Epingle 1105 Au fond d’un trou soviétique

par Alain Fraval, septembre 2016

La Fourmi rousse des bois Formica polyctena (Hym. Formiciné) construit des dômes impressionnants (jusqu’à 1,5 m de haut) en aiguilles de pin et débris végétaux qui servent de radiateur et de parapluie à la colonie. Petits insectes, miellat, spores de champignon, grains de pollen… constituent sa nourriture. Participant à la régulation des populations d’insectes défoliateurs forestiers, l’espèce est protégée.
Cette fourmi est capable de se maintenir dans des lieux fort pauvres en ressources. Dans le golfe de Finlande, une colonie (apportée expérimentalement) a vécu 30 ans sur un îlot où poussait un unique pin.
Il y a pire comme environnement chiche en nourriture. Un ancien silo à missiles nucléaires, sur une base soviétique désaffectée en 1992 (près de Miedzyrzecz, en Pologne) est scellé, à part des trous pour laisser passer les chauves-souris et un conduit d’aération de 5 m de haut. Le conduit est obturé à son débouché extérieur par un grand dôme, sous un pin de la forêt environnante.
Tout en bas, dans le noir complet, un dôme en terre petit mais bien entretenu. Une colonie de Fourmi rousse vit là, active hiver (par quelques degrés en dessous de zéro) comme été (à 10°C). Qui vit de quoi ? De ce qui tombe. Des particules consommables, dont de petits insectes et acariens, mais aussi des ouvrières du nid d’en haut, des maladroites. Ce sont elles qui assurent la pérennité de la colonie des profondeurs car, dans ces conditions de pénurie extrême, elle ne produit aucun couvain.
Et pas d’autre avenir pour ces fourmis que de finir au cimetière adjacent au dôme, épais de plusieurs couches de cadavres. Aucune n’est jamais parvenue à remonter à la surface.