Quand les animaux nous donnent des leçons de démocratie

Alain Lenoir Mis à jour 09-Nov-2020      

Un éditorial de La tête au Carré inspiré des élections américaines : Quand les animaux nous donnent des leçons de démocratie, par Camille Crosnier, France Inter lundi 9 novembre 2020. Ecouter en podcast (2 min) le texte ci-dessous.

Les bêtes votent, elles aussi, et ce n’est pas de l’anthropomorphisme : il existe des mécanismes sophistiqués chez de nombreuses espèces… Alors pas pour élire un individu, mais pour décider.. décider de ce qu’il y a de plus important. Et de quoi s’agit-il à votre avis chez les animaux ? Se déplacer ! C’est crucial : pour s’alimenter, se protéger des prédateurs, ou s’organiser face à la concurrence. On décide ensemble, collectivement, de bouger dans telle ou telle direction, en gardant bien la cohésion du groupe.
Alors comment ça se passe ?

Les façons de voter sont variées, vous vous en doutez : les chiens sauvages au Botswana, par exemple, éternuent (oui, étude scientifique) éternuent pour approuver le déplacement. Les cerfs se dressent sur leurs pattes arrière, pendant que les abeilles observent, elles, un étrange spectacle dans la ruche, transformée en agora : écoutez-bien… les éclaireuses parties repérer une nouvelle adresse, font une danse à leur retour, elles s’agitent et frétillent en dessinant un 8, pour convaincre les autres de les suivre, un peu comme un candidat en campagne. Et dès que la majorité de l’essaim en entoure une, hop tout le monde déménage d’un coup.

Autre procédé, observé chez certains babouins, chevaux ou bisons : un des individus du groupe, qui tente de lancer le mouvement quand il sent que c’est le moment, on l’appelle “l’initiateur”. Il va montrer la direction, faire des vocalises, ou même commencer à s’éloigner… Et s’il est suivi, tant mieux, sinon… Et bien il revient tout simplement dans le groupe, et re-tentera peut-être plus tard, à moins qu’un autre ne le fasse. Il est, en général, le plus motivé ou le plus audacieux, quand il s’agit des oies ou poissons.

C’est-à-dire qu’il n’y a pas de chef, de leader ?
Non, c’est un concept très humain le leadership. Il y a les dominants, mais ça n’a rien à voir. Dominants grâce à leur âge ou leur force physique par exemple, mais leur rôle est davantage d’apaiser les tensions que de prendre les décisions. Grosse idée reçue aussi pour la reine chez les fourmis ou les guêpes, qui ne sont pas des dictatrices ! Elles pondent mais ce sont les ouvrières qui sont véritablement aux manettes… en fait, chacune est dépendante des autres, donc les comportements individualistes sont proscrits, les colonies fonctionnent comme un seul homme – ou femme, des super-organismes.

Et c’est pareil chez de nombreux mammifères, la coopération prime sur la compétition, il en va de la survie du groupe, d’ailleurs les initiateurs qui se trompent, avec une mauvaise direction ou information sont immédiatement décrédibilisés, grillés. C’est pour cela que le despotisme animal n’est que très rarement observé.