs et associés est façonné par les origines
géographiques. Virus. 2020 ; 12 : 358. doi: 10.3390/v12030358.
[5] Simoes MR, Giannotti
E., Tofolo VC, Pizano MA, Firmino ELB, Antonialli-Junior WF, Andrade LHC, Lima
SM Caractérisation morphologique et chimique des fourmis invasives dans
les ruches d'Apis mellifera scutellata Lepeletier (Hyménoptères
: Apidae ) Neotrop . Entomol. 2015 ; 45 : 72–79. doi: 10.1007/s13744-015-0344-z.
[6] Diversité
des fourmis (Hymenoptera: Formicidae) à l'intérieur et à
l'extérieur des ruches de l'abeille à miel de l'ouest Apis
mellifera l. (Hymenoptera : Apidae), 2020. Revue chilienne des sciences
agricoles et animales 36(1):44-51
DOI : 10.29393/CHJAAS36-1D40001
[7] Virus des ailes déformées chez deux fourmis envahissantes
largement répandues : répartition géographique, prévalence
et phylogénie. Chun-Yi Lin, Chih-Chi Lee, Yu-Shin Nai, Hung-Wei Hsu,
Chow-Yang Lee, Kazuki Tsuji et Chin-Cheng Scotty Yang. https://www.mdpi.com/1999-4915/12/11/1309
[8] Jana Dobelmann, Antoine Felden and Philip J. Lester (2023). An invasive
ant increases deformed wing virus loads in honey bees. Biology Letters, 19:
20220416. DOI : 10.1098/rsbl.2022.0416. Pdf
(Une fourmi invasive augmente la charge virale des ailes déformées
chez les abeilles domestiques Pdf
)
[9] [10] Schläppi D., Chejanovsky N., Yañez O., Neumann P. (2020).
Transmission d'origine alimentaire et symptômes cliniques des virus de
l'abeille domestique chez les fourmis Lasius spp. Texte
français
(Schläppi, D., N. Chejanovsky, O. Yañez and P. Neumann (2020). Foodborne
Transmission and Clinical Symptoms of Honey Bee Viruses in Ants Lasius
spp. Viruses 12(3). https://doi.org/10.3390/v12030321). Pdf
[11] Hayward G. SpanglePdfr and Stephen Aber (1970). Defensive behavior of honey
bees toward ants, Entomology Research Division, Agr. Res. Serv., U.S.D.A. Tucson,
Arizona 85719. Pdf
Texte
français
https://www.researchgate.net/publication/27372622_Defensive_Behavior_of_Honey_Bees_Toward_Ants
Voir aussi Baty et al 2020
sur les virus de fourmis (texte
français)
Baty, J. W., M. Bulgarella, J. Dobelmann, A. Felden and P. J. Lester (2020).
Viruses and their effects in ants (Hymenoptera: Formicidae). Myrmecological
News 30: 213-228. 10.25849/myrmecol.news_030:213. Pdf