Toxique planète. Le scandale invisible des maladies chroniques

D’André Cicolella (Seuil 2013)

Analyse par Alain lenoir mis à jour 13-Fév-2017

Les maladies chroniques (non infectieuses comme les maladies cardio-vasculaires ou respiratoires, cancers, diabète…) progressent bien plus vite que le changement démographique lié à l’allongement de l’espérance de vie. C’est la malbouffe, la sédentarité mais surtout l’environnement chimique avec des milliers de molécules qui nous empoisonnent. De nombreuses molécules sont des perturbateurs endocriniens qui interfèrent avec les hormones sexuelles. L’auteur propose de changer de paradigme, il faut repenser notre façon de vivre, de consommer, arrêter l’agriculture productiviste au profit de l’agro-écologie, interdire les substances dangereuses comme les perturbateurs endocriniens ou l’aspartame cancérogène.
« Les toxiques que l’on retrouve chez les ours blancs, les pandas, les grenouilles et les abeilles, ceux qui les font dépérir, sont les mêmes que ceux que l’on retrouve dans le sang des bébés et qui perturbent notre système hormonal. » (p. 17)
« L’augmentation des maladies chroniques non transmissibles représente un énorme défi. Pour certains pays, il n’est pas exagéré de décrire la situation comme une catastrophe imminente pour la santé, pour la société. » Margaret Chan, directrice de l’OMS le 21 avril 2011 (p. 21).
Espérance de vie en France en 2009 de 84,5 ans pour les femmes, 77,8 pour les hommes (p.41). C’est l’espérance de vie de la génération née avant la seconde guerre mondiale, mais l’environnement a changé (pollution chimique, sédentarité, alimentation) et l’espérance de vie commence déjà à diminuer : en 2012 elle a baissé 0,2 ans pour les femmes et stable pour les hommes. (p.42). L’espérance de vie en bonne santé est très différente. Elle a baissé de 63 ans pour les hommes en 2007 à 61,8 en 2010 et de 64,6 en 2008 à 63,5 pour les femmes. (p.47)
Déclaration des îles Féroé par Philippe Grandjean et Philip Landrigan (2007) : « Le cerveau est particulièrement sensible aux expositions toxiques pendant le développement … De légères modifications du fonctionnement cérébral peuvent avoir de sérieuses implications pour le futur fonctionnement social et les activités économiques, même en absence de retard mental et de maladie évidente ». On parle même de « pandémie silencieuse ». Les hormones thyroïdiennes jouent un rôle déterminant dans la formation du cerveau de l’enfant. C’est Theo Colborn qui a observé que l’épidémie a démarré avec les enfants du baby-boom, les premiers à avoir été exposés in utero aux perturbateurs endocriniens (p. 100-102)


Les effets des PE (perturbateurs endocriniens) (chap 9) :
- Diminution du nombre de spermatozoïdes de moitié et du volume séminal de 25% entre 1938 et 199. Données confirmées avec diminution de la fertilité des couples.
- Malformations génitales chez les garçons liées à une perturbation des androgènes pendant la grossesse. On parle même de « syndrome des phtalates » qui seraient les principaux responsables.
- Abaissement de l’âge de la puberté, surtout chez les filles ;
- Effets transgénérationnels : le mélange BPA, DEHP et DBP a des effets sur le poids, la puberté, obésité, atteintes du rein et de la prostate sur 3 générations.
TEDX liste des subst à effets PE : 870 aujourd’hui
Paradigme des PE selon déclaration de Washington (2009) : (p. 148-9)
- l’âge de l’exposition : c’est la période qui fait le poison, surtout la gestation
- le temps écoulé : effets longtemps après, même quand subst disparue
- effet cocktail : des substances individuellement sans effets même à doses élevées, interagissent et deviennent dangereuses
- relation dose-effet : le digme de la toxicologie "la dose fait le poison" n'est plus du tout valable. Parfois aucun effet à forte dose mais effets à doses infinitésimales !!
- effets à long terme transgénérations, sans exposition ultérieure. C’est l’épigénétique (Conrad Waddington, 1942). Le mécanisme pourrait être la méthylation des gènes qui empêche ou favorise l’expression des gènes. Cela peut même avoir des effets sur le comportement sexuel (p.161).

Bisphénol A (BPA) et distilbène (diéthylstilbestrol = DES)
BPA et DES sonr des hormones de synthèse très proches chimiquement découvertes dans les années 1930. Le DES a été choisi comme médicament contre les risques d'avortements. Dans les années 1950 on découvre que le BPA peut être utilisé en polymère (appelé bicarbonate) par exemple dans les biberons. Dans les années 1970 on l’utilise pour faire des résines dans les boîtes de conserves et les canettes de boisson, puis par exemple dans les tickets de caisse. Or le BPA de dépolymérise vite et se retrouve partout dans l’environnement, imprègne la quasi-totalité des humains avec des effets avérés nombreux. Le DES s’est révélé aussi dangereux dans le combat contre les fausses couches : 200 000 femmes ont été traitées en France avant son interdiction en 1977 (1971 aux USA) avec toute une série de conséquences graves chez les enfants traités dont des cancers du sein. L’impact se poursuit jusqu’à la troisième génération, donc c'est un effet épigénétique ! (chap 13-14)


Pesticides (Chap 16)
La contamination chimique par les pesticides est considérable, les raisins de table gagnent le trophée.. L’atrazine est un herbicide aujourd’hui interdit mais il est encore partout dans les eaux des nappes phréatiques. Le Brésil en est encore le premier utilisateur (20% de la consommation mondiale).


« La notion de crime environnemental devrait être reconnue en matière de santé environnementale. » (p.271)