Epingle1192 Sans bouchon

par Alain Fraval, octobre 2019


Trafic très ralenti, circulation à l’arrêt, c’est la plaie. Trop de monde dans la même direction au même moment, qu’on soit en voiture, en vélo ou sur 2 pattes. Sur 6, pas de problème d’embouteillage, ça reste fluide, en tous cas chez les fourmis.
C’est ce qu’ont montré des chercheurs entomobaïnologues du Centre de recherche sur la cognition animale (CNRS/Université de Toulouse III – Paul-Sabatier) et de l’université d’Arizona (États-Unis), expérimentant l’effet de la densité sur la marche de la Fourmi d’Argentine, Linepithema humile (Hym. Dolichodériné). En nature, les chemins entre le nid et les lieux d’affouragement sont fréquentés par des myriades d’ouvrières.
Les chercheurs ont créé des colonies artificielles de 400 à 25 600 individus. Les ouvrières à jeun depuis 5 jours se sont vu offrir du sirop à l’autre bout d’un pont en plastique de 17 cm de long et de 3 largeurs : 5, 10 et 15 mm. Installée au-dessus du pont, une caméra a enregistré le trafic de 170 expériences (comptant les répétitions) durant 1 h. Ont été mesurées la vitesse de chaque fourmi et la fréquence des chocs entre elles.
Chez les humains, qu’ils marchent ou qu’ils roulent, l’embouteillage commence dès que 40 % de la surface est occupée. Chez les fourmis, le trafic ne ralentit qu’au-delà de 80 %. en fait, elles s’adaptent. Tant qu’il y a peu de monde, elles courent plus vite. Si leur densité augmente, elles s’arrangent pour éviter les collisions et si la foule est trop dense, elles évitent de s’y joindre.
Une différence importante de ces fourmis avec les gens est qu’elles ne craignent pas les chocs, bien protégées par leur tégument, ce qui leur permet d’accélérer quand nous avons le réflexe de ralentir. Dans leurs déplacements de masse, elles sont gouvernées par des rétroactions positives : suivre la piste et y ajouter leur marque chimique – et n’ont que des contacts très brefs entre elles.
Ce qu’on a appris de l’étude de la circulation des fourmis (et ce qui reste à découvrir comme les mécanismes) intéresse beaucoup les ingénieurs dans bien des domaines, des télécommunications à la mise au point du comportement des véhicules autonomes en passant par la biologie moléculaire.

Parmi les insectes destructeurs de bouchons, la Fourmi du liège Crematogaster scutellaris (Myrmiciné).
Photo : Fourmis d’Argentine sur un appât. Cliché Whitney Cranshaw/CSU
NDLR : la voiture autonome sera-t-elle finalement inspirée des autos tamponneuses ?