La guerre des FOURMIS

Luc Passera observe les fourmis depuis plus de trente-cinq ans. Dernier sujet d'étude la "Pheidole pallidula" une fourmi agressive qui, lorsqu'elle se sent menacée, arme des soldats.
Une partie des activités de Luc Passera est un travail sur le terrain. Ici, il récolte des "fourmis d'Argentine".
Observation de fourmis sur écran au laboratoire
d'éthologie à l'université Paul-Sabatier de Toulouse.

Le nombre des soldats varie selon le stress de la fourmilière
La fourmi n'est pas prêteuse et a même l'instinct de propriété fort développé. Elle est aussi capable de déclencher une guerre sans merci si elle sent qu'un ennemi menace son nid ou son site de nourriture. Elle lance alors sa troupe de soldats à l'assaut de ses adversaires et le combat commence. Parmi les quelque douze mille espèces de fourmis recensées dans le monde — trois cents en France — une sur cinq environ possède des soldats. La Pheidole pallidula, par exemple, une fourmi du Midi de la France. Luc Passera en a fait son dernier sujet d'observation.

Professeur au laboratoire d'éthologie à l'université Paul-Sabatier de Toulouse, il est l'un des meilleurs spécialistes au monde en matière de fourmis. De l'étude de la petite méditerranéenne, il conclut: «Plus une colonie se sent menacée et plus elle produit de soldats.» La fourmilière adulte, qui peut compter jusqu'à 10 000 individus, est ainsi composée des êtres sexués, mâles ou femelles, pour la reproduction, des ouvrières chargées de nettoyer la fourmilière, l'agrandir, récolter la nourriture, nourrir les larves.., et des soldats (ou plutôt des soldates, car se sont des femelles) pour dé fendre la maison.

On reconnaît les guerrières à leur grosse tête qui abrite des muscles puissants chargés de mouvoir les mandibules. Car attention! Les soldats mordent, coupent, tranchent, cisaillent, broient... Mais à qui donc en veulent-ils ainsi ? «A tous ceux qui ont les mêmes besoins écologiques, les mêmes besoins de nourriture, bref à toutes les fourmis de la même espèce, mais pas du même nid !, explique Luc Passera qui a reconstitué des colonies dans son laboratoire pour mieux les observer.

Le nombre de soldats peut varier de 5% à 30% selon le niveau de stress de la fourmilière. Ce sont les ouvrières qui flairent le danger : chaque fourmi possède « un passeport chimique», une odeur affectée à un nid, qu'elle dépose sur le sol pour retrouver sa route. Lorsque, sur leur chemin, elles croisent d'autres pistes avec d'autres odeurs, les ouvrières s'alarment : sans aucun doute leur fourmilière est cernée par des colonies ennemies. C'est alors qu'elles décident d'élever une pro portion accrue de soldats : selon la qualité et la quantité de nourritures reçues, les larves deviennent reine, ouvrières.., ou soldats. Lorsque les ennemis sont pris en flagrant délit, les fourmis rentrent en vitesse recruter les soldats. Cer tains patrouillent aux abords du nid, la plupart attendent, désoeuvrés, à l'intérieur. Excités par la substance chimique que leur font parvenir leurs congénères, les soldats se ruent alors à l'extérieur et déclenchent les hostilités.

Après la guerre, si trop d'ouvrières ont péri dans le conflit, les soldats survivants devront troquer leur panoplie de guerrier contre celle, plus pacifique, de nourrice des larves... «Vous savez, toutes les fourmis ne sont pas aussi guerrières. D'autres espèces s'accommodent très bien de leurs congénères d'un autre nid. Elles s'associent, s'entraident, échangent des oeufs, des reines », reprend Luc Passera avant de conclure : « L'organisation sociale chez la fourmi atteint des degrés de complexité et de perfection que l'on re trouve uniquement chez d'autres insectes comme la termite ou l'abeille et chez l'homme. »

D'ailleurs si ces dernières années, la fourmi fait des ravages, c'est bien plus en librairie et sur les écrans que dans les champs.