Myrmelachista schumanni et les jardins du diable

Alain Lenoir Mis à jour 28-Sep-2023

En Amazonie on connaît des surfaces où vit une seule espèce d’arbuste (Duroia hirsuta) avec sa fourmi (Myrmelachista schumanni) qui détruit les plantules des autres plantes avec l’acide formique. La fourmi mord la plantule et y dépose une goutte d’acide provoquant la nécrose de la feuille en quelques heures. Ces jardins sont très stables, on en connaît qui ont 800 ans et 350 arbustes. Il y peut avoir une seule colonie avec trois millions d’ouvrières et 15 000 reines (Frederickson et al. 2005). On reconnait immédiatement que l'on se trouve à l'intérieur d'un jardin du diable parce que la domination d'une seule espèce d'arbre est radicalement différente de la grande biodiversité de l'ensemble de cette forêt. Selon Deborah Gordon les jardins du diable doivent leur nom au fait que les autochtones croyaient que Chullachaqui, un esprit malfaisant de la forêt, y demeurait. D. hirsuta possède des domaties sous forme de tiges creuses qui fournissent un abri pour la construction des nids des fourmis. Bien que les fourmis repoussent les herbivores, la taille des jardins du diable est limitée car la quantité de plantes à détruire augmente au fur et à mesure que le jardin s'étend, et passé une certaine surface, la colonie n'en n'est plus capable. Voir Galus 2005.

Le jardinier du diable (Cécile Dumas, Nouvel Observateur, 22 sept 2009). Les fourmis Myrmelachista dans les jardins du diable.

Olivier Dangles a aussi travaillé sur les jardins du diable en Equateur (Yasuní National Park). Ils ont suivi une parcelle de 25 hectares depuis 1995. Les fourmis mutualistes doublent la croissance des arbres et accroit leur survie. Cependant, quand les arbres sont jeunes, la croissance est améliorée s'ils ont plein d'autre arbres autour. Cet effet diminue avec l'âge de l'arbre (Baez et al 2016).

Pierre-Jean Malé a montré que les colonies de M. schumanni sont parfois polyandres et produisent un sex-ratio biaisé. La variation génétique est faible à la fois dans les colonies et entre colonies (Malé et al 2020).

Selon Caroline Birer c'est la fourmi la plus bizarre qui existe.

Voir
- Báez, S., D. A. Donoso, S. A. Queenborough, L. Jaramillo, R. Valencia and O. Dangles (2016). Ant Mutualism Increases Long-Term Growth and Survival of a Common Amazonian Tree. The American Naturalist 188, sous presse.
- Frederickson, M. E., Greene, M. J., & Gordon, D. (2005). Ecology: 'Devil's gardens' bedevilled by ants. Nature 437: 495-6.
- Frederickson, M. E., & Gordon, D. (2007). The devil to pay: the cost of mutualism with
Myrmelachista schumanni ants in 'devil's gardens' is increased herbivory on Duroia hirsuta trees. Proc. R. Soc. B. 274 (1613): 1117-23.
- Galus, C. (2005). Des fourmis inventent l'herbicide sélectif. Le Monde 24 septembre. http://www.lemonde.fr/planete/article/2005/09/23/des-fourmis-inventent-l-herbicide-selectif_692219_3244.html. Pdf
- IRD (2016). L'arbre et la fourmi : un bénéfice mutuel. Fiches d'actualité scientfique n°498. Lien
- PJG Malé, E Youngerman, NE Pierce, ME Frederickson (2020). Mating system, population genetics, and phylogeography of the devil's garden ant, Myrmelachista schumanni, in the Peruvian Amazon. Insectes Sociaux, 67: 113-125.

Ecouter Les "jardins du Diable" sur France Inter (Le tête au carré) du lundi 12 septembre 2016 avec Olivier Dangles, chercheur à l'IRD à Quito. En plein cœur de la forêt amazonienne en Equateur, "des fourmis façonnent des parcelles uniquement composées de l’arbre qui les accueillent".